Chacun de vos dons rend possible nos enquêtes sur le terrain dans plus de 150 pays

©Rafalia Henitsoa/Anadolu Agency/Getty Images
Madagascar
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains à Madagascar en 2024.
Cette année encore, l’incapacité des autorités à remédier aux causes profondes de la surpopulation carcérale a engendré des conditions de détention inhumaines. La castration chirurgicale a été introduite comme peine dans les affaires de viol d’enfant. L’espace civique a été fortement restreint, en particulier durant les élections législatives. Les droits à la liberté d’association, d’expression et de réunion pacifique ont été réprimés. Les autorités ont utilisé le logiciel espion Predator pour surveiller des membres de l’opposition politique. Des phénomènes climatiques extrêmes et la sécheresse ont entraîné des déplacements internes de grande ampleur, qui ont touché les femmes de façon disproportionnée. Le taux de violences sexuelles à l’encontre des filles restait élevé, et les victimes recevaient peu de soutien. Des personnes atteintes d’albinisme ont été victimes d’enlèvement et de meurtre.
CONTEXTE
En mars, le cyclone Gamane a provoqué des pluies torrentielles et des inondations, en particulier dans la région Sava (nord du pays), notamment près de la ville de Vohémar. Ce cyclone a fait 18 morts, entraîné le déplacement de 20 737 personnes et endommagé des infrastructures essentielles telles que des routes et des ponts qui reliaient la zone à d’autres régions du pays. Les fonds versés par la communauté internationale à la suite des appels du gouvernement à l’aide internationale sont restés insuffisants.
Des élections législatives et municipales ont eu lieu respectivement en mai et en décembre.
DROITS DES PERSONNES DÉTENUES
La surpopulation carcérale restait la norme. Les cellules accueillaient souvent plus du double de leur capacité prévue, notamment à la maison centrale d’Antanimora, où une unité construite pour 30 personnes en accueillait au moins 60.
Le gouvernement n’a pas réformé la pratique consistant à infliger couramment de lourdes peines d’emprisonnement. Ces condamnations, qui touchaient de façon disproportionnée les membres de la société les plus marginalisés, par exemple des personnes accusées d’avoir volé des produits de première nécessité comme de la nourriture ou une brosse à dents, ne faisaient qu’aggraver le problème de la surpopulation carcérale. Entre le 1er janvier et le 29 novembre, le tribunal de Mahajanga, l’un des 22 principaux tribunaux de Madagascar, a déclaré 639 personnes coupables de menus larcins, passibles d’un maximum de cinq ans d’emprisonnement. En juillet, le directeur de cabinet du ministère de la Justice a justifié cette pratique en affirmant qu’il s’agissait d’une mesure visant à « protéger » les accusé·e·s contre les gens qui voudraient se faire justice eux-mêmes.
TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
En février, le gouvernement a modifié le Code pénal pour autoriser la castration chirurgicale comme peine pour le viol d’enfant, ce qui était contraire à l’interdiction absolue de la torture et des autres traitements cruels, inhumains et dégradants.
LIBERTÉ D'ASSOCIATION ET DE RÉUNION
Les droits à la liberté d’association et de réunion pacifique étaient toujours fortement restreints. En avril, pendant la campagne des élections législatives, le directeur de cabinet du ministère de l’Éducation nationale a menacé de changer d’affectation un fonctionnaire du district de Mananjary au motif qu’il avait apporté son soutien à un parti de l’opposition.
Les autorités ont continué d’appliquer l’Ordonnance no 60-082 du 13 août 1960, qui limitait indûment les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association, notamment des manifestant·e·s, en violation des normes régionales et internationales relatives aux droits humains. Ainsi, le 3 septembre, quatre personnes ont été condamnées à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis pour avoir participé à des manifestations non autorisées réclamant la libération de Sylvestre Mahavitara, député du district de Vangaindrano.
Le 27 août, les forces de sécurité ont violemment réprimé une manifestation pacifique organisée par la population locale pour dénoncer le projet minier Base Toliara, dans le district de Toliara II.
LIBERTÉ D'EXPRESSION
Cette année encore, le droit à la liberté d’expression, notamment des journalistes et des membres et sympathisant·e·s des partis de l’opposition, a été soumis à de sévères restrictions. Les autorités ont utilisé le logiciel espion Predator pour surveiller les téléphones de membres de l’opposition politique.
Le 31 mai, la députée Marie Jeanne d’Arc Masy Goulamaly a été détenue de façon arbitraire pendant plusieurs jours pour avoir remis en cause l’équité des élections législatives dans son district.
Les autorités ont continué d’utiliser le Code de la communication de 2016 contre des journalistes. Ainsi, Mickaelys Kamy Ndiamahazo a été emprisonné après avoir été condamné en septembre pour avoir dénoncé l’influence des autorités locales sur les résultats des élections législatives à Toamasina, et pour avoir publié un appel à l’action civique sur Facebook.
Le 17 septembre, le journaliste et blogueur Patrick Raharimanana a été condamné, au titre du Code de la communication, à cinq ans d’emprisonnement assortis d’une amende pour « interception […] de données informatiques » et « publication […] de documents compromettant […] la sécurité nationale », après avoir publié l’itinéraire du président sur les réseaux sociaux pendant la période des élections législatives.
DROITS DES PERSONNES DÉPLACÉES
Le gouvernement n’a pas protégé les droits des centaines d’habitant·e·s du sud du pays déplacés par une grave sécheresse. Malgré la détérioration de leurs conditions de vie, il n’a pas offert de protection ou de soutien aux personnes déplacées, dont beaucoup ont continué de subir des violations de leurs droits à la liberté de circulation et de résidence, ainsi qu’à un logement convenable. Au contraire, les autorités ont expulsé de force les personnes déplacées qui s’étaient installées dans des zones protégées du parc national d’Ankarafantsika, dans la région Boeny (nord du pays), sans leur proposer un autre logement convenable. Aucune réelle consultation n’a été menée pour identifier des solutions viables, et ces personnes n’ont pas été indemnisées pour les pertes et préjudices subis. Le gouvernement n’a pas détaillé la manière dont il répondrait aux besoins et aux intérêts des personnes déplacées par la sécheresse ou dont il évaluerait leurs pertes et préjudices avant, pendant et après le déplacement.
En juillet, le gouverneur de la région Boeny a indiqué qu’une centaine de personnes arrivaient dans la région chaque semaine, bien souvent après avoir parcouru quelque 1 500 kilomètres dans des conditions difficiles. Un certain nombre faisaient le trajet à pied et/ou en bus, sans aide du gouvernement ni de la communauté internationale.
DROITS DES FEMMES ET DES FILLES
Le Parlement a de nouveau rejeté une proposition de loi de 2021 visant à dépénaliser l’avortement, qui restait illégal en toutes circonstances malgré le nombre élevé de viols de jeunes filles, y compris dans des cas d’inceste. Le gouvernement n’a pas mis en place une approche centrée sur les victimes pour celles qui avaient subi des violences sexuelles, ni adopté des mesures permettant aux victimes de signaler un viol en toute sécurité, sans avoir à craindre la réprobation sociale ou des représailles. Il n’a pas non plus fait le nécessaire pour que les auteurs de ces violences soient amenés à rendre des comptes ni pour que les victimes aient accès rapidement à la justice et à des réparations.
La discrimination liée au genre demeurait omniprésente et touchait les femmes de façon disproportionnée, en particulier celles qui avaient été déplacées par la sécheresse, qui ne bénéficiaient pas des protections nécessaires. Les préjugés ancrés dans les normes sociales et culturelles engendraient des inégalités qui restreignaient la capacité des femmes de certaines régions, comme Androy, dans le sud du pays, à se déplacer pour trouver de meilleures conditions de vie. Ainsi, elles étaient bien moins libres que les hommes de vendre leurs ressources, telles que leur bétail et leurs terres, pour faciliter leur départ vers des régions non touchées par la sécheresse qui ne cessait de s’aggraver. Les femmes et les enfants étaient donc de plus en exposés à des conditions de vie pénibles.
DISCRIMINATION
Durant l’année, 23 personnes atteintes d’albinisme ont été enlevées. Neuf d’entre elles ont ensuite été retrouvées mortes. Ces enlèvements et ces meurtres étaient motivés par des superstitions dangereuses concernant l’albinisme.

Madagascar. Les dirigeant·e·s mondiaux doivent agir de toute urgence pour sauver des vies et protéger les droits menacés par la crise climatique
A Madagascar, plus d’un million de personnes touchées par la famine

L’acharnement des autorités malgaches contre un militant écologiste

Madagascar : l'enfer carcéral

Madagascar : des conditions carcérales inhumaines
