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© Anne Mireille Nzouankeu/Anadolu Agency/Getty Images

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Cameroun

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Cameroun en 2024.

Des personnes critiques à l’égard des autorités ont été poursuivies en justice et menacées de voir leur droit de circuler librement restreint, et les forces de sécurité ont tenté d’intimider des journalistes. Des dirigeants, des militants et des journalistes anglophones, ainsi que des militant·e·s de l’opposition, ont été détenus arbitrairement. Des séparatistes armés se sont livrés à des homicides et à des attaques contre des écoles dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, et des groupes armés ont tué des civil·e·s dans la région de l’Extrême-Nord.

CONTEXTE

Un an avant l’élection présidentielle de 2025, les tensions politiques se sont accentuées, tandis que le conflit armé et les violences se poursuivaient dans les régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Le nombre de personnes déplacées par les violences armées dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest a dépassé les 580 000. En septembre, la police norvégienne a arrêté Lucas Cho Ayaba, l’un des principaux dirigeants séparatistes anglophones, qui était soupçonné d’incitation à commettre des crimes contre l’humanité au Cameroun.

Entre janvier et octobre, des inondations dans la région de l’Extrême-Nord ont touché 356 730 personnes et fait au moins 30 morts.

LIBERTÉ D'EXPRESSION

Dans un décret publié le 16 juillet, le préfet du département du Mfoundi, où se trouve la capitale, Yaoundé, a déclaré que « toute personne qui outrage dangereusement les institutions [de l’État] ou celui qui les incarne » pourrait être interdite de séjour dans le Mfoundi. Deux jours plus tard, le ministre de la Communication a publié un communiqué de presse dans lequel il indiquait : « il est inacceptable que des compatriotes […] usent de propos irrévérencieux » à l’égard du président Paul Biya, « qui a été librement et majoritairement élu par ses concitoyens ».

Un tribunal militaire a ordonné le 31 juillet la libération sous caution de Junior Ngombe. Ce militant sur les réseaux sociaux, coiffeur de profession, était détenu depuis sept jours au secrétariat d’État à la Défense, à Yaoundé, où il avait été transféré après son arrestation à Douala le 24 juillet. Il avait diffusé sur les réseaux sociaux des vidéos exhortant les jeunes Camerounais et Camerounaises à s’inscrire sur les listes électorales afin de pouvoir voter lors de l’élection présidentielle à venir et dénonçant la mainmise du parti au pouvoir sur le pays.

Le militant camerounais Yves Kibouy Bershu, connu sous le nom de Ramon Cotta, a été arrêté le 19 juillet au Gabon et transféré au Cameroun le 23 juillet en dehors de toute procédure juridique ou diplomatique. Il a été inculpé d’« apologie du crime de sécession », d’« acquisition illégale d’armes de guerre », d’« outrage aux corps constitués » et de « défaut de carte d’identité nationale » et placé en détention provisoire le 9 octobre à la prison centrale de Kondengui, à Yaoundé. Il avait publié sur les réseaux sociaux des vidéos qui critiquaient les autorités camerounaises et l’ambassade du Cameroun au Gabon.

Le Syndicat national des journalistes du Cameroun a publié le 3 octobre une déclaration dénonçant les pressions exercées par des membres des forces de sécurité sur les médias pour « réduire au silence celles et ceux qui expriment des critiques à l’égard des autorités ».

À la suite de rumeurs concernant l’état de santé du chef de l’État, le ministre de l’Administration territoriale a adressé le 9 octobre une lettre aux gouverneurs de tout le pays dans laquelle il interdisait « tout débat dans les médias sur l’état du président de la République ».

LIBERTÉ D'ASSOCIATION

Le ministre de l’Administration territoriale a émis le 6 décembre un décret interdisant ou suspendant pour trois mois les activités de plusieurs organisations, dont le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale, sur la base de différentes accusations, dont le « financement illicite ».

DÉTENTION ARBITRAIRE

Des dizaines de personnes étaient toujours détenues arbitrairement après avoir été condamnées par des tribunaux militaires dans le contexte des violences armées dans les régions anglophones. Parmi elles figuraient le journaliste Thomas Awah Junior, les chefs de file du mouvement de protestation Mancho Bibixy, Tsi Conrad et Penn Terence Khan, et 10 dirigeants politiques, dont Sisiku Julius Ayuk Tabe. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire [ONU] a estimé que leur détention revêtait un caractère arbitraire et a appelé les autorités camerounaises de les libérer.

Kingsley Njoka, un journaliste indépendant de la région anglophone du Nord-Ouest qui avait été arrêté en 2020, détenu au secret dans un premier temps et inculpé de sécessionnisme et de complicité avec un groupe armé, a été condamné le 24 septembre par un tribunal militaire à 10 ans d’emprisonnement.

Quarante et un militant·e·s et dirigeants de l’opposition étaient toujours en détention arbitraire après leur condamnation par des tribunaux militaires pour leur participation à une manifestation organisée le 22 septembre 2022 par le Mouvement pour la renaissance du Cameroun, un parti d’opposition.

EXACTIONS PERPÉTRÉES PAR DES GROUPES ARMÉS

Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest

Dans les deux régions anglophones, des séparatistes armés – ou des personnes soupçonnées de l’être – ont continué de se livrer à des meurtres et des prises d’otage à des fins d’extorsion ou de demande de rançon, et à prendre pour cible les forces de défense et de sécurité, les autorités politiques et administratives, des fonctionnaires et d’autres civil·e·s qu’ils accusaient de ne pas respecter leurs règles, notamment les confinements et la « taxe de libération ».

Une personne a été tuée et plus d’une centaine d’autres ont été blessées le 11 février à Nkambé (région du Nord-Ouest) par l’explosion d’une bombe artisanale lors de la Fête de la jeunesse au Cameroun. Le 26 mai, une attaque à la grenade contre un bar de Bamenda (région du Nord-Ouest) a fait deux morts et 41 blessés.

Le 20 mai, le maire de Belo, dans le département du Boyo (région du Nord-Ouest), son adjoint et un inspecteur de l’éducation de base ont été abattus. Le 26 octobre, la deuxième adjointe au maire de Bamenda II a été enlevée et assassinée.

Région de l’Extrême-Nord

Dans la région de l’Extrême-Nord, le conflit armé entre les forces étatiques et des groupes armés se poursuivait. Des groupes armés affiliés à l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) et au Jamaatu Ahlis Sunna Liddaawati wal Jihad (JAS), issus tous deux du groupe armé Boko Haram, ont cette année encore mené des attaques contre des civil·e·s dans plusieurs villages le long de la frontière avec le Nigeria et sur des îles du lac Tchad, se livrant à des pillages et tuant ou enlevant des civil·e·s, selon des sources du secteur de la sécurité.

Dans la nuit du 1er au 2 janvier, quatre personnes ont été tuées et huit autres ont été enlevées à Bargaram, dans la commune de Hile-Alifa, lors d’une attaque au cours de laquelle deux biens immobiliers ont aussi été incendiés. Deux travailleurs et une travailleuse humanitaires camerounais de l’ONG française Première urgence internationale, qui avaient été enlevés le 10 janvier dans le canton de Kolofata, ont été libérés le 19 avril. En juin, 13 enfants, femmes et hommes d’une communauté de pêcheurs ont été enlevés à Mourdas. En octobre, une quinzaine de pêcheurs ont été enlevés à Darak et quatre civil·e·s ont été tués à Kalguiwa.

HOMICIDES ILLÉGAUX

Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les forces de défense et de sécurité ont été accusées d’avoir tué illégalement des personnes soupçonnées de collaborer avec des groupes séparatistes armés, selon des ONG camerounaises. Le gouvernement n’a pas réagi aux accusations d’homicides illégaux, qui concernaient notamment la mort de quatre civil·e·s à Mamfé en avril lors d’une opération militaire.

DROIT À LA VÉRITÉ, À LA JUSTICE ET À DES RÉPARATIONS

Aucune information n’a été rendue publique au sujet d’une éventuelle enquête sur le meurtre du journaliste Jean-Jacques Ola Bébé, perpétré à Yaoundé en février 2023. Le 9 septembre, le tribunal militaire de Yaoundé a annoncé publiquement les charges retenues contre 17 personnes jugées dans l’affaire du meurtre du journaliste Martinez Zogo, commis à Yaoundé en janvier 2023.

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