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Népal
© Prakash Mathema/AFP/Getty Images

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Népal : tout ce qu'il faut savoir sur les droits humains

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 154 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Népal en 2022.

Les autorités ont procédé à des arrestations arbitraires, avec la volonté de limiter la liberté d’expression, et les forces de sécurité ont continué d’avoir recours à une force excessive et injustifiée pour disperser les manifestations. Une manifestante au moins a été tuée par balle. Les efforts visant à garantir la vérité, la justice et des réparations pour les crimes de droit international et autres violations des droits humains perpétrés lors du conflit de 1996-2006 demeuraient très insuffisants. Les autorités n’ont pas mené d’enquêtes indépendantes et crédibles sur plusieurs décès en détention.

LIBERTÉ D’EXPRESSION ET DE RÉUNION

Les autorités se sont cette année encore livrées à des manœuvres d’intimidation et à des arrestations de personnes dont le seul tort avait été d’exercer leur liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, n’hésitant pas à engager contre elles des poursuites judiciaires.

La police de la capitale, Katmandou, a arrêté en août l’humoriste Apoorwa Kshitiz Singh à la suite de plaintes déposées contre lui concernant une vidéo qu’il avait mise en ligne. Celui-ci a été inculpé de quatre infractions différentes, réprimées par le Code pénal. Il encourait une peine pouvant atteindre cinq ans d’emprisonnement. Au mois d’octobre, le tribunal de district de Katmandou a ordonné sa libération sous caution.

En octobre, la Commission électorale a menacé de poursuites les personnes animant « No Not Again », un groupe présent sur les réseaux sociaux, si elles ne fermaient pas ce groupe et n’effaçaient pas des contenus critiques à l’égard de certaines personnalités politiques. La Cour suprême a ordonné en novembre à la Commission de s’abstenir d’une telle action contre ces militant·e·s et de respecter leur droit à la liberté d’expression. Toujours en novembre, cette même Commission a exigé qu’un article concernant un candidat aux élections soit retiré du portail en ligne Setopati.com. Cette demande ayant suscité un tollé, la Commission s’est finalement rétractée.

À Katmandou, les autorités ont réprimé des mouvements de protestation de victimes d’usuriers, qui demandaient justice pour les crimes financiers perpétrés. La plupart des manifestant·e·s étaient des agriculteurs et agricultrices appartenant à des milieux pauvres. En septembre, la police a chargé à la matraque des manifestant·e·s pacifiques, blessant au moins cinq personnes, et a procédé à une vingtaine d’arrestations.

DROIT À LA VÉRITÉ, À LA JUSTICE ET À DES RÉPARATIONS

Les autorités n’ont pas progressé dans la recherche de vérité et de justice, et à plus forte raison dans l’octroi de réparations aux dizaines de milliers de victimes d’atteintes graves aux droits humains perpétrées lors du conflit armé de 1996-2006, tant par les forces de sécurité gouvernementales que par les rebelles maoïstes. La Commission vérité et réconciliation et la Commission d’enquête sur les disparitions forcées, qui ont recueilli respectivement plus de 60 000 et 3 000 plaintes de victimes, n’ont pas résolu une seule de ces affaires. Le gouvernement a prolongé en octobre la mission de ces deux organismes, mais le mandat de leurs membres respectifs avait expiré en juillet et ils n’avaient pas été remplacés.

Le gouvernement a soumis en juillet un projet de modification de la Loi de 2014 relative à la Commission d’enquête sur les personnes victimes de disparition forcée, la vérité et la réconciliation. Ce texte constituait un progrès sur la voie des réparations aux victimes du conflit, mais il ne répondait pas à d’autres lacunes, comme l’avait pourtant demandé la Cour suprême dans un arrêt de 2015 visant à mettre cette loi en conformité avec les normes nationales et internationales relatives aux droits humains. Ce projet de loi n’a pas avancé, car il n’avait pas été adopté lorsque le mandat du Parlement est parvenu à son terme, en septembre.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

De nombreux cas de torture et d’autres mauvais traitements en détention provisoire ont été signalés. Ils visaient à faire pression sur les personnes incarcérées et à obtenir d’elles des « aveux » ou d’autres éléments de preuve. Bien que le Code pénal de 2017 fasse de la torture et des autres formes de mauvais traitements une infraction à part entière, nul n’avait encore été déclaré coupable en vertu de ces dispositions à la fin de l’année. Les autorités n’ont pas mené d’enquêtes crédibles sur plusieurs décès survenus en détention et qui semblaient être dus à des actes de torture.

En mai, Sundar Harijan, un détenu dalit (opprimé), a été retrouvé pendu dans les toilettes de la prison du district de Rolpa. La police a affirmé qu’il s’était suicidé, une thèse rejetée par sa famille. Les autorités n’ont pourtant ordonné aucune enquête indépendante sur les circonstances de sa mort. En juin, une commission d’enquête du ministère de l’Intérieur a révélé que des membres de l’administration pénitentiaire avaient illégalement échangé les identités de Sundar Harijan et d’un autre détenu, afin de libérer ce dernier. Sundar Harijan s’était ainsi retrouvé contraint de purger la peine d’emprisonnement d’un autre. À la fin de l’année, le gouvernement n’avait toutefois pas rendu public le rapport d’enquête.

DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES

Le gouvernement n’a pas réformé la Loi de 1973 relative aux parcs nationaux et à la préservation de la vie sauvage, non conforme aux normes internationales. Les personnes autochtones expulsées de leurs territoires ancestraux lors de l’établissement des parcs nationaux et des aires de conservation restaient privées de terres et continuaient de vivre dans des logements informels, où elles risquaient de subir de nouvelles expulsions forcées.

En juin, la police a ouvert le feu à balles réelles sur des manifestant·e·s, dans le district de Bardiya, tuant une femme autochtone du nom de Nabina Tharu et blessant un homme. Les manifestant·e·s réclamaient que les personnes vivant près du parc national de la région soient protégées des animaux sauvages, après l’attaque d’une femme par un tigre.

DROITS DES FEMMES

Les discriminations liées au genre étaient toujours fréquentes. Le gouvernement n’a pas modifié les dispositions constitutionnelles qui empêchaient les femmes de bénéficier des mêmes droits que les hommes en matière de citoyenneté.

Le délai de prescription très court prévu par le Code pénal en cas de viol ou de violences sexuelles empêchait les victimes de porter plainte et d’avoir accès à la justice. À la suite de manifestations qui ont eu lieu en mai et des appels largement diffusés par la société civile, le Parlement a adopté en juillet une loi allongeant le délai de prescription au- delà duquel une plainte n’était plus recevable de un à deux ans, voire trois dans certains cas.

DROIT À L’ALIMENTATION ET AU LOGEMENT

Les autorités n’ont pas modifié la Loi de 2018 sur le droit au logement, qui n’apportait pas de garanties suffisantes. Cette loi ne garantissait pas de protection en cas d’expulsion forcée pour les personnes vivant dans des habitats informels et ne définissait pas non plus certains termes fondamentaux, tels que la privation de logement ou la sécurité d’occupation. Des centaines de familles habitant dans des quartiers informels à travers le pays étaient menacées d’expulsion forcée par les pouvoirs publics.

Au mois de novembre, le Comité de haut niveau chargé du développement intégré de la civilisation bagmati, qui dépendait du ministère de l’Urbanisme, a publié un préavis d’expulsion sous 10 jours à l’intention des personnes vivant dans des logements informels implantés sur la rive de la Bagmati. Le Comité menaçait de démolition les quartiers visés, en dehors de toute procédure régulière et sans proposer de solution de substitution, au motif que ceux-ci empêchaient des travaux « d’embellissement ».

Le gouvernement n’a pas non plus pris de mesures pour modifier la Loi de 2018 sur le droit à l’alimentation et à la souveraineté alimentaire, qui n’était pas conforme aux normes internationales relatives aux droits humains.

L’absence de lignes directrices et de réglementation indispensables entravait la mise en œuvre des dispositions garantissant l’accès à l’alimentation et au logement qui figuraient dans la législation existante.

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