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Personnes accusées de soutenir Boko Haram ou d’y appartenir, poursuivies
devant un tribunal militaire
Peine de mort et torture

Cameroun : effroyables conditions de détention et torture pour les personnes accusées de soutenir Boko Haram

Notre nouveau rapport révèle que plus de 1 000 personnes, dont beaucoup ont été arrêtées arbitrairement, sont détenues dans des conditions épouvantables, et plusieurs dizaines d’entre elles meurent des suites de maladie, de malnutrition ou de torture dans le cadre des opérations de répression menées contre Boko Haram par les forces de sécurité et les autorités camerounaises.

Dans ce rapport, intitulé "Bonne cause, mauvais moyens : atteintes aux droits humains et à la justice dans le cadre de la lutte contre Boko Haram au Cameroun", Amnesty International montre que l’offensive militaire lancée contre Boko Haram a entraîné des violations des droits humains généralisées contre les civils dans la région de l’Extrême-Nord du pays. Des centaines de personnes sont arrêtées en l’absence de tout motif raisonnable permettant de penser qu’elles ont commis une infraction, et des morts en détention sont signalées chaque semaine dans les prisons surpeuplées du pays : le gouvernement camerounais doit agir de toute urgence s’il veut tenir la promesse qu’il avait faite de respecter les droits humains dans son combat contre Boko Haram.

Prison de Maroua : jusqu’à huit morts en détention chaque mois

Plus de 1 000 personnes accusées de soutenir Boko Haram sont actuellement détenues dans des prisons extrêmement surpeuplées et insalubres, où la malnutrition est monnaie courante. À la prison de Maroua, par exemple, entre six et huit personnes meurent chaque mois. Malgré quelques efforts de rénovation de l’approvisionnement en eau et le début de travaux de construction de nouvelles cellules, les conditions carcérales demeurent inhumaines, avec près de 1 500 personnes détenues dans un bâtiment censé en accueillir 350. Les visites des familles sont strictement limitées.

Arrestations arbitraires et exécutions extrajudiciaires

Les personnes arrêtées par les forces de sécurité, qui s’appuient souvent sur de minces éléments ou des motifs arbitraires et, parfois, visent des groupes entiers, sont venues gonfler la population carcérale. Les interpellations sont souvent marquées par un recours injustifié ou excessif à la force. En novembre 2014, lors d’une opération dans le village de Bornori, des membres de la Brigade d’intervention rapide (BIR) ont exécuté illégalement sept civils non armés et en ont arrêté 15 autres, avant de revenir dans les semaines suivantes pour incendier des maisons.

Décès des suites de torture en détention au secret

Amnesty International a recueilli des informations sur 29 personnes qui ont été torturées par des membres des forces de sécurité entre novembre 2014 et octobre 2015. Six sont mortes par la suite. Les actes de torture ont été infligés pour la plupart alors que les victimes étaient détenues au secret dans des lieux de détention illégaux, en particulier des bases militaires gérées par le BIR à Salak, non loin de Maroua, et à Mora, avant d’être transférées dans des prisons officielles. Elles ont raconté avoir été longuement frappées à coups de bâton, de fouet et de machette, parfois jusqu’à perdre connaissance. Amnesty International a également recensé 17 cas de disparitions forcées. On ignore toujours ce qu’il est advenu des victimes depuis leur arrestation il y a près de deux ans.

Plus de 100 condamnations à mort à l’issue de procès militaires inéquitables

Quand les personnes soupçonnées de soutenir Boko Haram sont jugées, elles comparaissent devant des tribunaux militaires qui, la plupart du temps, prononcent la peine capitale à leur encontre. Plus de 100 personnes, dont des femmes, ont été condamnées à mort par le tribunal militaire de Maroua depuis juillet 2015. Aucune n’a toutefois été exécutée à ce jour. Les condamnations reposent fréquemment sur des éléments limités, comme les déclarations d’informateurs anonymes qui ne peuvent pas faire l’objet de contre-interrogatoires, ou encore des preuves indirectes..

Des lois antiterroristes draconiennes

Les poursuites se font généralement au titre de la loi antiterroriste adoptée en décembre 2014 et proposant des définitions ambiguës du terrorisme qui menacent la liberté d’expression. Ce texte a été invoqué pour poursuivre en justice un homme de 27 ans, Fomusoh Ivo Feh, arrêté après avoir envoyé à des amis un SMS sarcastique, où il plaisantait sur le recrutement de jeunes diplômés par Boko Haram. Il est actuellement jugé par le tribunal militaire de Yaoundé et risque la peine de mort.

Amnesty International exhorte le gouvernement en particulier à :

mettre fin aux arrestations arbitraires et massives ; conduire les suspects directement dans des centres de détention officiels;

ne plus pratiquer la torture ;

veiller à ce que les détenus puissent entrer en contact avec leur famille et leur avocat ;

créer un registre centralisé de toutes les personnes détenues ;

améliorer les conditions carcérales ; modifier la loi antiterroriste et

enquêter sur toutes les allégations de violations des droits humains.