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© Edu León/Latam/Getty Images
Équateur
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Équateur en 2024.
Le torchage de gaz et l’extraction pétrolière se sont poursuivis en Amazonie. Les conditions carcérales étaient toujours déplorables. Selon certaines informations, des personnes pourraient avoir été victimes de disparition forcée ou d’exécution extrajudiciaire. Cette année encore, des défenseur·e·s des droits humains ont vu leur sécurité menacée et le gouvernement ne les a pas protégés. Les arrestations arbitraires étaient monnaie courante. Des activités minières se sont poursuivies sans le consentement des peuples autochtones. L’accès à l’avortement restait extrêmement limité. L’impunité régnait toujours pour des violations des droits humains commises par les forces de sécurité en 2019 et 2022.
CONTEXTE
En janvier, le président, Daniel Noboa, a déclaré l’état de conflit armé interne, ainsi que l’état d’urgence, face aux actions menées par des groupes criminels armés. Des états d’urgence ont été maintenus tout au long de l’année, et l’armée a été déployée pour patrouiller dans les rues. En avril, lors d’un référendum national, la population s’est prononcée en faveur d’un élargissement des pouvoirs de l’armée en matière de sécurité publique.
Le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté a signalé en mai « un cycle vicieux de pauvreté et d’insécurité » touchant principalement les groupes racisés, qui continuaient de subir des discriminations intersectionnelles fondées sur plusieurs éléments constitutifs de leur identité.
DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN
Le gouvernement a continué d’autoriser le torchage de gaz en Amazonie, malgré une décision de justice de 2021 indiquant que les torchères, potentiellement nocives tant pour l’environnement que pour la santé des personnes, devaient être éteintes.
À la fin de l’année, les autorités n’avaient toujours pas mis un terme à l’extraction pétrolière dans le parc national Yasuní, dans la région amazonienne, manquant ainsi la date limite imposée par un référendum tenu en 2023.
Le décret exécutif 754 est resté en vigueur, bien que des organisations de défense des droits humains aient continué de déplorer qu’il ne respecte pas les normes internationales garantissant le droit de participer aux processus de prise de décision dans le domaine de l’environnement.
DROITS DES PERSONNES DÉTENUES
Les prisons étaient toujours en situation de surpopulation chronique et le nombre de signalements d’actes de torture et d’autres mauvais traitements a augmenté après que le contrôle des centres de détention est passé aux mains de l’armée en janvier. L’accès à la nourriture et aux services médicaux était insuffisant. Au moins trois responsables de centres pénitentiaires ont été tués au cours de l’année.
Le Comité des Nations unies contre la torture a appelé l’Équateur à lutter contre la crise pénitentiaire et ses causes systémiques « en donnant la priorité aux politiques de réadaptation, de rééducation et de réinsertion sociale [et] à la démilitarisation du contrôle des centres pénitentiaires ».
EXÉCUTIONS EXTRAJUDICIAIRES
Le Bureau de la procureure générale a constaté une nette augmentation des signalements d’exécutions extrajudiciaires potentielles : 27 ont été signalées dans les six premiers mois de l’année 2024, soit deux fois plus que les années précédentes sur la même période.
DISPARITIONS FORCÉES
Des organisations de défense des droits humains et des habitant·e·s des régions côtières ont indiqué que les forces de sécurité avaient, au cours de leurs opérations, procédé à des détentions arbitraires qui, dans certains cas, pourraient constituer des disparitions forcées, selon le bureau de la procureure générale.
En décembre, 16 membres de l’armée ont été inculpés dans l’affaire de la disparition forcée présumée, à Guayaquil, de quatre garçons mineurs, qui avaient ensuite été retrouvés morts.
DÉFENSEUR·E·S DES DROITS HUMAINS
Des défenseur·e·s des droits humains, en particulier des personnes luttant pour les droits liés à la terre, au territoire et à l’environnement, ont cette année encore dû faire face à l’hostilité et à des risques pour leur sécurité, qui se sont notamment traduits par des menaces, des actes d’intimidation, de la violence en ligne et des homicides.
Dans le canton de Las Naves (province de Bolívar), de nombreux défenseur·e·s des droits humains ont fait l’objet de poursuites judiciaires en raison de leur travail sur le droit à l’eau dans le contexte d’activités minières. Au moins six défenseurs ont été condamnés à une peine de prison.
Le président Daniel Noboa a, à plusieurs reprises, jeté l’opprobre sur les personnes qui défendaient les droits des détenu·e·s. Le gouvernement n’a pas organisé de rencontres avec la société civile pour garantir une approche participative dans l’élaboration de sa politique de sécurité.
En novembre, au moins deux défenseurs des droits humains ont été arrêtés alors qu’ils observaient des manifestations contre les coupures de courant dans la capitale, Quito.
ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES
Les forces de sécurité ont procédé à des milliers d’arrestations potentiellement arbitraires, en prétextant des flagrants délits, semble-t-il sans véritable justification. Selon des organisations de la société civile et des médias, ces arrestations auraient visé de façon disproportionnée des groupes historiquement victimes de discrimination, comme les peuples autochtones, les personnes d’ascendance africaine, les populations défavorisées et les jeunes. Les autorités n’ont pas tenu de registre pleinement transparent de ces arrestations.
DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES
En mars, dans la province du Cotopaxi, plus de 70 personnes, dont des dirigeant·e·s indigènes et des défenseur·e·s des droits humains, ont fait l’objet d’enquêtes pénales à la suite de manifestations contre des activités minières et un processus de consultation dont elles contestaient la légitimité.
Le rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté a recommandé de renforcer le cadre de lutte contre la discrimination en garantissant la sécurité légale de l’occupation des terres, territoires et ressources naturelles traditionnels des personnes d’ascendance africaine et des peuples indigènes, ainsi qu’en menant des consultations et en veillant à obtenir le consentement préalable, libre et éclairé de ces personnes pour l’établissement et la gestion des zones protégées.
DROIT À LA VÉRITÉ, À LA JUSTICE ET À DES RÉPARATIONS
Plusieurs expert·e·s de l’ONU ont souligné l’importance d’une audience tenue en avril par la Cour constitutionnelle à propos des graves violations des droits humains (travail forcé et esclavage moderne, notamment) infligées pendant des dizaines d’années à des centaines de travailleuses et travailleurs agricoles dans les plantations d’abaca en Équateur. Nombre de ces personnes étaient d’ascendance africaine. À la fin de l’année, la Cour a jugé qu’une entreprise privée avait perpétué « une pratique de servitude s’apparentant à de l’esclavage » et lui a enjoint de verser des réparations individuelles aux victimes. Elle a aussi ordonné la mise en place d’une politique publique de lutte contre la servitude.
DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS
Malgré de récentes avancées législatives, l’accès à l’avortement restait extrêmement limité, y compris dans les cas autorisés par la loi. Des personnes enceintes n’ont pas pu exercer leurs droits reproductifs en raison notamment du manque d’informations sur les protections juridiques, de la réprobation sociale et du refus de professionnel·le·s de la santé de fournir certains services, pourtant légaux, pour des raisons de conscience.
IMPUNITÉ
Les violations des droits humains commises par les forces de sécurité durant des manifestations en 2019 et 2022 sont restées impunies.

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