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Un policier à Strasbourg, France © Nicolas Roses/ABACAPRESS.COM
Qu’est-ce que le "contrôle au faciès" ?
Un contrôle d’identité "au faciès" est un contrôle de police fondé sur des caractéristiques physiques associées à l’origine de la personne, qu’elle soit réelle ou supposée. De tels contrôles sont illégaux car ils sont discriminatoires.
Le contrôle d’identité discriminatoire, ou le "contrôle au faciès", est une pratique stigmatisante, humiliante et dégradante qui peut laisser des séquelles graves pour toutes les personnes qui en sont victimes en France.
Les "contrôles au faciès" font partie de ce qu’on appelle en droit international le « profilage racial ou ethnique ». La Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) du Conseil de l'Europe définit ainsi le profilage racial : « Utilisation par la police, sans justification objective et raisonnable, de motifs tels que la race, la couleur, la langue, la religion, la nationalité ou l'origine nationale ou ethnique dans des activités de contrôle, de surveillance ou d'investigation ».
Le contrôle au faciès : une discrimination systémique en France
En France, la pratique des contrôles d’identité est généralisée, profondément inscrite dans l’action policière, au point qu’elle favorise une discrimination systémique.
Une discrimination systémique est une discrimination qui « […] peut être comprise comme un ensemble de règles juridiques, de politiques, de pratiques ou d’attitudes culturelles prédominantes dans le secteur public ou le secteur privé qui créent des désavantages relatifs pour certains groupes, et des privilèges pour d’autres groupes » (Comité des Nations unies sur les droits économiques, sociaux et culturels, 2009).
Un jeune homme « perçu comme noir ou arabe » a vingt fois plus de risques d’être contrôlé que le reste de la population selon le Défenseur des droits (2017).
La pratique des contrôles d’identité discriminatoires est connue et largement documentée. Des études montrent ses effets dévastateurs sur les victimes, parmi lesquelles des enfants parfois âgés de seulement douze ans.
Cette pratique est condamnée tant par les institutions européennes et internationales de défense des droits humains que par les institutions françaises. Malgré ces multiples condamnations, l’interdiction du contrôle d’identité fondé sur des motifs discriminatoires n'est pas assez explicite dans le droit français.
La France condamnée à de multiples reprises
En 2016, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, la Cour de cassation, a jugé que l’interpellation de trois jeunes hommes à raison de leurs caractéristiques physiques associées à leur origine réelle ou supposée, constituait une faute lourde engageant la responsabilité de l’État.
Le 8 juin 2021, la Cour d'appel de Paris a une fois de plus condamné l’État pour « faute lourde » dans l’affaire des contrôles d’identité discriminatoires de trois lycéens qui revenaient d’un voyage scolaire, dans une gare parisienne, en 2017.
Le 28 juin 2021, la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a épinglé la France en raison des contrôles d’identité "au faciès" dans son rapport.
Le 11 octobre 2023, le Conseil d’État a reconnu que les contrôles d'identité discriminatoires ne sont pas des cas isolés.
Le tribunal judiciaire d'Angoulême a condamné le 16 janvier 2024 l'Etat français pour avoir réalisé un contrôle policier au faciès sur un manifestant Français d’origine éthiopienne.
Le 7 novembre 2024, le Comité des droits de l'homme des Nations unies a exprimé sa préoccupation face à la persistance de ces pratiques en France.
Comme le rappelle régulièrement la Cour européenne des droits de l’Homme : « La discrimination raciale est une forme de discrimination particulièrement odieuse et, compte tenu de ses conséquences dangereuses, elle exige une vigilance spéciale et une réaction vigoureuse de la part des autorités.
C’est pourquoi, celles-ci doivent recourir à tous les moyens dont elles disposent pour combattre le racisme, en renforçant ainsi la conception que la démocratie a de la société, y percevant la diversité non pas comme une menace mais comme une richesse » , CEDH, G. Ch., 6 juillet 2005, Natchova et aut. c./Bulgarie
La discrimination, notamment lorsqu'elle est fondée sur la race, la couleur et la nationalité, est ainsi prohibée par la plupart des textes juridiques relatifs aux droits humains.
« Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. À cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique et de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. » Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), Article 26
Le Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination raciale (CERD) appelle ainsi les États à « prendre les mesures nécessaires pour exclure les interpellations, les arrestations et les fouilles fondées de facto exclusivement sur l'apparence physique de la personne, sa couleur, son faciès, son appartenance à un groupe racial ou ethnique, ou tout "profilage" qui l'expose à une plus grande suspicion » , Observation générale n°31
Une action en justice historique contre les contrôles au faciès
Le 27 janvier 2021, avec cinq ONG nationales et internationales [la Maison communautaire pour un développement solidaire (MCDS), Pazapas, Réseau - Égalité, Antidiscrimination, Justice - interdisciplinaire (Reaji), Human Rights Watch et Open Society Justice Initiative], nous avons inauguré la première action de groupe en France contre les contrôles d’identité discriminatoires ou contrôles dits “au faciès”.
Nous avons mis en demeure le Premier ministre et les ministres de l'Intérieur et de la Justice de prendre les réformes structurelles nécessaires pour que cessent ces pratiques.
Lire aussi : Notre procédure historique contre l'inaction de l'État face aux contrôles d'identité discriminatoires
Les autorités avaient quatre mois pour réagir. Face à leur silence, nous avons saisi en juillet 2021 le Conseil d’Etat pour dénoncer l’inaction du gouvernement français face aux "contrôles au faciès".
Le 11 octobre 2023, le verdict est tombé : le Conseil d’État a reconnu que les contrôles d'identité discriminatoires existent. Mais il a décidé de ne pas user de son pouvoir pour ordonner à l’État de prendre les mesures nécessaires pour y mettre fin.
Malgré ce verdict du Conseil d’Etat, le gouvernement n’a pris aucune mesure pour endiguer le problème. Nous n’avons pas baissé les bras devant cette nouvelle inaction de l’Etat. Nous avons décidé de porter l’affaire devant la justice internationale et avons saisi en avril 2024 le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale.
Dès 7 novembre 2024, le Comité des droits de l'homme des Nations unies a exprimé sa préoccupation face à la persistance de ces pratiques en France et a critiqué l’absence de mesures efficaces pour y mettre fin.
Lire aussi : Contrôle au faciès, le combat continue
Nos recommandations
Un problème systémique nécessite une réponse systémique.
L’État français doit :
Modifier le cadre légal des contrôles d'identité
Protéger les mineurs
Adopter une circulaire explicite et concrète
Mettre en place un système d’enregistrement, d’analyse et de traçabilité des contrôles
Modifier les politiques facilitant le profilage racial
Créer un mécanisme de plainte indépendant et efficace

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