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© Vyacheslav Oseledko/AFP/Getty Images

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Kirghizistan : tout ce qu'il faut savoir sur les droits humains

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 156 pays analysés. Voici ce qu'il faut savoir sur les droits humains au Kirghizistan en 2022.

Des manifestant·e·s pacifiques ont été confrontés à des restrictions sévères. De nouvelles obligations ont été mises en place en matière de déclaration pour les ONG qui recevaient des financements étrangers. Des journalistes et des militant·e·s critiques à l’égard du gouvernement ont été la cible d’attaques sur les réseaux sociaux et de poursuites judiciaires sans fondement. Plusieurs lois ont été utilisées pour restreindre le droit à la liberté d’expression et pour empêcher les journalistes et les médias de critiquer des personnalités publiques. Les violences liées au genre demeuraient systémiques et n’étaient pas toujours signalées. Les auteurs de ces violences étaient rarement poursuivis. Les conditions de détention ne respectaient pas les normes minimales en matière de droits humains, et ont dans certains cas entraîné des décès.

CONTEXTE

Des conflits entre des habitant·e·s et des gardes-frontières des deux côtés de la frontière avec le Tadjikistan ont entraîné en septembre la mort d’au moins 15 citoyen·ne·s kirghizes ainsi que des dizaines de blessé·e·s.

LIBERTÉ DE RÉUNION

La mairie de Bichkek, la capitale, a restreint en mars la liste des lieux pouvant accueillir des réunions publiques. Elle a interdit les manifestations autour de sites populaires tels que le Parlement, le palais présidentiel et l’ambassade russe.

Plus tard ce même mois, les autorités ont interdit tous les rassemblements dans le centre de Bichkek, à l’exception d’un petit parc. Cette restriction a dans un premier temps été justifiée comme étant temporaire et nécessaire « pour empêcher et réprimer de possibles émeutes liées à des motifs interethniques » dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Elle a ensuite été prolongée au 31 décembre et a été étendue à toutes les actions et réunions civiles publiques.

Malgré ces restrictions, plusieurs manifestations en soutien à l’Ukraine ont été organisées dans la capitale. Des militant·e·s et défenseur·e·s des droits humains ont été arrêtés les 5 et 17 mars au cours de réunions et de manifestations pacifiques pour avoir exprimé leur solidarité avec l’Ukraine et pour avoir protesté contre les restrictions illégales du droit à la liberté de réunion pacifique. Quatre personnes ont reçu une amende pour « désobéissance à des ordres légitimes de la police ». À l’inverse, le 7 mars, un rassemblement de soutien à la Russie a été autorisé à se tenir devant l’ambassade de Russie, et aucun·e participant·e n’a été appréhendé.

Au cours du mois d’avril, les forces de police ont continué d’arrêter arbitrairement des manifestant·e·s pacifiques, y compris dans le parc de Bichkek où les réunions étaient autorisées. Pendant la seule journée du 2 avril, elles ont placé 28 manifestant·e·s en détention, dont 26 se sont vu imputer des infractions de type administratif. Un tribunal a néanmoins jugé que ces personnes n’avaient commis aucune action répréhensible.

En octobre, les autorités ont indiqué avoir avancé dans les pourparlers avec l’Ouzbékistan concernant l’accord de délimitation de la frontière entre les deux pays, mais les détails de cette délimitation ont provoqué un fort mécontentement dans l’opinion publique. Des militant·e·s ont convoqué un kouroultaï (une assemblée publique traditionnelle) dans la ville d’Ouzguen, et ont créé une commission afin de s’opposer à cet accord et de réclamer davantage de transparence.

Des manifestations ont également été organisées ailleurs sur le territoire. Les autorités ont répondu par l’arrestation de 26 militant·e·s, inculpés sans fondement de « préparation de troubles de masse ». À la fin de l’année, 24 de ces personnes se trouvaient toujours en détention provisoire, et les deux autres étaient assignées à domicile.

LIBERTÉ D’ASSOCIATION

Les autorités fiscales ont adopté le 22 mars de nouvelles règles régissant la déclaration d’utilisation de fonds étrangers par les organisations à but non lucratif. Les ONG ont eu une semaine pour transmettre leurs documents, qui devaient inclure des informations sur leurs actifs, leurs sources de financement et leurs dépenses.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

La liberté d’expression a été de plus en plus restreinte au fil des mois, notamment pour les professionnel·le·s des médias et les défenseur·e·s des droits humains. Le gouvernement a présenté en septembre un nouveau projet de loi qui permettrait d’imposer des restrictions aux médias en temps de guerre ou en situation d’état d’urgence, d’augmenter le nombre de conditions à remplir pour être immatriculé en tant que média, d’étendre ces dernières aux ressources en ligne, et d’obliger tous les médias à se réenregistrer sous deux mois à compter de l’adoption du texte. Le projet de loi était toujours en attente d’examen à la fin de l’année.

La Loi de 2021 sur la protection contre les informations fausses et inexactes a été utilisée afin de restreindre encore davantage la liberté des médias. Le ministère de la Culture a bloqué en juillet le site Internet du journal Res Publica, qui avait publié un article dénonçant un trafic illicite dans un aéroport. L’accès à ce site était toujours bloqué à la fin de l’année. Le 26 octobre, le ministère de la Culture a bloqué l’accès aux sites d’Azattyk Media et de la chaîne de télévision en ligne Current Time. Les comptes bancaires d’Azattyk Media ont été gelés le 27 octobre.

Les autorités ont ciblé des professionnel·le·s des médias et empêché des journalistes et des médias de critiquer des personnalités publiques en ayant recours aux chefs d’inculpation d’incitation à la haine, de désobéissance, de participation à des émeutes et de violence pour réprimer la liberté d’expression.

Le 23 janvier, le journaliste Bolot Temirov, citoyen binational russo-kirghize, a été arrêté et fouillé, avant d’être inculpé de possession de stupéfiants illégaux, puis, le 20 avril, de faux en écriture et de franchissement illégal de la frontière. Il a été déchu de sa nationalité kirghize en mai. Il avait publié sur sa chaîne YouTube une enquête concernant des soupçons de corruption dans le secteur de l’exportation de pétrole.

En septembre, il a été acquitté de tous les chefs d’accusation à l’exception de celui concernant le faux en écriture, pour lequel le délai de prescription avait été dépassé. Il a néanmoins été expulsé vers la Russie le 24 novembre.

Le directeur de Next TV, Taalaïbek Douïchenbiev, a été placé en détention le 3 mars pour avoir partagé sur les réseaux sociaux la publication d’un ancien responsable de la sécurité alléguant que le Kirghizistan avait promis un soutien militaire à la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine. Il a été condamné en septembre à une peine non privative de liberté.

Le 14 août, Yrys Jekchenaliev a été arrêté pour avoir critiqué sur Facebook des projets gouvernementaux visant à exploiter le gisement de minerai de métal de Jetim-Too. Il a été inculpé d’incitation à la désobéissance active aux ordres légitimes de responsables gouvernementaux et d’appel à l’émeute. Il a été assigné à domicile le 26 octobre. Son procès a débuté le 7 décembre et était toujours en cours à la fin de l’année.

DROITS DES FEMMES ET DES FILLES

Les violences liées au genre demeuraient systémiques et n’étaient pas toujours signalées. Les statistiques sur les violences domestiques étaient toujours présentées de manière agrégée, ce qui ne permettait pas de discerner correctement l’ampleur des violences perpétrées à l’encontre de certains groupes comme les femmes et les filles en situation de handicap.

Un tribunal a condamné en août deux agents de police ainsi qu’un troisième homme à des peines respectives de 10, 15 et huit ans d’emprisonnement, pour avoir violé une jeune fille de 13 ans à de multiples reprises sur une période de près de six mois. Ils ont également dû payer une indemnisation de 100 000 soms (1 000 dollars des États-Unis) chacun.

Cette affaire a été largement couverte par les médias et a entraîné des manifestations à travers tout le Kirghizistan. Les réactions des hauts fonctionnaires ont été mitigées, entre compassion pour la victime, regret que cette affaire nuise au tourisme et critique des médias pour avoir attiré l’attention de l’opinion publique.

En juillet, 27 organisations de défense des droits des femmes ont adressé une lettre ouverte au président pour réclamer des mesures efficaces contre les violences faites aux femmes et pour dénoncer des problèmes systémiques en matière de droit pénal et d’application des lois. Le président a refusé de les recevoir en urgence.

Le gouvernement a signé en septembre une stratégie nationale pour atteindre l’égalité entre les genres d’ici 2030, accompagnée d’un plan d’action pour 2022-2024.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Le Centre national de prévention de la torture (NCPT), entité chargée de participer à appliquer la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a exprimé ses inquiétudes concernant le grand nombre de décès dans les établissements pénitentiaires. Il a souligné qu’un tiers des centres d’isolement temporaires se trouvaient dans des sous-sols humides, sombres et mal aérés.

Dans certaines régions, en l’absence de centres de détention provisoire, les personnes visées par des procédures judiciaires étaient envoyées dans des infrastructures temporaires.

Le HCDH s’est dit préoccupé en juin par le projet du gouvernement de dissoudre le NCPT, ce qui affaiblirait la prévention de la torture au Kirghizistan.

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