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©EPA/LUONG THAI LINH

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Viêt-Nam

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Viêt-Nam en 2024.

Des défenseur·e·s des droits humains, des journalistes et des personnes détenues pour des raisons politiques étaient exposés à la torture et à des conditions de vie inhumaines en prison. Le gouvernement a utilisé des lois antiterroristes contre des militant·e·s et des Montagnards de la province de Dak Lak et a procédé à des arrestations et détentions arbitraires. La législation relative aux réseaux sociaux a été durcie, renforçant la surveillance et réduisant encore davantage au silence les voix dissidentes. Les niveaux de pollution enregistrés restaient élevés. De nouvelles condamnations à mort ont été prononcées et la répression accrue de l’espace dédié à la société civile a suscité de fortes préoccupations.

CONTEXTE

Quatre présidents se sont succédé au cours de l’année, reflétant le chaos qui régnait au sein du Parti communiste. En parallèle, une campagne anticorruption a ciblé des personnalités en vue de la sphère politique et du monde des affaires. L’ONU a examiné le bilan du Viêt-Nam en matière de droits humains. Une attaque mortelle menée en juin 2023 contre deux postes de police dans la région de Dak Lak a suscité une réponse violente de la part du gouvernement en mars. La répression et la discrimination systémiques subies depuis des dizaines d’années par les membres des peuples autochtones montagnards ont perduré, ancrées dans un passé complexe marqué par la marginalisation et l’absence de protection des droits fonciers traditionnels et de la liberté de culte de ces peuples.

Torture et autres mauvais traitements

Des défenseur·e·s des droits humains, des journalistes et des militant·e·s incarcérés ont cette année encore été soumis à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements, se voyant notamment privés des soins de santé adéquats.

En octobre, les défenseurs des droits humains Trịnh Bá Tư et Bùi Văn Thuận, qui purgeaient chacun une peine de huit ans d’emprisonnement à la prison no 6 de Nghe An pour « propagande contre l’État », ont entamé une grève de la faim. Trịnh Bá Tư, défenseur des droits fonciers, avait déjà dénoncé ses conditions de détention auparavant. Sa mère et son frère étaient détenus dans des prisons différentes et soumis à des conditions d’incarcération similaires. Bùi Văn Thuận, ancien enseignant et membre de l’ethnie muong vivant dans la province de Hoa Binh, avait participé à des manifestations contre des violations des droits humains et des problèmes environnementaux.

Les deux hommes ont mis un terme à leur grève de la faim au bout de 21 jours, lorsque les autorités ont accepté d’améliorer les conditions d’incarcération, notamment en ouvrant la « cage à tigre » utilisée pour détenir à l’isolement des militants·e·s dans la province de Nghe An. La « cage à tigre » était un instrument de torture constitué de barreaux en fer ; la personne qui y était enfermée ne disposait que d’un mètre de large pour se mouvoir. Des détenu·e·s étaient apparemment placés dans ce type de cellule pendant plusieurs mois d’affilée.

Journalistes

En novembre, la famille du journaliste Lê Hữu Minh Tuấn a déclaré que la santé de celui-ci déclinait rapidement et qu’elle craignait qu’il s’agisse d’un cancer non traité. Membre de l’Association des journalistes indépendants du Viêt-Nam (IJAVN), Lê Hữu Minh Tuấn purgeait une peine de 11 ans d’emprisonnement pour « fabrication, stockage ou diffusion d’informations hostiles à l’État de la République socialiste du Viêt-Nam », selon les termes de l’article 117 du Code pénal. Deux autres membres de l’IJAVN également incarcérés, Phạm Chí Dũng et Nguyễn Tường Thụy, condamnés respectivement à 15 et 11 ans de réclusion, ont eux aussi fait part d’une dégradation de leur état de santé.

Le blogueur et youtubeur Đường Văn Thái a été condamné en octobre à 12 ans de réclusion par le tribunal populaire de Hanoï après avoir été accusé d’avoir fabriqué et diffusé des informations hostiles à la République socialiste du Viêt-Nam. Đường Văn Thái, qui avait obtenu le statut de réfugié en Thaïlande en 2019, avait disparu à Bangkok le 13 avril 2023. D’après des témoignages et des enregistrements audios conservés par Amnesty International, les circonstances de sa disparition incitaient à penser que des agents de l’État vietnamien étaient impliqués dans sa capture et son retour au Viêt-Nam.

Liberté d’expression

En septembre, le Viêt-Nam a refusé d’adopter de nombreuses recommandations relatives à la liberté d’expression formulées lors de son EPU par les Nations unies. D’après les informations dont disposait Amnesty International, au moins 45 journalistes, défenseur·e·s des droits humains et simples citoyen·ne·s ont été arrêtés, souvent pour des motifs abusifs, entre avril 2023 et la fin de l’année 2024. La situation s’est aggravée pour la société civile, dans un climat politique général de plus en plus restrictif. Civicus, une ONG surveillant l’état de l’espace civique mondial, a classé le pays dans la catégorie « fermé », la plus basse possible de son échelle de classification.

Surveillance numérique

Le 9 novembre, le gouvernement a publié un décret ciblant les opérateurs de réseaux sociaux, dont Facebook (Meta), et Google (Alphabet), et exigeant que les utilisateurs et utilisatrices vietnamiens authentifient leur compte en fournissant un numéro de téléphone portable ou un numéro d’identification personnel. Au titre de ce décret, les opérateurs devaient également fournir des informations sur les utilisateurs·trices vietnamiens au ministère de l’Information et des Communications et au ministère de la Sécurité publique, et supprimer des contenus sur demande de ces ministères.

Ce décret s’inscrivait dans la lignée du contrôle strict de la liberté d’expression en ligne exercé par le ministère de la Sécurité publique.

Droits des peuples autochtones

En janvier, plus de 100 Montagnard·e·s ont été déclarés coupables de chefs d’accusation liés au terrorisme à la suite de l’attaque menée contre deux postes de police en 2023. L’ONU a condamné le recours à des lois antiterroristes contre les membres de ces groupes ethniques.

En août, plusieurs rapporteurs et rapporteuses spéciaux des Nations unies ont accusé le gouvernement d’avoir incité des civil·e·s miliciens appartenant à un groupe ethnique majoritaire à traquer des personnes soupçonnées d’être liées à l’attaque de 2023 et présumées membres des peuples autochtones montagnards. Būm Byă, arrêté dans ces circonstances, est mort en détention le 8 mars après avoir été torturé. Deux Montagnards ont indiqué avoir été arrêtés arbitrairement à la suite de l’attaque et torturés par les autorités, qui voulaient leur soutirer des « aveux ».

Droit à un environnement sain

Des représentant·e·s de l’OMS, du PNUD et de l’UNICEF ont appelé, en juin, à agir plus énergiquement pour lutter contre le problème de la pollution au Viêt-Nam. Cet appel a été formulé après la publication, en mars, du rapport annuel d’IQAir sur la qualité de l’air dans le monde, dans lequel le Viêt-Nam était classé deuxième pays le plus pollué d’Asie du Sud-Est et 22e pays ayant la plus mauvaise qualité de l’air dans le monde. D’après Ember, un groupe de réflexion mondial sur l’énergie, la production d’électricité au Viêt-Nam reposait à 42 % sur des sources d’énergie non fossiles, un pourcentage plus élevé que la moyenne mondiale (39 %). L’importation et l’utilisation du charbon, ainsi que les émissions des centrales à charbon du pays, ont cependant atteint des niveaux record.

Đặng Đình Bách, figure de proue du mouvement de lutte contre le changement climatique au Viêt-Nam, qui cherchait notamment à obtenir une transition énergétique juste pour mettre fin à la dépendance aux énergies fossiles, a entamé au début de l’année une grève de la faim en prison. Ce militant écologiste protestait contre ses conditions de détention, qualifiées de « déplorables » par les Nations unies en février. Arrêté le 24 juin 2021 puis condamné à cinq ans d’emprisonnement pour « fraude fiscale », il était détenu dans une prison de la province de Nghe An, dans une aile réservée aux militants. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire [ONU] avait estimé en 2023 que son incarcération était arbitraire.

Peine de mort

Le gouvernement n’a fait aucun progrès notable en vue d’abolir la peine de mort, y compris pour des infractions économiques ou liées aux stupéfiants. Le recours à ce châtiment restait entouré du plus grand secret.

Trương Mỹ Lan, femme d’affaires de premier plan et présidente de Vạn Thịnh Phát, l’un des plus grands groupes immobiliers du pays, a été déclarée coupable de fraude et d’avoir détourné des milliards de dollars de la Saigon Commercial Bank. Elle a été condamnée à mort mais était susceptible d’échapper à cette sentence à condition de pouvoir rendre une partie des fonds détournés. Cette affaire était considérée comme la plus retentissante de la campagne anticorruption « Fournaise ardente ».

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