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URGENCE ISRAËL-GAZA

Aidez-nous à protéger les civils et enquêter pour dénoncer les crimes de guerre.

© Minasse Wondimu/Anadolu Agency/Getty Images

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Éthiopie : tout ce qu'il faut savoir sur les droits humains

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 156 pays analysés. Voici ce qu'il faut savoir sur les droits humains en Éthiopie en 2022.

Le gouvernement fédéral a continué de restreindre l’aide humanitaire au Tigré et a interrompu tout acheminement de cette aide entre août et novembre. Des milliers de Tigréens et Tigréennes étaient maintenus arbitrairement en détention dans des conditions épouvantables, souvent dans des lieux de détention non officiels, sans pouvoir consulter un·e avocat·e. Des responsables de l’opposition sont restés détenus au mépris de décisions de justice ordonnant leur libération. Les forces de sécurité gouvernementales et les groupes armés se sont rendus responsables d’homicides illégaux de civil·e·s, qui s’apparentaient dans certains cas à des crimes de guerre. Malgré les promesses, aucune enquête n’a été menée sur ces crimes. Dans la région Afar, les forces tigréennes ont commis de multiples viols et autres violences sexuelles dans le cadre du conflit. Le droit à la liberté d’expression a été fortement mis à mal dans le pays.

CONTEXTE

Le conflit au Tigré s’est étendu à d’autres régions, en particulier Amhara et Afar. Dans les régions Somali, Gambela, Oromia, Amhara, Benishangul-Gumuz et des Nations, nationalités et peuples du Sud, le conflit armé et les violences ont fait des milliers de morts parmi les civil·e·s, et des populations ont été déplacées.

Du fait du conflit et de la sécheresse liée au changement climatique, des millions de personnes avaient besoin d’aide humanitaire, notamment dans les régions Afar, Amhara, Oromia et Somali.

PRIVATION D’AIDE HUMANITAIRE

Le gouvernement restreignait l’aide humanitaire au Tigré depuis le début du conflit, en novembre 2020. Lorsqu’il a déclaré une trêve humanitaire en mars 2022, le nombre de convois humanitaires dans la région a considérablement augmenté, mais les livraisons ont été totalement interrompues entre août et novembre, après la reprise des combats. La fermeture, sur décision gouvernementale, des services bancaires et de communication au Tigré a aggravé la crise humanitaire.

Un accord de cessation des hostilités a toutefois été signé à Pretoria en novembre et les livraisons, les communications téléphoniques et les vols commerciaux vers le Tigré ont partiellement repris. D’après la Commission internationale d’experts des droits de l’homme sur l’Éthiopie [ONU], le gouvernement a utilisé la famine comme arme de guerre.

ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES

Les arrestations massives de Tigréen·ne·s auxquelles a procédé le gouvernement dans de nombreuses parties du pays, notamment au Tigré occidental, dans la région Afar, à Addis-Abeba et dans la région Amhara, pouvaient s’apparenter à des crimes de guerre.

Des milliers de personnes étaient détenues sans contrôle judiciaire et sans pouvoir consulter un·e avocat·e, dans des lieux de détention qui n’étaient pas toujours officiels. Les conditions de détention étaient particulièrement éprouvantes au Tigré occidental, où les autorités ne fournissaient pas de nourriture ni d’eau aux détenu·e·s. La population locale leur en apportait, mais en quantité insuffisante.

En janvier, les forces de sécurité ont transféré de force des milliers d’habitant·e·s tigréens de la région Afar vers un camp de détention près de la ville de Semera, où ils sont restés plusieurs mois. Le transfert forcé de civil·e·s pour un autre motif que leur protection, suivi de leur détention arbitraire, peut constituer un crime de guerre.

Des dizaines de milliers d’habitant·e·s tigréens d’Addis-Abeba et d’autres villes, qui étaient maintenus en détention depuis la déclaration de l’état d’urgence en novembre 2021, ont été libérés sans inculpation après la levée de ce régime d’exception en février.

Le gouvernement détenait toujours de manière illégale Michael Boran, Kenesa Ayana, Geda Aoljira, Dawit Abdeta, Lemi Benya, Geda Gebisa et Abdi Regassa, dirigeants du Front de libération oromo (FLO). Ils étaient détenus depuis 2020 en dépit de multiples ordonnances de remise en liberté rendues par des tribunaux.

En mai, sur ordre de la Cour suprême fédérale, la police a libéré le colonel Gemechu Ayana, autre haut responsable du FLO, qui était détenu depuis près de deux ans après avoir été inculpé de terrorisme. Dawud Ibsa, président du FLO, a bénéficié de la levée de la mesure d’assignation à domicile dont il faisait l’objet, la Commission électorale nationale ayant exigé sa libération. Il était assigné à domicile depuis mai 2021.

En mars et en avril, au moins 30 membres et dirigeant·e·s du parti politique d’opposition Balderas pour la vraie démocratie ont été arrêtés par la police alors qu’ils célébraient des jours fériés à Addis-Abeba. Ils ont été libérés sans inculpation quelques jours plus tard.

En juin, Sintayehu Chekol, haut dirigeant du parti Balderas, a été arrêté à Bahir Dar. Bien que le tribunal ait ordonné sa libération sous caution, la police l’a transféré à Addis-Abeba, où il a été maintenu en détention et déplacé plusieurs fois dans différents postes de police jusqu’à sa libération en novembre.

ATTAQUES ET HOMICIDES ILLÉGAUX

Les forces de sécurité et les groupes armés ont commis de nombreux homicides illégaux de civil·e·s dans les régions Oromia, Benishangul-Gumuz, Amhara, Gambela et du Tigré, dont beaucoup pouvaient être qualifiés de crimes de guerre. En mars, le service de communication du gouvernement éthiopien a promis que des enquêtes seraient menées sur ces homicides et que les responsables seraient poursuivis, mais aucune information n’avait été rendue publique à la fin de l’année sur l’avancée de ces enquêtes ou poursuites.Dans une vidéo diffusée en mars sur les réseaux sociaux, on pouvait voir les forces de sécurité brûler vifs trois hommes.

En juin, une vidéo d’un massacre dans la zone spéciale oromo (région Amhara) a été largement diffusée. Elle montrait des membres de milices amharas en train d’abattre des dizaines de personnes après les avoir fait descendre de l’arrière d’un camion.

En juin également, au moins 400 civil·e·s amharas, principalement des femmes et des enfants, ont été tués sommairement pendant une attaque de cinq heures menée semble-t- il par l’Armée de libération oromo (OLA) dans la localité de Tole, dans la zone Ouest Welega. Ni les forces de sécurité se trouvant à proximité, ni les autorités locales ne sont intervenues pour mettre un terme à ce massacre. En juillet, des attaques similaires dirigées contre des centaines d’Amharas auraient été menées par l’OLA dans la zone Kelem Welega.

En août et en septembre, la milice amhara Fano et les forces de l’OLA ont tué des centaines de civil·e·s amharas et oromos dans une attaque contre la zone Horo Guduru Welega, dans la région Oromia. Les 30 et 31 août, les forces amharas de la Fano ont mené l’assaut contre Agamsa, une ville de la zone Horo Guduru Welega, faisant au moins 60 morts parmi les civil·e·s oromos.

En septembre, des centaines de civil·e·s oromos et amharas de trois districts de la zone Horo Guduru Welega auraient été tués, semble-t-il à titre de représailles, là encore par la milice amhara Fano et les forces de l’OLA.

À Abala, ville de la région Afar située en bordure du Tigré, des centaines de personnes civiles ont été tuées en janvier par les forces tigréennes et par la police et les milices afars. Lors des combats pour le contrôle de la ville, les forces afars ont tué des civil·e·s tigréens, tandis que les forces tigréennes ont pilonné la ville à l’artillerie sans discernement, faisant des dizaines de morts supplémentaires – autant d’actes constitutifs de crimes de guerre.

Les multiples frappes aériennes sur le Tigré ont tué des centaines de civil·e·s. D’après les Nations unies, en janvier, des frappes aériennes sur Dedebit attribuées aux forces gouvernementales ont fait plus de 100 morts parmi la population civile. Après la reprise, en août, des hostilités entre l’armée fédérale et les forces tigréennes, des centaines de personnes civiles, dont des enfants, ont trouvé la mort lors de frappes aériennes sur les villes de Mekele et d’Adi Daero en août et en septembre. Une frappe aérienne sur une école maternelle de Mekele le 26 août a tué au moins neuf civil·e·s, dont des enfants.

VIOLENCES SEXUELLES OU FONDÉES SUR LE GENRE

Dans la région Afar, les forces tigréennes ont commis de nombreux viols et autres violences sexuelles dans le cadre du conflit. Quatre victimes ont signalé avoir été violées et maltraitées par des membres des forces tigréennes. L’une d’elles a déclaré avoir été violée avec sa fille adolescente, qui s’est alors retrouvée enceinte.

Après avoir subi une telle épreuve, les victimes souffraient de complications médicales et psychosociales. Elles risquaient notamment d’être abandonnées par leur mari ou d’être mises au ban de la société. Beaucoup d’entre elles ne révélaient pas ce qu’elles avaient subi, par crainte d’éventuelles répercussions sur leurs moyens de subsistance et leur famille.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Le droit à la liberté d’expression a été fortement mis à mal ; les autorités ont arrêté au moins 29 journalistes et professionnel·le·s des médias dans le Tigré, à Addis-Abeba et dans les régions Amhara et Oromia. Les autorités tigréennes ont inculpé cinq journalistes de « collaboration avec l’ennemi » ; ailleurs, il était rare que les journalistes et professionnel·le·s des médias placés en détention soient officiellement inculpés. Lorsqu’une libération sous caution était accordée à des journalistes détenus, la police retardait leur libération en faisant appel de la décision.

En mai, la police a arrêté Temesgen Dessalegn, rédacteur en chef du magazine Feteh, avant de l’inculper pour divulgation de secrets militaires et diffusion de fausses rumeurs. Il a été libéré contre une caution de 30 000 birrs éthiopiens (environ 560 dollars des États-Unis) en novembre.

Plusieurs journalistes, parmi lesquels Gobeze Sisay, Meskerem Abera et Yayesew Shimelis, ont été arrêtés par les forces de sécurité en mai. Ils ont été maintenus en détention pendant des jours sans pouvoir contacter leur famille ou un·e avocat·e, avant d’être libérés. Yayesew Shimelis a été de nouveau arrêté le 28 juin, une semaine après sa libération.

En mai, les autorités ont aussi expulsé Tom Gardner, journaliste correspondant à Addis- Abeba du journal The Economist. Il avait auparavant été harcelé en ligne par des sympathisant·e·s du gouvernement en raison de ses articles sur l’Éthiopie.

Arrêtée de nouveau en décembre par la police fédérale sur des accusations d’incitation à la violence et de diffamation à l’égard des forces de défense nationales, Meskerem Abera se trouvait toujours en détention à la fin de l’année.

Le 30 décembre, la police a arrêté le musicien Tewodros Assefa et l’a maintenu en détention pendant une journée pour des chansons qui critiquaient la corruption des autorités locales à Addis-Abeba.

En septembre, Alemu Sime, un haut représentant du gouvernement, a convoqué des organisations de la société civile à une réunion et a adressé à 35 d’entre elles un avertissement officiel pour avoir appelé publiquement au cessez-le-feu et à des pourparlers de paix en vue de mettre fin au conflit avant le Nouvel An éthiopien.

Quelques jours auparavant, les forces de sécurité avaient interdit une conférence de presse organisée par des personnes et des organisations de la société civile, qui souhaitaient à cette occasion rendre public leur appel conjoint en faveur de la paix.

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