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© Jordan Pix/ Getty Images

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Jordanie : tout ce qu'il faut savoir sur les droits humains

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 156 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Jordanie en 2022.

Cette année encore, les autorités ont imposé des restrictions aux libertés de réunion, d’expression et d’association des journalistes, des militant·e·s politiques et des travailleuses et travailleurs, en recourant à la détention arbitraire et à des lois répressives. Des défenseur·e·s des droits humains et des journalistes ont été la cible d’une surveillance. Les femmes et les filles continuaient de subir des discriminations dans la législation et dans la pratique. Les réfugié·e·s avaient des difficultés à accéder à des services essentiels en raison d’une réduction du financement de l’aide humanitaire internationale.

CONTEXTE

L’état d’urgence déclaré en 2020, au début de la pandémie de COVID-19, est resté en vigueur, alors que le roi Abdallah avait déclaré en mai qu’il serait levé dans les mois qui venaient.

Le roi a restreint le droit de circuler librement et les contacts avec le monde extérieur de l’ancien prince héritier Hamzah bin al Hussein, assigné à résidence en 2021 après avoir été accusé de préparer un coup d’État – une accusation qu’il niait.

En septembre, le Parlement a adopté la Loi relative aux droits de l’enfant.

DÉTENTION ARBITRAIRE

Les gouverneurs locaux avaient toujours recours à la Loi relative à la prévention de la criminalité pour placer en détention administrative tout individu considéré comme « un danger pour le peuple », sans l’inculper ni lui donner la possibilité de contester sa détention devant une autorité judiciaire compétente.

En mars, les autorités ont invoqué cette loi pour arrêter au moins 150 militant·e·s, journalistes et enseignant·e·s, entre autres, visiblement dans le but de les empêcher d’organiser diverses manifestations, dont une destinée à commémorer les manifestations antigouvernementales lancées par la jeunesse en mars 2011. Toutes ces personnes ont été libérées peu après leur arrestation.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Cette année encore, les autorités ont eu recours à la Loi relative à la prévention de la cybercriminalité et aux dispositions du Code pénal relatives à la diffamation pour réprimer la liberté d’expression.

En février, 11 militants politiques ont été arrêtés sans mandat et interrogés sur des faits présumés de « diffusion de fausses informations » et d’« incitation à la haine raciale ou confessionnelle », au titre de la Loi sur la prévention de la cybercriminalité et du Code pénal.

La journaliste Taghreed Risheq et son confrère Daoud Kuttab ont été arrêtés à leur entrée sur le territoire jordanien à l’aéroport international d’Amman, les 6 et 8 mars respectivement, et interrogés à propos de leurs écrits en vertu de la Loi relative à la prévention de la cybercriminalité. Taghreed Risheq a été libérée sous caution le jour même. Daoud Kuttab a lui aussi été libéré mais a dû comparaître devant un tribunal de la capitale, Amman ; le juge a ordonné une suspension temporaire de son mandat d’arrêt.

Selon Reporters sans frontières, en mars également, les autorités ont arrêté trois autres journalistes et les ont inculpés de « diffusion de fausses nouvelles » en lien avec leur couverture de l’affaire des « Pandora Papers », des documents divulgués sans autorisation et dévoilant les noms de sociétés offshore, de comptes bancaires secrets et de biens de luxe appartenant à des personnalités du monde des affaires ou de la politique, entre autres, dont le roi Abdallah.

L’écrivain et militant politique Adnan al Rousan a été arrêté le 15 août et inculpé de « diffamation envers un organe officiel » et de « diffusion de nouvelles fausses ou exagérées portant atteinte au prestige de l’État ».

DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE

En janvier, une enquête de Front Line Defenders a dévoilé que le téléphone de l’avocate jordanienne et défenseure des droits des femmes Hala Ahed Deeb avait été infecté par le logiciel espion Pegasus.

Au mois de juin, Front Line Defenders et le Citizen Lab de l’université de Toronto ont révélé que les téléphones de quatre autres défenseur·e·s des droits humains et journalistes jordaniens avaient été piratés à l’aide de ce même logiciel espion entre août 
2019 et décembre 2021. D’après leur enquête, les responsables comptaient probablement parmi les organes du gouvernement jordanien.

LIBERTÉ D’ASSOCIATION

Les autorités sont revenues sur leur décision de modifier la Loi relative aux associations, qui limitait arbitrairement les activités des ONG et permettait au gouvernement de s’ingérer dans leur travail. Il était toujours difficile pour les ONG d’obtenir l’approbation du gouvernement pour bénéficier de subventions de la part de donateurs étrangers.

Début 2022, le gouvernement a décidé de continuer d’utiliser un mécanisme mis en place en 2019 sous l’égide du Premier ministre et destiné à faciliter le traitement des demandes de financements étrangers par les ONG.

En septembre, l’ONG Community Media Network a déposé une plainte auprès du Centre national de défense des droits humains concernant le rejet par les autorités d’une subvention de 35 200 dollars des États-Unis provenant de l’agence de développement allemande GIZ et destinée à la production d’une campagne sur le recyclage.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Les allégations de torture ne faisaient pas l’objet d’enquêtes rapides, impartiales et indépendantes de la part des pouvoirs publics.

Le 6 septembre, la famille de Zaid Sudqi Ali Dabash a reçu un appel de la part de l’administration de la prison de Marka, dans la banlieue d’Amman, l’informant de son décès. D’après l’avocat de la famille, le corps de Zaid Sudqi Ali Dabash portait des marques de torture, notamment des hématomes sur les bras, les jambes, le dos, le ventre et les oreilles. En outre, toujours selon l’avocat, le service de médecine légale n’a pas fourni de rapport d’autopsie à la famille. L’affaire a été transférée pour enquête à la justice militaire plutôt qu’à la justice civile, ce qui allait à l’encontre des normes relatives aux droits humains.

DROITS DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS

D’après la Banque mondiale, le pays était toujours aux prises avec un taux de chômage élevé, touchant particulièrement les femmes et les jeunes.

Le 27 mars, des membres du Mouvement des sans-emploi ont été arrêtés après avoir organisé un sit-in de 43 jours devant un bâtiment du gouvernement à Tafila, une ville située à 300 kilomètres au sud d’Amman, dans le but de protester contre le manque d’emplois. Ils ont tous été libérés le lendemain.

Le 29 mars, 163 enseignants membres du Syndicat des enseignants jordaniens (JTS) ont été arrêtés alors qu’ils manifestaient devant le ministère de l’Éducation, à Amman, contre la dissolution dudit syndicat en 2020. Tous ont été remis en liberté.

Le 26 juin, le tribunal de première instance d’Amman a approuvé un recours demandant la fin des poursuites à l’encontre des membres du JTS arrêtés en 2020 pour « rassemblement illégal et incitation à la haine ». Il a cependant confirmé la dissolution du syndicat.

DROITS DES FEMMES ET DES FILLES

En février, le Sénat a modifié l’article 6 de la Constitution, afin d’établir que les Jordaniennes et Jordaniens étaient égaux devant la loi en termes de droits et de devoirs, sans distinction de race, de langue ou de religion. Aucune mesure n’a cependant été prise pour modifier la législation ou les réglementations afin de refléter ce changement constitutionnel. Par exemple, il restait nécessaire pour les femmes d’obtenir la permission d’un tuteur masculin pour se marier ou voyager à l’étranger avec leurs enfants, et elles risquaient toujours d’être arrêtées si elles fuyaient leur foyer.

Les femmes et les filles continuaient d’être victimes de violences fondées sur le genre. Les pouvoirs publics ne menaient pas d’enquêtes en bonne et due forme sur ces agissements et elles n’ont rien fait non plus pour que les femmes soient mieux protégées. Une organisation locale a fait état des meurtres de 11 femmes et filles, dont cinq avaient été tuées par des membres de leur famille.

La Loi de 2008 relative à la protection contre les violences domestiques n’incluait pas de définition des violences liées au genre et n’érigeait pas en infraction le viol conjugal et d’autres formes de violence, telles que les violences économiques et psychologiques. Enfin, la loi ne définissait pas les anciens époux et les partenaires non mariés comme des « membres de la famille ».

DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES

Selon le HCR, au 30 septembre, la Jordanie accueillait 676 606 réfugié·e·s syriens, 65 818 réfugié·e·s irakiens, 12 957 réfugié·e·s yéménites, 5 522 réfugié·e·s soudanais et 650 réfugié·e·s somaliens. À ceux-ci venaient s’ajouter deux millions de réfugié·e·s palestiniens enregistrés auprès de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).

Toutes les personnes réfugiées en Jordanie n’avaient qu’un accès limité aux services essentiels tels que l’eau et des installations sanitaires, l’éducation et les soins de santé, en raison des financements insuffisants accordés à l’ONU, à ses partenaires et aux organisations internationales, ainsi que des ressources nationales limitées.

Les organisations tentant de faire approuver des projets d’aide à destination des réfugié·e·s yéménites, irakiens, soudanais et somaliens étaient confrontées à des obstacles encore plus grands.

En juin, le HCR a annoncé que les autorités avaient accordé 62 000 permis de travail à des réfugié·e·s syriens, le plus grand nombre émis par le pays depuis que ce type de permis a été créé pour ces personnes en 2016.

LUTTE CONTRE LA CRISE CLIMATIQUE

En 2021, l’État avait augmenté son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 14 à 31 % pour 2030. Il n’a pas annoncé de nouvelle contribution déterminée au niveau national (CDN) en 2022.

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