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URGENCE GAZA-ISRAËL

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© Soeren Stache via AFP

© Soeren Stache via AFP

Reconnaissance faciale : neuf questions pour comprendre

La reconnaissance faciale, aujourd’hui en plein essor, risque d’être normalisée dans notre vie quotidienne. Mais de quoi parle-t-on exactement ? Comment fonctionne ses algorithmes ? L'utilisation de la reconnaissance faciale est-elle réglementée ? Nous faisons le point pour tout savoir sur cette technologie qui nous inquiète. 

1. Qu’est-ce que la reconnaissance faciale ?  

Les systèmes de reconnaissance faciale analysent les traits de votre visage et les comparent, via des algorithmes, à des images stockées dans une base de données. La reconnaissance faciale appartient à la catégorie des technologies biométriques. Une donnée biométrique est extrêmement sensible puisqu’il s’agit d’une caractéristique physique, physionomique ou comportementale qui permet d’identifier une personne de manière unique (ADN, iris, visage, empreintes digitales, etc.). La reconnaissance faciale est une technologie qui se base donc sur nos données personnelles des plus sensibles.

2. Est-ce qu’il existe plusieurs types de reconnaissance faciale ?

Il existe deux types de reconnaissance faciale : celle à des fins d’authentification (vérifier votre identité dans un aéroport par exemple) et celle à des fins d’identification (vous identifier dans une foule dans l’espace public). 

Authentifier : la reconnaissance faciale dans les aéroports et sur vos téléphones 

La reconnaissance faciale à des fins d’authentification est déployée pour vérifier que la personne est bien celle qu’elle prétend être. 

Passage d’un portique à l’aéroport qui compare votre visage à la photo de votre passeport, déverrouillage de votre téléphone grâce aux capteurs de votre visage... C’est ce qu’on appelle la reconnaissance faciale à des fins d’authentification. 

Nous ne demandons pas l’interdiction de cet usage car il ne s’agit pas de surveillance de masse et que la personne peut donner son consentement. Cependant, pour que la reconnaissance faciale à des fins d’authentification soit utilisée, elle doit être conforme au règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD).  

Identifier : la reconnaissance faciale dans l’espace public, partout, tout le temps  

La reconnaissance faciale à des fins d’identification est déployée pour déterminer l’identité d’une personne au milieu d’autres personnes. 

Exemple : vous participez à une manifestation. Sur votre trajet, vous passez devant des caméras dotées de logiciels de reconnaissance faciale. L’image de votre visage est captée, comparée à une banque d’images d’autres visages, votre identité est trouvée. Les autorités peuvent avoir accès, en temps réel, à l’identité de toutes les personnes présentes à la manifestation. C’est ce qu’on appelle la reconnaissance faciale à des fins d’identification. Vous n’êtes alors plus anonymes nulle part. Or votre vie privée doit aussi être protégée dans l’espace public. 

L’utilisation de la reconnaissance faciale à des fins d’identification pose problème car il s’agit d'une surveillance de masse. Balayer et enregistrer des données à partir de l'ensemble des visages se situant dans le périmètre couvert représente une ingérence dans le droit à la vie privée qui n'est jamais proportionné. C’est pourquoi nous demandons l’interdiction de la reconnaissance faciale à des fins d’identification.

Dites non à la reconnaissance faciale en France en signant notre pétition

3. Comment fonctionne les systèmes de reconnaissance faciale ? 

Les systèmes de reconnaissance faciale croisent les visages scannés avec une base de données pouvant rassembler les images de milliers, parfois de millions de personnes, en vue d’établir une correspondance. Sur quels critères ? Distance entre les yeux, taille du front, épaisseur des lèvres, etc. : des dizaines de points sont passés au crible par les algorithmes. Les caractéristiques physiques analysées sont transformées en données numériques qui sont comparées aux caractéristiques des visages stockés dans la base de données.

4. Quelles sont les bases de données utilisées pour la reconnaissance faciale ?  

Il existe plusieurs types de bases de données pouvant être utilisées par les systèmes de reconnaissance faciale pour croiser les images de visages recueillies. Voici quelques exemples :

➡️ Une base de données alimentée au quotidien 

En Israël, un logiciel de reconnaissance faciale nourrit sa base de données en direct : dès lors qu’un nouveau visage est scanné, il est alors conservé dans la base de données.

C’est le cas aux checkpoints d’Hébron où un logiciel de reconnaissance faciale baptisé "Red Wolf" scanne quotidiennement les visages de Palestinien.nes, enregistre leurs données biométriques pour déterminer si une personne est habilitée à entrer ou sortir d’un quartier. Cette technologie permet notamment d’entrer dans le système de surveillance des données personnelles sans que les personnes concernées ne le sachent et en l’absence de leur consentement.

➡️ Une base de données inépuisable : les réseaux sociaux 

Les photos publiées sur nos réseaux sociaux peuvent servir de base de données pour la reconnaissance faciale. Une personne est repérée dans une foule, son visage va être comparé à des photos circulant sur le web, son identité est retrouvée. C’est le cas d’un militant Black Lives Matter, Derick Ingram. Il participait à une manifestation à New York, son visage a été capté par des caméras utilisant la reconnaissance faciale. La police new yorkaise a ensuite tenté de l’arrêter en assiégeant son appartement pendant cinq heures. La photo qui aurait permis de l’identifier serait issue de l’une de ses photos Instagram.

L’explosion des réseaux sociaux pourrait donner accès à une base de données quasi infinie. Non sans risque : nos photos entre amis pourraient être utilisées à notre insu pour nous identifier, lors d’une manifestation par exemple.

➡️ Une base de données gérée par les autorités 

En France, les forces de l’ordre peuvent utiliser des systèmes de reconnaissance faciale dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ) ; un fichier tentaculaire qui comprendrait huit millions de photographies présentes sur les fiches des personnes mises en cause (chiffres de 2018). La durée de conservation des données varie de cinq à quarante ans. La reconnaissance faciale à des fins d’identification peut être utilisée par les forces de l’ordre dans le fichier TAJ, mais seulement en cas de « nécessité absolue ». En pratique, l'utilisation massive de la reconnaissance faciale sur la base du fichier TAJ limite le contrôle de l’autorité judiciaire. 

Autre fichier dont vous faites forcément partie : le fichier des titres électroniques sécurisés (TES) qui rassemble les données biométriques de l’ensemble de la population (carte d’identité, passeport) géré par le ministère de l’Intérieur. La reconnaissance faciale à des fins d’identification n’est pas prévue dans le fichier TES. Si cela changeait un jour, ce fichier pourrait permettre une surveillance de masse.  

Lire aussi : En quoi la vidéosurveillance algorithmique légalisée par la France à l'occasion des JO pose problème ?

5. Concrètement, que sont le RGPD et la CNIL ? 

Le règlement général sur la protection des données (RGPD) est un texte européen qui vient encadrer le traitement des données personnelles dans l’Union européenne. L’usage de la reconnaissance faciale doit donc être conforme au RGPD avant d’être utilisée. Si le consentement libre de la personne n’est pas respecté, c’est contraire au RGPD et donc, illégal.  

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) est une entité indépendante, créée par la loi "Informatique et libertés" de 1978, qui a comme rôle de veiller à la protection des données personnelles. La CNIL a "un rôle d'alerte, de conseil et d'information vers tous les publics mais dispose également d'un pouvoir de contrôle et de sanction". Par exemple, si une collectivité souhaite utiliser des outils de reconnaissance faciale, la CNIL doit être consultée.  

6. Comment la reconnaissance faciale est-elle réglementée en France ?  

Le cadre juridique entourant la reconnaissance faciale est flou. Les textes applicables dépendent des finalités, or celles-ci ne sont pas toujours claires.

Le règlement général sur la protection des données (RGPD) s’applique pour les usages non policiers. La directive "police-justice" s’applique pour les usages policiers et la loi "informatique et libertés" pour la sûreté de l’État, la défense, et la sécurité publique. 

Le RGPD interdit la reconnaissance faciale avec une exception pour des motifs d’intérêts publics importants. Il impose également le consentement explicite et préalable des personnes. La directive "police-justice" ne l’autorise qu’en cas de “nécessité absolue” et est assortie de garanties appropriées. La loi "informatique et libertés" l'autorise uniquement si elle est justifiée par l’intérêt public. Pour les usages policiers et non policiers, une information du public, une analyse d’impact concernant la protection des données et une consultation de la CNIL sont obligatoires avant tout déploiement.  

Dans tous les cas, un décret en Conseil d’État est nécessaire ainsi qu’une loi pour les usages policiers et liés à la sûreté de l’État.  

Les trois menaces pour nos droits de la reconnaissance faciale

Les systèmes de reconnaissance faciale utilisés pour l’identification sont une forme de surveillance de masse et constituent, à ce titre, une violation du droit à la vie privée. La reconnaissance faciale limite considérablement les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’expression. Elle peut avoir un impact disproportionné sur des groupes marginalisés, ce qui porte préjudice au droit à l’égalité et à la non-discrimination.

7. Dans quels pays la reconnaissance faciale est-elle déployée massivement dans l’espace public ? 

États-Unis. Nos chercheurs et chercheuses ont mené une enquête sur l’utilisation de la reconnaissance faciale à New-York. Dans la ville, le réseau de caméras est titanesque. La police peut identifier chaque habitant dans ses déplacements en scannant leurs visages grâce à des caméras dotées de logiciels de reconnaissance faciale.

Lire aussi : Notre enquête sur l'utilisation de la reconnaissance faciale à New-York

Écouter : Notre enquête racontée en podcast - "New York : ceci est une caméra de surveillance"

Inde. Identification d’électeurs lors de scrutins municipaux, gestion des manifestations, contrôle du confinement pendant le Covid : la reconnaissance faciale est largement déployée en Inde. L’une de nos enquêtes a révélé l’ampleur du réseau de caméras permettant l’utilisation exponentielle de la reconnaissance faciale dans la ville d’Hyderabad, l’une des villes les plus surveillées au monde et véritable laboratoire technologique pour les autorités indiennes. 

Lire aussi : Notre enquête sur l'utilisation de la reconnaissance faciale en Inde

Israël. Les entreprises israéliennes sont connues pour développer des outils technologiques de pointe. L’une de nos enquêtes a révélé comment l'État d'Israël utilisait la reconnaissance faciale à Jérusalem-est et à Hébron pour renforcer son contrôle sur la population palestinienne.

Lire aussi : Notre enquête sur l'utilisation de la reconnaissance faciale par Israël

Royaume-Uni. La reconnaissance faciale est en plein essor dans les rues britanniques. À Londres, par exemple, la police l’utiliserait régulièrement. Un projet de loi pourrait même permettre aux policiers d’effectuer des recherches par reconnaissance faciale sur la base des photos des permis de conduire, leur donnant ainsi accès à un fichier de 50 millions de personnes.  

Russie. La reconnaissance faciale a été introduite dans le pays en 2018, dans le contexte de la coupe du monde de football. Une mesure expérimentale mais qui s’est pérennisée après l’évènement sportif. En 2021, des manifestants russes, qui participaient à un rassemblement pacifique de soutien à un opposant politique, ont été arrêtés à leurs domiciles après avoir été identifiés par la reconnaissance faciale. Problème grave : en Russie, lorsque l’on critique ou s’oppose au pouvoir, on peut finir en prison. 

Chine. La reconnaissance faciale est partout en Chine où la réalité a largement dépassé la fiction. Pénalité si vous traversez mal un passage piéton, paiement avec votre visage, crédit social... Si votre note est basse, vous êtes un mauvais citoyen, votre visage est affiché sur les écrans géants de gares ou centre commerciaux et il peut vous être interdit de quitter le territoire. L’œil des caméras ne vous quitte pas, il vous contrôle. Les systèmes de reconnaissance faciale sont aussi utilisés en Chine pour traquer les personnes Ouïghours et les placer dans des camps.  

Entre les mains de régimes autoritaires, la reconnaissance faciale devient une arme d’une extrême dangerosité pour les droits humains. 

8. La reconnaissance faciale est-elle efficace pour lutter contre la criminalité ?  

L’argument le plus entendu par les autorités et les industriels pour vanter les "bienfaits" de la reconnaissance faciale est son efficacité à prévenir des crimes et à garantir une meilleure sécurité. Or, Il n’existe pas d'études sérieuses et indépendantes qui démontrent l'efficacité de ces systèmes de surveillance pour lutter contre la criminalité. En revanche, les violations des droits humains sont bien réelles.  

Les travaux du chercheur Guillaume Gormand, commandées par la gendarmerie de Grenoble, ont montré que seulement 1,13 % des enquêtes avaient été élucidées via des images de vidéosurveillance.  

Par ailleurs, la question de l’efficacité, réelle ou supposée, de ces outils, ne doit pas nous éloigner de la question de leur impact sur nos droits fondamentaux. Cela équivaut à une surveillance de masse, ce qui constitue toujours une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée. 

9. La reconnaissance faciale peut-elle me prendre pour une autre personne ? 

Oui ! Les erreurs d’identification commises par les algorithmes sont très nombreuses. Selon une étude menée à Londres par l’ONG britannique Big Brother Watch, 98 % des correspondances effectuées par les outils de reconnaissance faciale étaient erronées et prenaient un innocent pour une personne recherchée. Le risque d'être mal identifiée par la reconnaissance faciale est plus important pour les personnes noires. 

Même si le taux d’erreur des systèmes de reconnaissance faciale était réduit, leur utilisation resterait dangereuse : des personnes pourraient être davantage ciblées et surveillées en raison par exemple de la couleur de leur peau ou de leur origine ethnique. Améliorer le taux de précision de ces outils permettrait de renforcer la surveillance ciblée discriminatoire à l’encontre de certains groupes. Réduire le taux d’erreurs ne supprimerait donc pas les risques pesant sur les droits humains. 

Menace réelle pour notre vie privée, surveillance généralisée, erreurs d’identification, discriminations accentuées, menace pour le droit de manifester… La reconnaissance faciale porte atteinte à nos libertés fondamentales. Parce que la reconnaissance faciale ne pourra jamais être compatible avec le respect des droits humains, nous demandons, dès maintenant, l'adoption d'une loi interdisant la reconnaissance faciale à des fins d'identifications dans l'espace public en France.

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Agissez avant que la reconnaissance faciale devienne une réalité en France en signant notre pétition.

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