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Dix ans après – Réflexions sur la crise silencieuse au Burundi

Par Tigere Chagutah

Il y a 10 ans, une crise politique a éclaté au Burundi. Des manifestations pacifiques contre un troisième mandat controversé du président Pierre Nkurunziza (aujourd’hui décédé) ont été violemment réprimées par les forces de sécurité. À la suite d’une tentative de coup d’État lors d’un sommet auquel celui-ci participait en Tanzanie, la réponse violente des autorités s’est intensifiée et a entraîné une multiplication des homicides ciblés, du recours à la torture, des disparitions forcées et des violences sexuelles. Dix ans après, le pays n’a pas encore tiré les leçons de ces événements ni tourné la page.

C’est dans ce contexte que les Burundais et Burundaises ont été appelés aux urnes le 5 juin pour les élections législatives et locales. Des figures de l’opposition, dont l’ancien chef de guerre Agathon Rwasa, et leurs partis politiques ont été empêchés de se présenter. Le parti au pouvoir, le Conseil national pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD), a revendiqué une victoire écrasante avec plus de 96 % des voix selon les résultats finaux confirmés par la Cour constitutionnelle.

L’impunité qui a suivi la crise de 2015 au Burundi a encouragé les autorités à continuer de réprimer la dissidence pacifique et de bafouer les droits humains sans craindre guère de conséquences. Malgré des périodes de calme relatif depuis les élections de 2020 et la mort de Pierre Nkurunziza, des violations systématiques des droits fondamentaux persistent, notamment des arrestations arbitraires, des disparitions forcées, des exécutions extrajudiciaires et le musèlement de la société civile et des médias. Les structures répressives établies avant et pendant la crise de 2015 sont restées intactes. Les Imbonerakure, branche jeunesse du CNDD-FDD, continuent d’intimider et d’agresser des opposant·e·s supposés. Récemment, des événements tels que la condamnation motivée par des considérations politiques du docteur Christopher Sahabo, les attaques visant des journalistes comme Willy Kwizera et les propos incendiaires du président Évariste Ndayishimiye à l’égard des défenseur·e·s des droits humains et des personnes LGBTIQ+ ont montré à quel point le non-respect de l’obligation de rendre des comptes pour les crimes commis par le passé a perpétué une culture de la répression et de la peur.

Une crise due à l’exclusion politique et à l’impunité

La crise de 2015 n’a pas surgi du néant. Elle a été le résultat de profondes tensions politiques, d’une histoire de gouvernance d’exclusion et d’une culture de l’impunité pour les atteintes aux droits humains. De nombreuses personnes pensent que la décision du parti au pouvoir d’ignorer l’Accord d’Arusha signé en 2000 (qui a contribué à rétablir la paix après plus de 10 années de guerre civile) en étendant les limites des mandats présidentiels sans consensus national a constitué un grave abus de confiance et trahi le contrat social établi avec la population.

L’impunité qui a suivi la crise de 2015 au Burundi a encouragé les autorités à continuer de réprimer la dissidence pacifique et de bafouer les droits humains sans craindre guère de conséquences.

Tigere Chagutah, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International

Dans son rapport issu d’une enquête menée à la suite des événements de 2015, Amnesty International a révélé l’existence de fosses communes qui dissimulaient les preuves de massacres épouvantables. Plus de 400 000 personnes ont fui le pays à l’époque, dont une grande partie vit encore en exil aujourd’hui. En dépit des efforts de dialogue politique, soutenus par des institutions régionales comme la Communauté d’Afrique de l’Est, l’obligation de rendre des comptes n’a pratiquement pas été respectée pour les violations des droits humains commises avant, pendant et après cette crise. Le fait que les responsables présumés n’aient pas été poursuivis ni jugés et que les victimes n’aient pas eu accès à la justice et à des recours utiles a laissé des plaies ouvertes et sapé la confiance dans les institutions nationales et régionales.

Un impératif de justice et de respect de l’obligation de rendre des comptes

L’absence d’enquêtes indépendantes et d’action en justice sur les atteintes aux droits humains passées et présentes met en lumière une crise plus large du respect de l’obligation de rendre des comptes au Burundi. Depuis 2015, la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) est accusée d’inaction à un moment où nombre de personnes plaçaient en elle leurs derniers espoirs d’obtenir justice. Le 5 mai, l’Assemblée nationale a élu de nouveaux membres à la tête de cet organe national de défense des droits humains. Cette nouvelle équipe doit remplir son devoir d’enquêter sur les atteintes et violations commises et aider le gouvernement burundais à respecter ses propres obligations en matière de droits humains.

La justice et le respect de l’obligation de rendre des comptes sont non seulement un impératif moral, mais aussi une nécessité pour parvenir à une paix durable au Burundi et dans la région africaine des Grands Lacs. Pour avancer, le pays doit affronter son passé, sans complexe ni complaisance. Le travail crucial de la Commission vérité et réconciliation ne doit pas être utilisé pour servir les intérêts du parti au pouvoir, mais apporter la vérité et la réconciliation réelle du peuple burundais. Il doit être accompagné de mécanismes de justice et d’obligation de rendre des comptes, conformément aux recommandations de l’Accord d’Arusha, notamment par la création d’un Tribunal spécial.

Le pays a tout à gagner en entamant un dialogue réel et inclusif qui impliquera toutes les parties prenantes, y compris les acteurs politiques, la société civile, les femmes et les jeunes, afin de rétablir la confiance et de construire une vision partagée pour l’avenir.

Tigere Chagutah

Par ailleurs, il est temps que le gouvernement fasse preuve de volonté pour faire respecter les droits fondamentaux et l’état de droit en garantissant des enquêtes judiciaires indépendantes et en coopérant avec les instances régionales et internationales, en particulier la Cour pénale internationale, qui a ouvert une enquête sur la situation au Burundi en octobre 2017. Il doit également mettre en œuvre les recommandations émises par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples dans le rapport issu de sa mission d’établissement des faits en 2015, qui soulignaient la nécessité de respecter l’obligation de rendre des comptes pour les crimes passés et présents afin de régler le problème de l’impunité dans le pays.

Au-delà de la justice, le Burundi a besoin de façon urgente d’une solution globale centrée sur les droits humains et l’état de droit pour traiter les causes profondes du conflit et de la division. Le pays a tout à gagner en entamant un dialogue réel et inclusif qui impliquera toutes les parties prenantes, y compris les acteurs politiques, la société civile, les femmes et les jeunes, afin de rétablir la confiance et de construire une vision partagée pour l’avenir.

Les principes fondamentaux de l’Accord d’Arusha relatifs au respect des droits humains et à l’unité nationale restent tout aussi applicables aujourd’hui qu’il y a 25 ans. Il est essentiel de faire renaître cet esprit de dialogue pour que le Burundi puisse sortir du cycle de crises et de répression.

Dix ans après les événements de 2015, nous honorons la mémoire des personnes qui ont souffert et continuent de souffrir des conséquences de cette crise et des précédents épisodes de violence. Tout retard dans la justice est un frein à la guérison, à la cohésion sociale et à la stabilité du pays et de la région.

Tigere Chagutah, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International

Cet article a initialement été publié par La Libre Afrique.

https://afrique.lalibre.be/79733/dix-ans-apres-reflexions-sur-la-crise-silencieuse-au-burundi/

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