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Koweït
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Koweït en 2024.
Le gouvernement a continué à instrumentaliser des lois relatives à la sûreté de l’État pour poursuivre et emprisonner ses détracteurs et détractrices, y compris des membres de l’Assemblée nationale, réprimant de fait le droit à la liberté d’expression. Les autorités ont cessé d’accorder des documents de voyage aux bidun (Arabes apatrides présents de longue date au Koweït) sauf dans des circonstances exceptionnelles. Les travailleuses et travailleurs migrants restaient exposés à des violences. Le pays a procédé à des exécutions pour la troisième année consécutive.
CONTEXTE
Le 15 février, l’émir a dissous l’Assemblée nationale, élue en juin 2023, en raison de son « utilisation persistante de propos dénigrants et insubordonnés, incompatible avec le respect dû à son Altesse Royale », après que le député AbdulKarim al Kandari a répondu aux critiques formulées par le prince à l’encontre du Parlement. Des élections législatives ont eu lieu le 4 avril, mais l’émir a dissous cette Assemblée nationale nouvellement élue dès le 10 mai, avant même sa première réunion. Il a également suspendu le gouvernement parlementaire et les élections pour une période de quatre ans.
LIBERTÉ D'EXPRESSION
Les autorités ont multiplié les attaques à la liberté d’expression, procédant à des arrestations de détracteurs et détractrices du gouvernement, en particulier de personnes ayant critiqué l’émir, en s’appuyant sur des textes de loi existants, comme les dispositions du Code pénal de 1970 relatives à la sûreté de l’état, ou la Loi de 2006 sur les publications et l’édition.
Le 25 janvier, un tribunal de première instance a condamné Anwar Hayati en son absence à quatre ans de prison pour avoir critiqué sur les réseaux sociaux le système de gouvernance du Koweït et des membres de la famille royale. Anwar Hayati avait reçu du parquet une convocation pour interrogatoire en septembre 2023, et vivait depuis en exil en Europe.
Le 31 janvier, le militant apatride Mohamed al Bargash a été condamné en appel à trois ans de prison pour avoir critiqué sur les réseaux sociaux les politiques gouvernementales à l’égard des bidun. Son emprisonnement a eu un fort effet dissuasif sur les autres militant·e·s. Au cours des deux années précédentes, il avait en effet été la principale figure à dénoncer publiquement le traitement réservé aux bidun.
Le 19 février, un tribunal a condamné le militant Abdullah Fairouz et le responsable de médias en ligne Fuhaid al Ajami à une peine d’emprisonnement, pour une discussion sur Internet au cours de laquelle Abdullah Fairouz avait affirmé que le gouvernement avait des relations commerciales avec Israël, en violation de la loi koweïtienne. En juin, une cour d’appel a annulé la déclaration de culpabilité de Fuhaid al Ajami et l’a libéré. La peine de trois ans d’emprisonnement prononcée à l’encontre d’Abdullah Fairouz a quant à elle été maintenue.
Mesaed al Quraifah, candidat aux élections législatives, a été condamné le 22 mai à quatre ans d’emprisonnement pour avoir critiqué, lors d’un discours électoral, le rôle joué par la famille royale dans les affaires politiques. Son procès en appel était en cours à la fin de l’année. Le 2 juin, les autorités ont ouvert une action en justice contre le député Mohammad al Mutair pour des motifs similaires. Le 20 juin, les autorités ont condamné le candidat aux élections législatives et ancien député Hamad al Ulyan à deux ans de prison pour le même genre de chefs d’accusation. L’ancien député Waleed al Tabtabai a été condamné le 24 juin à quatre ans de prison pour avoir critiqué sur les réseaux sociaux la décision de l’émir de suspendre le gouvernement parlementaire constitutionnel. La cour d’appel a confirmé ce jugement le 19 septembre, mais a ramené la peine à deux ans d’emprisonnement. Le 29 juillet, le député Anwar al Fikr, accusé d’avoir remis en cause l’autorité de l’émir sur les réseaux sociaux, a été condamné à trois ans de prison. Mohammad al Mutair, Hamad al Ulyan et Anwar al Fikr ont été libérés sous caution respectivement le 2 juin, le 8 juillet et le 8 septembre, dans l’attente de l’issue de leur procès (en première instance pour l’un, en appel pour les autres). Anwar al Fikr faisait aussi l’objet d’une seconde action en justice dans laquelle il lui était reproché d’avoir porté atteinte à l’autorité de l’émir durant un discours de campagne.
DROITS EN MATIÈRE DE LOGEMENT
En septembre, les ministères de la Défense et de l’Intérieur ont conjointement annoncé la suppression des logements gouvernementaux mis à disposition des « bénéficiaires non Koweïtiens à la fin de leur service militaire ». Cette politique du logement était discriminatoire, car de très nombreux bidun servaient dans l’armée du Koweït et risquaient ainsi de perdre leur logement, alors que les militaires à la retraite titulaires de la citoyenneté conservaient ce privilège.
DROIT DE CIRCULER LIBREMENT
En juillet, le ministre de l’Intérieur et de la Défense, Fahd Yusuf al Sabah, a annoncé l’annulation de tous les documents de voyage octroyés aux bidun. Les membres de cette communauté apatride ne pouvaient pas demander de passeport koweïtien, car l’État refusait de les reconnaître comme des citoyen·ne·s du pays. L’article 17 de la Loi relative aux passeports les autorisait néanmoins à demander un document de voyage spécial (un « passeport article 17 »), mais les procédures de délivrance étaient arbitraires et donnaient parfois lieu à des actes de corruption et d’autres abus. La décision du ministre supprimait de fait le droit des bidun de voyager. Le gouvernement a annoncé que la délivrance de passeports article 17 était suspendue « à l’exception des cas humanitaires (traitements médicaux et éducation) », pour lesquels les bidun pouvaient demander un examen au cas par cas. Le 28 novembre, un nouveau décret relatif à la résidence des ressortissant·e·s étrangers au Koweït (décret émirien 114/2024) a été approuvé. Il visait à clarifier la loi et à étendre la durée de séjour de certains ressortissant·e·s. Il ne s’appliquait cependant pas aux bidun.
DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN
Cette année encore, le pays a été confronté à des chaleurs extrêmes, des températures record ayant été atteintes fin mai (quatre à cinq degrés Celsius au-dessus des moyennes précédentes). Le météorologue de la télévision d’État, Isa Ramadan, a reconnu que cela était partiellement dû au changement climatique imputable aux activités humaines. Cependant, en mars, le directeur général de la société d’État Kuwait Petroleum Corporation a indiqué que le Koweït prévoyait d’augmenter sa capacité de production de pétrole de trois à quatre millions de barils par jour à l’horizon 2035. Le pays a également annoncé de futures augmentations de la production lors de la découverte en juillet de nouvelles réserves dans le champ pétrolifère d’Al Nokhata.
LIBERTÉ DE RÉUNION PACIFIQUE
Comme les années précédentes, les processions chiites ont été interdites durant la période sainte entourant l’événement religieux d’Achoura.
Pour la deuxième année consécutive depuis les poursuites engagées en 2022 contre les participant·e·s à de rares rassemblements bidun, aucune manifestation publique de grande ampleur n’a eu lieu en 2024.
DROITS DES PERSONNES MIGRANTES
Les travailleuses et travailleurs migrants n’étaient pas protégés juridiquement et risquaient de subir des violences dans le cadre du système de parrainage (kafala).
Le 12 juin, au moins 49 travailleuses et travailleurs migrants venus d’Inde ont été tués et 50 autres ont été blessés lorsqu’un incendie s’est déclaré dans une résidence surpeuplée, ce qui a ravivé les préoccupations quant aux conditions de vie, à la santé et à la sécurité des travailleuses et travailleurs migrants au Koweït.
Le 1er juillet, le ministre de l’Intérieur et de la Défense a annoncé que les forces de sécurité avaient lancé une campagne nationale visant à trouver les « délinquants » qui enfreignaient la loi sur la résidence, afin de les arrêter et de les expulser. Les forces de sécurité ont prévenu que toute personne accueillant chez elle quelqu’un resté dans le pays après expiration de son visa pourrait également être poursuivie. La presse nationale contrôlée par le gouvernement a indiqué que plus de 700 migrant·e·s avaient été arrêtés au cours des 24 premières heures de la campagne : les forces de sécurité bloquaient les entrées et sorties de certains quartiers et arpentaient les rues pour interpeller les migrant·e·s. Des expulsions ont été menées sans que les personnes visées aient pu exercer leur droit d’en contester la légalité, alors même que presque tous les travailleurs·euses migrants dépendaient de leur employeur pour le renouvellement de leur visa. De très nombreuses personnes migrantes ont été placées en détention pendant des mois en attendant leur expulsion, sans voie de recours possible.
PEINE DE MORT
Le Koweït a continué de prononcer des condamnations à mort, notamment pour des infractions liées aux stupéfiants, qui n’entraient pourtant pas dans la catégorie des « crimes les plus graves » au regard du droit international. Les autorités ont procédé à des exécutions pour la troisième année consécutive.