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© Prakash Mathema/Getty Images

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Serbie

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Serbie en 2024.

Des manifestant·e·s et des journalistes ont fait l’objet d’actes d’intimidation, de manœuvres de harcèlement et de poursuites judiciaires abusives pour s’être mobilisés sur des questions d’intérêt public. Aucune mesure crédible n’a été prise pour que les responsables de crimes de guerre aient enfin à rendre compte de leurs actes. Le gouvernement a au contraire cherché à édulcorer une résolution de l’ONU concernant le génocide de Srebrenica. La discrimination à l’égard des Roms et des personnes LGBTI, ainsi que des réfugié·e·s et des migrant·e·s, constituait toujours une préoccupation majeure. Le nombre de personnes réfugiées ou migrantes transitant par la Serbie a diminué, mais ces personnes restaient exposées à des abus et à des violences aux frontières.

CONTEXTE

La mise en œuvre de l’accord négocié sous l’égide de l’UE entre la Serbie et le Kosovo concernant la normalisation des relations diplomatiques entre les deux pays était au point mort. La Cour constitutionnelle a annulé en juillet un décret pris en 2022 par le gouvernement qui bloquait l’ouverture d’une mine de lithium et de bore dans la vallée de la Jadar. Cette décision a déclenché dans tout le pays une vague de manifestations de grande ampleur. Peu de temps après, le gouvernement a pris un nouveau décret approuvant le projet d’exploitation. Toujours au mois de juillet, la Serbie et l’UE ont conclu un protocole d’accord et un partenariat stratégique sur les matières premières durables. Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté pendant des mois contre l’extraction du lithium, dénonçant les dommages irréversibles qu’elle risquait de causer à l’environnement.

Liberté d’expression

Des procédures-bâillons ont été ouvertes contre des journalistes d’investigation, des militant·e·s et des défenseur·e·s des droits humains, qui continuaient par ailleurs de faire l’objet d’un dénigrement systématique de la part d’organes de presse favorables au pouvoir en place. En juillet, une chaîne de télévision progouvernementale très populaire a accusé une quarantaine d’organisations de la société civile de « mener une guerre spéciale contre la Serbie » pour le compte de puissances étrangères. Cette chaîne a diffusé des données détaillées sur les finances de ces organisations, y compris les noms de certains membres de leur personnel, des informations bancaires et des indications sur des transactions – autant d’éléments censés être confidentiels. Plusieurs responsables gouvernementaux ont appelé de façon répétée à l’adoption d’une « loi sur les agents de l’étranger » destinée à faire taire toute dissidence. L’Association indépendante des journalistes de Serbie (NUNS) a signalé plus de 150 cas de menaces ou d’agressions visant des journalistes cette année. À lui seul, le Réseau de reportage sur la criminalité et la corruption (KRIK) a fait l’objet de 16 procès abusifs pour ses activités de journalisme d’investigation.

En mars, le Comité des droits de l’homme [ONU] s’est inquiété de la persistance de propos discriminatoires visant des journalistes, tant en ligne que dans les médias traditionnels, y compris de la part de personnalités politiques et de hauts responsables.

Liberté de réunion pacifique

Les manifestations, en particulier celles liées à l’environnement, ont été lourdement encadrées par les forces de l’ordre, qui n’ont pas hésité à recourir à une force excessive ni à procéder à des arrestations arbitraires. À la suite des manifestations contre l’extraction de lithium qui ont eu lieu en août, 33 militant·e·s au moins ont été arrêtés dans 17 villes de Serbie. Nombre d’entre eux ont été placés en détention ou interrogés en raison de commentaires qu’ils avaient publiés sur les réseaux sociaux ou pour avoir simplement participé à des manifestations pacifiques. Plusieurs ont été inculpés d’infractions pénales disproportionnées, telles que l’« incitation au renversement violent de l’ordre constitutionnel », et ont subi des interrogatoires prolongés, des perquisitions de leur domicile et la confiscation de leurs téléphones et ordinateurs.

Amnesty International a révélé en décembre des éléments prouvant qu’un logiciel espion illégal et diverses autres techniques invasives relevant de la criminalistique numérique étaient largement utilisés par les autorités pour surveiller des militant·e·s et des journalistes indépendants. Après la publication de ces informations, plusieurs organisations locales de la société civile ont porté plainte contre la police et l’Agence d’information sur la sécurité pour avoir développé et utilisé un logiciel espion et accédé sans autorisation à des données personnelles.

Droit à la vérité, à la justice et à des réparations

La Serbie a fait part de sa réprobation face à l’adoption par l’Assemblée générale des Nations unies d’une résolution faisant du 11 juillet la Journée internationale de réflexion et de commémoration du génocide commis à Srebrenica en 1995.

Plus de 1 700 affaires de crimes de guerre n’avaient toujours fait l’objet d’aucune enquête en Serbie.

Le procès de sept anciens policiers serbes de Bosnie accusés d’avoir participé, en juillet 1995, au massacre de 1 313 Bosniaques de Srebrenica dans les locaux de la coopérative agricole de Kravica n’a guère avancé en raison de multiples reports d’audiences.

Discrimination

En avril, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe a indiqué dans son rapport périodique que les préjugés hostiles aux personnes LGBTI, aux Roms, aux réfugié·e·s et aux migrant·e·s restaient très répandus en Serbie et étaient particulièrement flagrants dans les discours de haine souvent tenus en ligne. Le HCR a signalé en décembre que la majorité des personnes réfugiées ou migrantes qui étaient passées par les Balkans occidentaux étaient originaires du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord ou d’Afghanistan.

Roms

Dans son rapport de mars, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a constaté que les Roms, en particulier les déplacé·e·s vivant dans des campements informels, étaient toujours très nombreux à connaître la pauvreté et l’exclusion et n’avaient qu’un accès limité à l’éducation, à l’emploi et aux soins de santé, de même qu’aux services de base tels que l’électricité, l’eau potable et l’assainissement.

L’ECRI a appelé les autorités serbes à revoir le dispositif d’aide sociale mis en place aux termes de la Loi sur la carte sociale, afin que les Roms et les autres groupes défavorisés puissent bénéficier du soutien de l’État dans des conditions d’égalité. La Loi sur la carte sociale a continué d’être appliquée sans prise en compte appropriée de ses conséquences sur les droits humains.

Personnes LGBTI

Il n’existait toujours aucune loi de reconnaissance du genre fondée sur la libre détermination des personnes concernées, comme requis par les normes internationales relatives aux droits humains. Les personnes transgenres étaient toujours obligées de suivre un traitement hormonal d’un an si elles souhaitaient faire reconnaître leur genre à l’état civil.

En février, un homme gay et sa colocataire ont été maltraités, et notamment harcelés physiquement, psychologiquement et sexuellement, par un groupe de plus de 10 agent·e·s de police venus faire une perquisition à leur domicile dans la capitale, Belgrade. Aucune enquête crédible n’avait été menée sur ces faits à la fin de l’année.

Le mois précédent, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants [Conseil de l’Europe] avait appelé les autorités serbes à adopter et à mettre en œuvre une stratégie cohérente destinée à en finir avec les mauvais traitements policiers et à enquêter de manière efficace sur les affaires de ce type.

La marche annuelle des fiertés de Belgrade s’est déroulée en septembre sans qu’aucun incident homophobe ne soit à déplorer ; trois ministres du gouvernement y ont participé.

Détention arbitraire

Ecevit Piroğlu, militant politique originaire de Turquie qui se trouvait en détention arbitraire depuis juin 2021, a été libéré en juillet et a quitté le pays.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

Face à la baisse du nombre d’arrivées de personnes réfugiées ou migrantes par rapport à 2023 (moins 80 %), le Commissariat aux réfugié·e·s et à la migration a fermé plusieurs de ses centres d’accueil dans le pays. Les réfugié·e·s et les migrant·e·s sans solution d’hébergement étaient de plus en plus exposés aux abus et à la violence, et risquaient notamment de faire l’objet de renvois sommaires illégaux.

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