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© Prakash Mathema/AFP/Getty Images
Népal
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Népal en 2024.
Les autorités ont eu recours à une force illégale contre des manifestant·e·s et restreint la liberté d’expression et de réunion. Une avancée majeure en matière de justice de transition s’est dessinée, mais elle comportait néanmoins des lacunes significatives laissant la porte ouverte à l’impunité. Les violences faites aux femmes et aux filles et la discrimination fondée sur la caste perduraient dans tout le pays. Les autorités ont cette année encore procédé à des expulsions forcées. Des travailleuses et travailleurs migrants ont continué d’être recrutés illégalement.
LIBERTÉ DE RÉUNION
Le gouvernement a réprimé la critique en imposant des restrictions sur les manifestations, en usant d’une force illégale, ainsi qu’en dispersant de force des manifestant·e·s et en les plaçant en détention.
En janvier, la police a arrêté au moins huit personnes pour avoir manifesté dans une « zone interdite » du quartier de Maitighar, site emblématique situé près de bâtiments gouvernementaux à Katmandou, la capitale. En février, trois personnes ont été arrêtées au même endroit pour avoir dénoncé l’interdiction des manifestations. Le 26 février, la police a usé de la force pour disperser un campement de protestation dans un parc public, où s’étaient rassemblées des victimes d’usuriers venues pieds nus de tout le Népal jusqu’à Katmandou. En réponse à un rassemblement ultérieur, au cours duquel 50 personnes sont entrées dans le parlement, les autorités ont étendu les restrictions des manifestations en élargissant les « zones interdites ». Le 6 mars, 13 manifestant·e·s ont été arrêtés devant la résidence du Premier ministre, zone interdite, et placés en détention. En avril, des manifestations ont été autorisées dans le quartier de Maitighar, mais elles restaient interdites aux alentours des principaux bâtiments gouvernementaux. En mai, 11 étudiant·e·s qui protestaient contre la corruption devant le parlement ont été arrêtés pour avoir manifesté dans une zone interdite.
Les forces de l’ordre ont réagi aux manifestations en utilisant du gaz lacrymogène et des armes létales. Un homme a été abattu par la police le 5 janvier, lors d’une manifestation dans la municipalité de Barahathawa (district de Sarlahi). En février, un journaliste a été agressé et arrêté à Katmandou alors qu’il enquêtait sur les violences policières à l’encontre des vendeurs et vendeuses de rue. La police de Katmandou a tiré du gaz lacrymogène et utilisé des canons à eau et des matraques contre des manifestant·e·s promonarchie en avril. Le mois suivant, elle a eu recours à une force illégale contre une manifestation pacifique en faveur des droits des personnes en situation de handicap. La Commission nationale des droits humains a rapporté que les forces de l’ordre avaient battu et placé en détention 20 manifestant·e·s, dont des personnes en situation de handicap.
LIBERTÉ D'EXPRESSION
Les journalistes, les militant·e·s et les personnes utilisant Internet pour critiquer le gouvernement ont fait l’objet de plus fortes restrictions de leur liberté d’expression. L’organisation Freedom Forum a recensé cette année 57 faits violents (menaces, arrestations et mauvais traitements) perpétrés par des autorités locales et des membres de partis politiques, y compris des violences fondées sur le genre envers des femmes journalistes.
En août, trois hommes ont été arrêtés par la police et maintenus en détention pendant quatre jours pour avoir scandé des slogans contre le gouvernement pendant un festival hindou à Katmandou.
Des personnes ont fait l’objet de représailles pour avoir critiqué des personnalités politiques sur Facebook. Deux hommes ont été arrêtés en août pour avoir tenu des propos négatifs sur l’ancien Premier ministre Sher Bahadur Deuba et son épouse. Le 5 septembre, un homme de 21 ans originaire du district de Bajura a été arrêté au titre de la Loi relative aux transactions électroniques pour s’être exprimé contre le Premier ministre, K.P. Sharma Oli, sur Facebook.
Journalistes
Deux journalistes ont été arrêtés le 10 février dans le district de Kanchanpur pour avoir enquêté sur la mauvaise gestion de la police. En avril, la Fédération des journalistes népalais a alerté l’opinion sur des menaces reçues par un journaliste qui avait enquêté sur des activités minières illégales dans le lit d’une rivière. Kailash Sirohiya, président du groupe de médias Kantipur, a été arrêté et placé en détention à Katmandou en mai, en représailles après des reportages sur la corruption publiés par le groupe.
Un projet de loi relatif au Conseil des médias a été présenté à l’Assemblée nationale en mai. Ce texte conservait des dispositions figurant dans la précédente version, qui restreignaient considérablement l’indépendance des médias et la liberté d’expression.
IMPUNITÉ
Un projet de loi visant à modifier la Loi relative à la Commission d’enquête sur les personnes victimes de disparition forcée, la vérité et la réconciliation a été adopté en août. Il contenait des dispositions susceptibles de permettre des avancées en matière de vérité, de justice et de réparations pour les atrocités commises pendant le conflit armé de 1996-2006. Ce texte comportait toutefois de sérieuses lacunes en matière de reddition de comptes, notamment des définitions d’infractions non conformes aux normes internationales, des réductions de peine pour certains crimes graves, et d’autres dispositions qui pourraient protéger de toutes poursuites les auteurs de crimes de guerre.
DROITS DES PERSONNES LGBTI
Trois mariages entre personnes de même sexe ont été officiellement enregistrés en 2024, mais cet enregistrement n’accordait pas aux personnes concernées la totalité des droits matrimoniaux.
En juillet, la Cour suprême s’est prononcée en faveur d’une femme transgenre qui souhaitait exercer le droit de faire reconnaître son identité de genre sur ses documents officiels. D’autres personnes qui cherchaient à obtenir la reconnaissance juridique de leur identité de genre ont cependant continué de rencontrer des obstacles.
VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET AUX FILLES
Des femmes et des filles ont continué de subir des pratiques néfastes et des violences sexuelles et fondées sur le genre, en dépit de lois interdisant les mariages d’enfants, le travail des enfants et le chhaupadi (isolement des femmes et des filles dans des huttes au moment de leurs règles). Le 17 juin, une adolescente de 16 ans a été violée dans une hutte menstruelle dans le district d’Achham. En juillet, un inspecteur de police a été placé en détention provisoire pour avoir violé à plusieurs reprises une fillette de 10 ans qui travaillait chez lui depuis plus de trois ans. Entre juillet 2023 et juin 2024, la police a enregistré plus de 16 000 faits de violence domestique. Bien souvent, ces violences n’étaient pas signalées par peur de la condamnation sociale ou à cause d’obstacles systémiques.
DISCRIMINATION
La discrimination fondée sur la caste, en particulier sur le statut d’intouchable, perdurait. Malgré les cadres juridiques mis en place, les violences fondées sur la caste bénéficiaient d’une impunité généralisée qui renforçait les obstacles à la justice pour les dalits, en particulier les femmes et les filles. En janvier, un homme a été arrêté pour le meurtre présumé de sa fille de 15 ans, à qui il reprochait de fréquenter un jeune dalit. Le 6 juin, des informations ont fait état du manque de services essentiels, comme l’eau potable et l’électricité, dans le quartier dalit de la septième circonscription de Mirchaiya (district de Siraha).
EXPULSIONS FORCÉES
Des centaines de familles vivant dans des quartiers informels risquaient encore d’être expulsées de force par les autorités locales. Dissoute en mars, la Commission foncière nationale a été reconstituée en octobre par le nouveau gouvernement, mais, à la fin de l’année, elle n’avait encore rien fait pour que des terres et des logements soient alloués aux personnes sans terre, aux dalits et aux habitants des quartiers informels.
En juillet, les autorités de la ville de Dhangadhi (district de Kailali) ont expulsé de force 10 familles qui vivaient dans des quartiers informels et rasé leurs maisons de fortune. Le même mois, au moins 500 familles touchées par les inondations dans ce district se sont retrouvées sans logement lorsque l’Office des forêts les a expulsées de force en démolissant leurs abris. Marginalisés, les Tharus et des dalits ont été particulièrement affectés par la crise humanitaire qui a suivi.
DROITS DES PERSONNES MIGRANTES
Des milliers de jeunes Népalais et Népalaises ont continué d’accepter des emplois difficiles et dangereux dans des pays du Golfe, en Malaisie et ailleurs, en payant des frais de recrutement illégaux et en travaillant sans réelle protection (voir Arabie saoudite).
DROITS DES PERSONNES DÉTENUES
Le gouvernement n’a pas empêché la torture ni mis fin à l’impunité. En juillet, un homme est mort en garde à vue après quatre jours de détention. Un autre homme a été retrouvé mort en garde à vue en octobre. Le 5 novembre, un autre homme encore a subi le même sort dans le district de Kapilvastu. En juillet, 60 jeunes d’un centre de détention pour mineurs du district de Banke se sont échappés à la suite d’une rixe. La Commission nationale des droits humains a fait état en juin de 55 enquêtes sur des allégations de torture.
DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN
Des pluies torrentielles pendant la mousson en juin et septembre ont provoqué des crues subites et des glissements de terrain, faisant plus de 300 morts à Katmandou et dans les districts voisins. Selon l’initiative World Weather Attribution, ces inondations étaient dues à l’urbanisation et au changement climatique.
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