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©Philippe Huguen/AFP/Getty Images
Royaume-Uni
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Royaume-Uni en 2024.
Une loi ne tenant pas compte de décisions de justice relatives aux droits humains a été adoptée pour permettre l’expulsion forcée de demandeurs et demandeuses d’asile vers le Rwanda. Les transferts d’armes à destination d’Israël ont été maintenus une grande partie de l’année, avant d’être partiellement suspendus par le nouveau gouvernement. Les pouvoirs publics se sont livrés à une série de pratiques qui ont eu un effet dissuasif sur les manifestations et les discours relatifs à Gaza et à la Palestine. Des manifestant·e·s écologistes pacifiques ont été condamnés à de lourdes peines de prison. La pauvreté infantile a atteint un niveau élevé et touchait de manière disproportionnée les enfants noirs ou issus de minorités ethniques.
CONTEXTE
En juillet, à l’issue des élections générales, le Parti conservateur, qui était au pouvoir depuis 14 ans, a laissé la place à un gouvernement travailliste. Certaines mesures qui menaçaient gravement les droits humains ont alors été abandonnées ou modifiées. En août, des violences racistes ont eu lieu pendant plusieurs jours dans diverses villes d’Angleterre et en Irlande du Nord. Elles faisaient écho à des discours hostiles aux personnes demandeuses d’asile tenus à de multiples reprises par des personnalités politiques et médiatiques, ainsi qu’à l’application de mesures gouvernementales qui ont fragilisé le système de traitement des demandes d’asile et nui à la cohésion sociale. Ces violences ont été alimentées par la désinformation, par des propos discriminatoires et par des appels à la haine sur les réseaux sociaux après le meurtre de trois fillettes à Southport par un homme identifié à tort comme un demandeur d’asile et un musulman.
DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES
En avril, la Loi relative à la sécurité au Rwanda a été promulguée. Son objectif était de contourner une décision rendue en 2023 par la Cour suprême, qui avait estimé que le Rwanda n’était pas un pays suffisamment sûr pour y envoyer des personnes demandeuses d’asile. Ce texte suspendait ou passait outre un grand nombre de protections de droits fondamentaux. Il faisait suite à la Loi sur l’immigration illégale de 2023 et appliquait, à l’aide des nouvelles dispositions, une politique plus large de refus de traitement de demandes d’asile déposées au Royaume-Uni. Après le changement de gouvernement, le dispositif visant à permettre le transfert forcé de personnes demandeuses d’asile au Rwanda a cependant été supprimé et une réglementation a été adoptée pour suspendre l’application de la Loi sur l’immigration illégale. Le nouveau gouvernement a annoncé son intention de rattraper le retard pris sur le traitement des demandes d’asile dans le cadre de la précédente politique, ainsi que la désaffectation d’un ancien navire-caserne et d’une ancienne base aérienne utilisés pour héberger des personnes en quête d’asile.
Le gouvernement s’est en outre engagé à abroger la Loi relative à la sécurité au Rwanda et a indiqué qu’il présenterait un nouveau projet de loi sur la sécurité des frontières, l’asile et l’immigration. Le contenu de ce texte n’avait pas encore été rendu public à la fin de l’année, mais le gouvernement a précisé qu’il avait pour objectifs, comme le gouvernement précédent, d’empêcher et de décourager les demandes d’asile au Royaume-Uni, d’augmenter la capacité des centres de détention des services de l’immigration et d’accélérer les expulsions.
En septembre, un rapport interne du ministère de l’Intérieur sur les origines du « scandale Windrush » a été publié. Il confirmait le racisme sous-jacent des politiques gouvernementales et des lois adoptées par le Parlement pendant plusieurs décennies afin de « réduire le nombre de personnes à la peau noire ou mate » autorisées à résider au Royaume-Uni. De nombreux citoyens et citoyennes britanniques noirs ou d’origine asiatique ont été déchus de leur nationalité avant de subir des mesures de contrôle migratoire telles que des expulsions forcées, contre lesquelles ils auraient dû être prémunis mais dont ils n’ont pas pu se protéger.
En octobre, le gouvernement a annoncé qu’il comptait poursuivre la politique d’abandon des titres de séjour physiques instaurée par le gouvernement précédent, pour les remplacer par des visas entièrement numériques. Ce changement suscitait de vives inquiétudes, car il risquait d’être discriminatoire et de priver les personnes du contrôle des preuves de leur droit de résider au Royaume-Uni et d’accéder à des services, pour le faire passer entre les mains du ministère de l’Intérieur.
TRANSFERTS D'ARMES IRRESPONSABLES
Pendant la première moitié de l’année, le gouvernement sortant a refusé de suspendre les licences d’exportation d’armes et d’autres équipements militaires à destination d’Israël, y compris pour une utilisation dans le conflit à Gaza. En juin, des expert·e·s des Nations unies ont demandé à tous les États de cesser les transferts d’équipements militaires vers Israël pour éviter de se rendre responsables de violations des droits humains.
En septembre, le nouveau gouvernement a partiellement suspendu les licences d’exportation, en invoquant un « risque manifeste » de violation du droit international humanitaire par l’armée israélienne. Néanmoins, la contribution britannique à l’avion de chasse F-35, élément crucial de l’activité militaire d’Israël, n’était pas concernée par cette suspension. Un examen judiciaire de la politique du gouvernement britannique en matière d’exportations d’armes était toujours en cours à la fin de l’année.
LIBERTÉ DE RÉUNION PACIFIQUE
Des manifestations de grande ampleur ont continué d’avoir lieu régulièrement à Londres, la capitale, pour appeler à un cessez-le-feu à la suite des attaques commises par le Hamas en octobre 2023 et de la réponse militaire d’Israël. Elles ont fait l’objet de certaines restrictions, mais la police les a laissées se dérouler en dépit de pressions politiques considérables en faveur de leur interdiction.
En mai, un tribunal divisionnaire a jugé illégale une réglementation adoptée par le gouvernement, qui renforçait les pouvoirs de la police pour imposer des restrictions lors de manifestations en cas de risque de « graves perturbations ». Le recours formé par le nouveau gouvernement contre cette décision a été examiné en décembre.
Des militant·e·s écologistes ayant participé à des manifestations pacifiques considérées comme ayant occasionné de « graves perturbations » ou représenté un « trouble à l’ordre public », à des actions potentiellement constitutives d’« outrage à magistrat », ou à des actions de protestation ayant causé des « dégradations » étaient régulièrement condamnés à des peines d’emprisonnement. Dans certains cas, de lourdes peines ont été prononcées, pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison.
LIBERTÉ D'EXPRESSION
Toute l’année, des enquêtes se sont poursuivies sur la nature et l’étendue des activités de surveillance de la Force de police de l’Irlande du Nord (PSNI) visant des journalistes. En décembre, l’Investigatory Powers Tribunal (chargé de juger les abus de pouvoir en matière d’enquête) a estimé que la PSNI et la police métropolitaine de Londres avaient surveillé illégalement deux journalistes en 2012 et 2013. En juin, des avocat·e·s ont lancé une enquête indépendante sur cette affaire.
Par ailleurs, tout au long de l’année, le gouvernement et d’autres autorités publiques se sont livrés à une série de pratiques (utilisation du très décrié volet « Prévention » de la stratégie gouvernementale de lutte contre le terrorisme, annulations de visas, procédures disciplinaires) qui ont limité indûment le droit à la liberté d’expression et ont eu un effet dissuasif sur les manifestations et les discours relatifs à Gaza et à la Palestine. Ces pratiques ont eu des conséquences particulièrement néfastes sur les enfants et les jeunes musulmans ou racisés.
En mars, le gouvernement a publié une définition révisée du concept d’« extrémisme », que les organismes publics devaient utiliser pour évaluer si des personnes ou des groupes étaient « extrémistes », en vue de les priver, le cas échéant, de financements publics, de plateformes d’expression et d’autres formes de « légitimité ».
En mai, le projet de Loi sur l’activité économique des organismes publics (affaires étrangères) n’a pas pu être adopté en raison de la dissolution du Parlement qui a fait suite à la convocation d’élections législatives. Ce texte, qui aurait interdit aux institutions de prendre en compte des considérations éthiques ou relatives aux droits humains dans leurs décisions concernant les achats et les investissements, aurait entravé les demandes de boycott, de désinvestissement et de sanctions.
DROIT À LA VÉRITÉ, À LA JUSTICE ET À DES RÉPARATIONS
En janvier, le gouvernement irlandais a saisi la Cour européenne des droits de l’homme d’une requête interétatique contre le Royaume-Uni concernant la Loi britannique de 2023 sur les troubles en Irlande du Nord. Deux jugements rendus respectivement en février et en septembre par la Haute Cour de Belfast et la Cour d’appel d’Irlande du Nord ont conclu que cette loi était incompatible avec la Convention européenne des droits de l’homme et contraire au cadre de Windsor (accord entre le Royaume-Uni et l’UE). Ces deux juridictions ont notamment estimé que les dispositions garantissant l’immunité judiciaire ne respectaient pas les articles 2 et 3 de la Convention ni l’article 2 du cadre de Windsor, et devaient donc être annulées. La Commission indépendante pour la réconciliation et la récupération de l’information, organe créé par cette loi, a été jugée illégale en matière de participation aux enquêtes et de divulgation d’éléments de preuve. Le gouvernement britannique s’est engagé à abroger certaines dispositions mais pas l’ensemble du texte, et a annoncé qu’il avait l’intention de se pourvoir devant la Cour suprême.
DROITS DES PERSONNES LGBTI
Le climat médiatique et politique est resté extrêmement hostile à l’égard des personnes transgenres. Selon certaines sources, les crimes de haine contre les personnes LGBTI ont augmenté. Le gouvernement a donné pour consigne aux établissements scolaires de ne pas aborder « l’identité de genre » lors des séances d’éducation à la vie sexuelle et relationnelle. En novembre, la Cour suprême a examiné un recours formé par une organisation critiquant la notion de genre qui cherchait à exclure les personnes transgenres ayant obtenu la reconnaissance juridique de leur genre des protections contre la discrimination sexiste associées à ce genre. Elle n’avait pas encore rendu sa décision à la fin de l’année.
En septembre, le gouvernement écossais a reporté sa proposition de présenter un texte interdisant totalement les pratiques de « conversion », en indiquant qu’il préférait attendre que le nouveau gouvernement du Royaume-Uni présente un projet de loi en ce sens. Le précédent gouvernement britannique n’y était pas parvenu, car son projet de loi avait été retardé par le débat sur l’inclusion des personnes transgenres. Le nouveau gouvernement s’est engagé à publier un projet de loi comportant une interdiction totale des thérapies de conversion, mais qui serait uniquement destiné à servir de base pour une consultation plus approfondie.
DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN
Lors de la COP29, en novembre, le gouvernement s’est engagé à diminuer les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 81 % d’ici à 2035, un objectif plus ambitieux que les 78 % promis par le précédent gouvernement. Le nouveau gouvernement a en revanche maintenu l’engagement du précédent de consacrer 11,6 milliards de livres sterling au financement climatique jusqu’en mars 2026, promesse jugée « très insuffisante » par le Climate Action Tracker.
DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS
En janvier, la commissaire aux droits de l’enfant pour le Pays de Galles a critiqué le plan de lutte contre la pauvreté infantile du gouvernement gallois. En mars, les statistiques du gouvernement britannique ont révélé que 4,3 millions de mineur·e·s vivaient dans la pauvreté au Royaume-Uni. Les chiffres publiés montraient un impact disproportionné sur les enfants et adolescent·e·s noirs ou issus d’autres minorités ethniques, dont 47 % vivaient dans la pauvreté contre 24 % des enfants et adolescent·e·s blancs.
Ces statistiques ont été suivies en octobre de données gouvernementales indiquant que le sans-abrisme en Angleterre avait augmenté de 12,3 % en un an. Le fait de vivre dans la rue, désigné par le terme « vagabondage », restait passible de sanctions pénales.
En février, une coalition regroupant plusieurs organisations de la société civile, dont Amnesty International, a déploré l’insuffisance de l’allocation de base de la Sécurité sociale, qui était inférieure au coût des produits courants de première nécessité pour une personne seule.
En mars, le Comité des droits des personnes handicapées [ONU] a signalé que le Royaume-Uni ne respectait pas de nombreuses obligations qui lui incombaient au titre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.
En septembre, le gouvernement écossais a renoncé à présenter un projet de loi sur les droits humains qui aurait transposé le PIDESC et d’autres traités internationaux dans le droit écossais.
DISCRIMINATION
En août, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU a recommandé au Royaume-Uni, entre autres mesures, de réformer la législation en matière d’immigration, de suspendre le volet « Prévention » de la stratégie gouvernementale de lutte contre le terrorisme et de mettre un terme aux fouilles à nu des enfants.
DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS
Malgré la dépénalisation de l’avortement, des obstacles colossaux persistaient pour accéder à ces soins en Irlande du Nord. Les anomalies fœtales y étaient notamment trop rarement dépistées.
En Angleterre et au Pays de Galles, le nombre d’enquêtes et de poursuites visant des femmes accusées d’avoir avorté illégalement a augmenté. Plusieurs procès étaient prévus pour 2025.
En septembre, le gouvernement écossais a mis en place des « zones d’accès sécurisées » aux abords des hôpitaux et cliniques pratiquant des avortements. Une loi similaire est entrée en vigueur en octobre en Angleterre et au Pays de Galles.

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