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©Ishara S.Kodikara/AFP/Getty Images

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Sri-Lanka

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Sri-Lanka en 2024.

Le gouvernement a continué d’utiliser des lois draconiennes et de réprimer la liberté d’expression et d’association. Il a adopté de nouvelles lois pour étouffer la dissidence, sans mener de consultation adéquate, contrevenant ainsi au droit international relatif aux droits humains et aux normes internationales en la matière. Cette année encore, les minorités, les militant·e·s et la société civile ont fait l’objet d’actes d’intimidation et de harcèlement. Le gouvernement n’a pas réalisé de véritables progrès en matière de vérité, de justice et de réparation pour les personnes touchées par le conflit armé interne qui a pris fin en mai 2009. Les modifications législatives proposées pour garantir les droits des personnes LGBTI et des femmes et filles musulmanes n’ont pas été adoptées.

CONTEXTE

Une élection présidentielle et des élections générales ont été organisées en fin d’année. Malgré l’extension d’un mécanisme du Fonds monétaire international en 2023, mettant un total de 1 333 millions de dollars des États-Unis à disposition du pays, la Banque mondiale a indiqué que le taux de pauvreté allait probablement rester au-dessus de 22 % jusqu’en 2026.

DROITS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX

La deuxième phase du système de protection sociale « Aswesuma », lancée en février, comprenait une hausse du nombre de bénéficiaires, mais les personnes n’ayant pas de compte bancaire n’ont pas pu recevoir les versements mensuels. Le gouvernement a été critiqué pour ne pas avoir suffisamment fait connaître ce système.

Des Tamoul·e·s des Hautes Terres travaillant dans des plantations de thé ont reproché au gouvernement de ne pas protéger correctement les travailleuses et travailleurs des petites propriétés et des domaines privés de la province du Sud. Ils dénonçaient un manque de réglementation et d’inspections. Parmi les atteintes aux droits humains recensées figuraient le travail forcé, la servitude pour dettes et les restrictions du droit de circuler librement, ainsi que le refus de payer des salaires décents, d’accorder des congés et de fournir un logement adéquat.

Des réglementations extrêmement restrictives privaient les personnes travaillant dans les zones franches, notamment dans le secteur de l’habillement, de leur droit à la liberté syndicale et d’association. Les autorités n’ont pas protégé les employé·e·s syndiqués du secteur de l’habillement face au harcèlement que leur faisait subir leur hiérarchie. Le gouvernement a contourné les mécanismes de consultation tripartites.

LIBERTÉ D'EXPRESSION ET D'ASSOCIATION

Le 24 janvier, le Parlement a adopté la Loi relative à la sécurité en ligne (OSA). Bien que ce texte ait été modifié en août, il était à craindre que l’imprécision du libellé des infractions et l’ampleur des pouvoirs conférés aux autorités servent à limiter la liberté d’expression et à étouffer la dissidence. La société civile a critiqué la procédure d’élaboration de cette loi, qui n’a été ni consultative ni transparente. L’OSA a été adoptée sans les 31 amendements obligatoires requis par une décision de la Cour suprême, et aucune des modifications apportées n’a permis d’assurer la conformité du texte avec le droit international et les normes internationales. En août, le HCDH a indiqué qu’au moins deux procédures pénales avaient déjà été lancées au titre de cette loi contre des personnes et des intermédiaires Internet.

Les charges pesant sur la comédienne Nathasha Edirisooriya ont été abandonnées en juin. Elle avait été arrêtée en mai 2023 pour avoir tenu des propos supposément irrespectueux du bouddhisme lors d’un spectacle de stand-up.

La Loi relative à la prévention du terrorisme (PTA), particulièrement draconienne, a continué d’être utilisée à l’encontre des minorités, des militant·e·s et des personnes critiques envers le gouvernement, alors que celui-ci avait promis un moratoire quant à l’application de ce texte. Selon la Commission des droits humains du Sri Lanka (HRCSL), entre janvier 2023 et avril 2024, les autorités ont recensé 46 cas d’arrestation et de placement en détention au titre de la PTA.

Le projet de loi antiterroriste proposé en 2023 était encore en cours d’examen par le Parlement. Il visait à accorder des pouvoirs étendus à la police, à l’armée et à l’exécutif, et créait de nouvelles infractions (en associant la désobéissance civile à des actes de terrorisme, par exemple). Les infractions proposées étaient formulées en des termes excessivement larges, vagues et subjectifs, qui risquaient de conduire à des applications arbitraires et des violations des droits humains. En juillet, le gouvernement a proposé une loi destinée à réglementer les ONG. Le texte offrait un pouvoir largement discrétionnaire aux autorités, notamment en leur permettant d’imposer des restrictions injustifiées du droit à la liberté d’association.

Des populations minoritaires, en particulier les Tamoul·e·s sri lankais et les musulman·e·s des provinces du Nord et de l’Est, ont indiqué qu’elles faisaient toujours l’objet de surveillance, d’intimidation et de représailles par la police et les agences de renseignement. Des familles de personnes disparues ont signalé être victimes de harcèlement, notamment sous la forme d’appels téléphoniques tard dans la nuit de la part d’agents de l’État qui les ont interrogées à propos de leur travail et de leurs financements. Des membres de la société civile et des journalistes ont également subi du harcèlement et des manœuvres d’intimidation, notamment celles et ceux qui travaillaient sur les droits fonciers ou les disparitions forcées, ou qui étaient en contact avec des anciens combattant·e·s.

Le 9 juillet, le Parlement a adopté le projet de loi portant modification de la Loi sur les télécommunications, malgré une consultation publique très réduite. La société civile et la Cour suprême ont exprimé des inquiétudes quant à l’introduction d’une infraction relative aux télécommunications définie en termes vagues, qui pourrait être utilisée pour restreindre la liberté d’expression.

ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES

Le gouvernement a lancé la deuxième phase de l’opération Yukthiya, initiative agressive de lutte contre la drogue, malgré les violations des droits humains rapportées par la société civile et les appels de la HRCSL et d’expert·e·s des Nations unies à mettre un terme à cette opération. Les violations recensées incluaient des arrestations arbitraires (principalement de personnes issues de groupes socioéconomiques marginalisés), des actes de torture et autres mauvais traitements, et le déni du principe de procédure régulière et du droit à un procès équitable. Entre décembre 2023 et mai 2024, 111 074 suspect·e·s ont été arrêtés. Selon la police, 776 personnes ont été appréhendées lors de 780 interventions dans la seule journée du 6 août.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Les actes de torture et autres mauvais traitements imputables à la police et aux forces de sécurité restaient un motif de préoccupation. Au total, 2 845 cas de torture et 675 cas de traitements dégradants ont été signalés à la HRCSL entre janvier 2023 et mars 2024. Certaines de ces allégations de torture et d’autres formes de mauvais traitements aux mains des forces de sécurité ont été formulées par des Tamoul·e·s vivant dans la province du Nord.

LIBERTÉ DE RÉUNION PACIFIQUE

En mai, la police de la province de l’Est a arrêté quatre personnes tamoules pour avoir servi du kanji (porridge de riz) avant un événement commémorant les personnes tuées lors du conflit armé interne. En août et septembre, les tribunaux des villes de Trincomalee et Vavuniya ont pris des décisions empêchant les familles des personnes disparues d’organiser des manifestations.

LIBERTÉ DE RELIGION ET DE CONVICTION

Le 22 août, le gouvernement a présenté des excuses officielles pour avoir fait appliquer une politique de crémation forcée lors de la pandémie de COVID-19, ce qui était contraire aux convictions islamiques.

DROIT À LA VÉRITÉ, À LA JUSTICE ET À DES RÉPARATIONS

Le 1er janvier, le gouvernement a publié au Journal officiel un projet de loi concernant la création d’une nouvelle Commission pour la vérité, l’unité et la réconciliation. Le projet a par la suite été modifié avant d’être publié à nouveau en août. En outre, le 9 janvier, le gouvernement a adopté la Loi relative au Bureau pour l’unité et la réconciliation nationales. Ces deux textes avaient été rejetés par les groupes de victimes et la société civile en raison du manque de consultation réelle ou d’efforts de la part du gouvernement pour instaurer un climat de confiance. Les recommandations d’organes similaires déjà existants n’avaient pas été mises en œuvre. Plusieurs groupes ont objecté que les institutions nationales, telles que le Bureau des réparations et le Bureau des personnes disparues, n’avaient pas obtenu de résultats concrets.

Des charniers ont encore été découverts, dont le dernier le 13 juillet dans le port de Colombo. Cependant, presque aucune dépouille n’a été identifiée et restituée à sa famille.

La HRCSL a réclamé une enquête indépendante sur la possible disparition forcée, en mars, d’un homme originaire d’Anuradhapura. Aucune réelle avancée n’a été constatée dans plusieurs affaires médiatisées ces dernières années, dont certaines se sont heurtées à d’importants problèmes. Ces affaires concernaient notamment l’homicide de cinq étudiants tamouls à Trincomalee en janvier 2006, le meurtre de Lasantha Wickrematunge en 2009, la disparition forcée de Prageeth Eknaligoda en 2010 et les attentats du dimanche de Pâques en 2019.

En octobre, le Conseil des droits de l’homme [ONU] a adopté une résolution qui a prolongé de seulement un an le mandat du Projet d’établissement des responsabilités au Sri Lanka, mis en place par le HCDH.

Le gouvernement s’est opposé à ce que le HCDH collecte des éléments de preuve, ce qui portait à croire que l’impunité, bien ancrée, risquait de perdurer. Le nouveau gouvernement a promis de mettre en place des mécanismes nationaux crédibles, mais, à la fin de l’année, aucun progrès n’avait été observé à ce sujet.

DROITS DES FEMMES

En juillet, une modification à la Loi sur le mariage et le divorce des personnes de confession musulmane a été envoyée pour approbation au procureur général. Cette loi archaïque a été critiquée pour ses dispositions discriminatoires envers les femmes et les filles. Elle autorisait notamment le mariage d’enfants et la polygamie. Des militant·e·s de la société civile ont exprimé leurs inquiétudes quant au manque de transparence entourant cette modification.

DROITS DES PERSONNES LGBTI

Le 9 mai, le gouvernement a présenté un projet de loi sur l’égalité entre les genres. Jugé anticonstitutionnel par la Cour suprême, ce texte devait être soumis à un référendum ou à un vote du Parlement, où il devait obtenir la majorité des deux tiers pour être adopté.

La proposition de loi visant à modifier le Code pénal en abrogeant l’article 365, qui érigeait en infraction les relations sexuelles entre personnes de même sexe, n’a pas été adoptée. Bien que ce texte ait été présenté pour la première fois en 2022, on ignorait toujours où il en était en raison du manque de transparence.

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