Aller au contenu
Agir
Faire un don
ou montant libre :
/mois
Grâce à la réduction d'impôts de 66%, votre don ne vous coûtera que : 5,1 €/mois
Des manifestants lors d'une manifestation le 19 janvier 2020 à Beyrouth ©REUTERS/Mohamed Azakir

Des manifestants lors d'une manifestation le 19 janvier 2020 à Beyrouth ©REUTERS/Mohamed Azakir

Liberté d'expression

Liban : Un niveau de violence record contre les manifestants

Au moins 409 manifestants blessés dans les affrontements entre manifestants et forces de sécurité à Beyrouth les 18 et 19 janvier.

Le weekend des 18 et 19 janvier, les affrontements entre manifestants et force de l’ordre ont été parmi les plus violents depuis le début des manifestations au Liban. Les forces de sécurité intérieures (FSI) ont tiré dans le but de blesser, parfois grièvement, des centaines de manifestants. La Croix-Rouge libanaise en dénombre au moins 409.

Une escalade des violences contre les manifestants

La police antiémeute des FSI aurait utilisé illégalement des balles en caoutchouc à faible distance, des canons à eau, des gaz lacrymogènes et des matraques contre les manifestants à Beyrouth. Elle a également procédé à des dizaines d’arrestations.

100 jours après le début des manifestations au Liban, la violence des affrontements est sans précédent.

Lors des manifestations du 18 janvier, la ministre de l’Intérieur par intérim Raya Haffar al Hassan a publié une déclaration appelant « les manifestants pacifiques » à quitter la place pour « éviter d’être blessés ». Des vidéos postées en ligne montrent quelques dizaines de manifestants lancer des pierres, des plantes et des pétards en direction de la police. Pour autant, la réponse à ces actes marginaux doit être ciblée et non généralisée. Cependant, il n’est aucunement justifié de disperser brutalement une manifestation, en réponse à des actes de violence d’une minorité de manifestants.

Des tirs sur des manifestants pacifiques

D’après des photos, des vidéos , des témoignages et des rapports médicaux, les policiers antiémeutes ont tiré directement sur la foule, à hauteur du visage, blessant de nombreuses personnes. Selon le témoignage d’un chirurgien à l’Hôtel-Dieu, certains manifestants ont perdu la vue. Des policiers ont parfois même tiré à bout portant, ce qui indique qu’ils tiraient pour blesser. Michel Razzouk, 47 ans, en a fait les frais dans la nuit du 18 janvier, avant d’être roué de coups par un groupe de policiers. « J’ai senti quelque chose me frapper et je n’avais plus de souffle. Je me sentais écrasé par un poids énorme et ne comprenais pas ce qui se passait. Un type m’avait tiré directement dans l’estomac, il se trouvait à quatre ou cinq mètres. Je ne suis pas sûr que les autres policiers aient compris qu’il m’avait tiré dessus et ils ont commencé à me tabasser. Je me sentais paralysé, incapable de bouger. Alors j’ai réalisé que quelque chose clochait. Ils me disaient " Lève-toi, debout ", mais je ne pouvais pas. Ils m’ont frappé pendant environ 15 minutes avant de comprendre que quelque chose n’allait pas. »

J’ai plus de 50 points de suture à l’intérieur et à l’extérieur de la bouche et au menton, après quatre heures de chirurgie.

Jean George Prince, un manifestant

Un autre manifestant, Jean George Prince, a été blessé par une balle en caoutchouc le 18 janvier. Il a déclaré qu’il manifestait pacifiquement, près de l’hôtel Le Grey, lorsqu’il a été touché au visage par une balle en caoutchouc. Sa lèvre inférieure présentait une profonde lacération et il a dû subir une chirurgie réparatrice. « Nous étions des manifestants pacifiques, formant une ligne devant la police antiémeute. Nous n’avancions pas vers eux. Ils ne se trouvaient qu’à quatre ou cinq mètres… J’ai vu l’un d’entre eux viser et tirer directement sur les gens. J’ai vu un homme recevoir une balle juste à côté de moi. Puis j’ai été touché par un tir au visage qui m’a fait reculer. Nous étions trois blessés… J’ai plus de 50 points de suture à l’intérieur et à l’extérieur de la bouche et au menton, après quatre heures de chirurgie. »

Arrestations, passages à tabac et menaces de viol

Le Comité des avocats pour la défense des manifestants au Liban a confirmé que les forces de sécurité ont arrêté au moins 43 manifestants dans la nuit du 18 janvier et les ont transférés au poste de police d’Hélou. Onze ont été libérés plus tard dans la nuit et les autres le lendemain matin. Les FSI ont gardé leurs téléphones portables, affirmant qu’une ordonnance judiciaire avait été émise à cet effet.

Sur une vidéo largement relayée sur les réseaux sociaux, on peut voir des policiers frapper des manifestants lorsqu’ils sortent du véhicule des FSI à l’intérieur du poste de police d’Hélou. Le responsable des FSI a promis d’ouvrir une enquête sur ces faits précis.

Nous nous sommes entretenus avec une manifestante, témoin de l’arrestation arbitraire de son ami dans la nuit de samedi, rue Pasteur à Beyrouth. Lorsqu’elle a demandé aux policiers où ils l’emmenaient, ils l’ont insultée et ont menacé de l’arrêter et de la violer.

Les autorités judiciaires ont un rôle crucial à jouer s’agissant d’enquêter sur les événements du week-end en vue de fournir des recours aux victimes et d’adresser un message fort : de telles violences ne seront pas tolérées.