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©Patricia De Melo Moreira/AFP/Getty Images
Portugal
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Portugal en 2024.
Des informations dignes de foi ont fait état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements dans des prisons. L’utilisation abusive de textes de loi datant de plusieurs décennies a mis à mal la liberté de réunion. L’accès à l’avortement n’a pas été pleinement garanti. Des dizaines de personnes ont été blessées lors d’attaques contre des migrants à Porto. Une canicule exceptionnelle et des incendies de forêt ont causé la mort de cinq personnes. L’accès à des logements abordables est demeuré insuffisant.
TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
Le Mécanisme national de prévention de la médiatrice (Provedora de Justiça) a signalé en juillet avoir trouvé des preuves de mauvais traitements de personnes détenues dans près de la moitié des 17 établissements pénitentiaires visités en 2023. Le Mécanisme national de prévention a déploré que les autorités n’aient pas mené d’enquêtes ni soumis au ministère public des rapports dignes de foi sur plusieurs cas de mauvais traitements. Il a également noté les conditions dégradantes qu’ont subies des dizaines de migrants détenus à l’aéroport de Lisbonne. Ceux-ci ont notamment été obligés de dormir dans des salles d’interrogatoire et des zones d’embarquement international, jusqu’à six nuits dans certains cas.
RECOURS EXCESSIF ET INUTILE À LA FORCE
En octobre, un policier a abattu Odair Moniz, un chef cuisinier de 43 ans d’ascendance africaine, dans des circonstances peu claires dans le quartier de Cova da Moura, à Amadora. Cet homicide a déclenché des émeutes contre les violences policières qui ont duré plusieurs jours dans divers quartiers de Lisbonne, la capitale. Une enquête a été ouverte.
LIBERTÉ DE RÉUNION PACIFIQUE
Les autorités ont continué d’empêcher l’organisation de manifestations pacifiques. Elles se sont appuyées sur des textes de loi datant de plusieurs décennies pour imposer des restrictions et des responsabilités juridiques aux personnes organisant des rassemblements pacifiques. Elles ont également eu recours à des dispositions formulées en termes vagues qui érigeaient en infractions des actes considérés comme des troubles « à l’ordre et à la tranquillité publics ».
En janvier, le ministre de l’Intérieur a ordonné qu’une enquête soit ouverte sur les allégations selon lesquelles la police aurait effectué des fouilles abusives sur deux militantes pour le climat arrêtées à la suite d’une manifestation, et maintenu menottés pendant plus de 10 heures tous les militant·e·s détenus.
Une contre-manifestation pacifique à une manifestation d’extrême droite aurait été dispersée sans avertissement et avec une force excessive en février. L’Inspection générale de l’administration interne a lancé une enquête sur des allégations selon lesquelles plusieurs contre-manifestant·e·s ayant reçu des coups de matraque de la police auraient eu besoin de soins médicaux, notamment pour des côtes fracturées.
En juillet, huit militant·e·s pour le climat qui avaient brièvement bloqué la circulation lors d’une manifestation pacifique ont été condamnés à des peines de 18 mois d’emprisonnement avec sursis.
VIOLENCES FONDÉES SUR LE GENRE
En février, le Bureau du procureur général a signalé qu’en 2023, les violences domestiques avaient causé la mort de 22 personnes, dont 17 femmes et deux enfants. Ces homicides étaient à 72 % le fait de partenaires ou d’anciens partenaires.
DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS
L’accès à l’avortement n’a pas été garanti dans l’ensemble du pays, les autorités n’ayant pas réglementé correctement le refus du personnel médical de pratiquer cette intervention pour des raisons de conscience.
DISCRIMINATION
En octobre, le procureur général a déclaré que, sur les 895 crimes de haine qui ont fait l’objet d’enquêtes entre 2020 et le premier semestre 2024, seuls 17 ont donné lieu à des poursuites, tandis que 761 des affaires ont été rejetées. Aucune donnée ventilée n’a été recueillie sur ces crimes.
Tout au long de l’année, la justice a continué d’appliquer un seuil élevé de tolérance concernant les crimes de haine. Toujours en octobre, la police a exclu le motif racial dans trois attaques distinctes menées par six hommes contre des personnes de nationalité algérienne et marocaine à Porto.
Au mois de juin, à la suite d’une visite dans le pays, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance [Conseil de l’Europe] a averti le Portugal qu’il devait améliorer les conditions de logement de la population rom et renforcer les mesures de lutte contre les crimes de haine.
DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN
Une étude scientifique validée par des spécialistes sur les décès liés aux canicules a révélé, en mai, que le Portugal était l’un des 20 pays les plus touchés par le phénomène dans le monde ces 30 dernières années. Entre 2010 et 2019, 650 décès de ce type ont été enregistrés en moyenne chaque année. Une autre étude a montré que la vague de chaleur qu’a connue le Portugal en juillet était liée au changement climatique causé par les activités humaines. Des incendies de forêt ont dévasté le nord du pays en septembre, entraînant la mort de cinq personnes et des centaines de blessé·e·s.
Le gouvernement a approuvé en octobre des mesures d’atténuation du changement climatique consistant à faire passer la part des énergies renouvelables à 51 % de la consommation d’ici 2030, une augmentation dépassant l’objectif global de l’UE, qui était fixé à 42,5 %.
DROITS EN MATIÈRE DE LOGEMENT
En mai et septembre, le gouvernement est revenu sur des mesures instaurées par le programme « Plus de logements », qui visait à lutter contre la pénurie de logements abordables. Des craintes ont été exprimées quant au fait que le retrait de dispositions telles que le gel des loyers et la réglementation des locations de courte durée pourrait aggraver cette pénurie. Selon des estimations publiées en mars par l’Institut national de statistique, près de 13 % de la population habitaient dans des logements surpeuplés ; 27,7 % des personnes exposées à un risque de pauvreté vivaient dans ces conditions.
D’après des données publiées en juin par l’Inspection générale des finances, 60 % des locataires ne bénéficiaient pas d’une sécurité d’occupation de leur logement.