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© Creative Commons/LICADHO

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Cambodge

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Cambodge en 2024.

Les atteintes aux droits humains étaient toujours aussi nombreuses. À Angkor, des milliers de familles restaient menacées d’expulsion forcée, tandis que des milliers d’autres, déplacées les années précédentes et privées de tout recours, vivaient dans des conditions de logement inacceptables, accablées de dettes et sans travail. Signe de l’ampleur de la détérioration de l’espace civique, 97 personnes, dont des mineur·e·s, ont été arrêtées pour avoir exprimé pacifiquement leurs opinions, avant d’être inculpées d’incitation à commettre un crime ou de participation à un complot. Un journaliste de renommée internationale a été arrêté alors qu’il avait largement dénoncé les escroqueries organisées qui continuaient de prospérer au Cambodge en toute impunité.

CONTEXTE

Hun Manet, Premier ministre et chef du parti au pouvoir, le Parti du peuple cambodgien, a poursuivi les mêmes politiques que son père, Hun Sen, à qui il a succédé.

DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Sur le site d’Angkor, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, de nombreuses personnes vivaient toujours sous la menace d’une expulsion forcée. Des expulsions forcées de masse avaient eu lieu les années précédentes, en violation du droit international relatif aux droits humains, sans que les autorités aient correctement informé ou véritablement consulté la population avant de procéder à son déplacement. Nombre des habitant·e·s concernés avaient en outre subi des pressions ou des menaces de la part des pouvoirs publics, qui cherchaient ainsi à les dissuader de contester les expulsions. Les personnes expulsées avaient été réinstallées sur des sites dépourvus de logements, manquant d’approvisionnement en eau et d’installations sanitaires et sans accès à des moyens de subsistance.

L’UNESCO a demandé au Cambodge un rapport répondant aux accusations de « possibles déplacements forcés de populations », et notamment « aux allégations d’Amnesty International ». Le gouvernement a publié en février un rapport sur l’état de conservation du site d’Angkor qui ne donnait aucune information vérifiable sur la manière dont les familles devant être réinstallées avaient été sélectionnées et qui affirmait, sans fournir de preuves, que seuls des « squatteurs » avaient été déplacés. Ce rapport ne fournissait pas non plus de liens permettant d’accéder à des recherches antérieures, des cartes ou des plans cadastraux susceptibles d’indiquer comment le gouvernement avait procédé pour évaluer si les familles vivant à Angkor se trouvaient ou non dans l’« illégalité ».

Le site de réinstallation de Run Ta Ek destiné aux familles expulsées ne disposait toujours pas d’infrastructures de base telles que des routes et un réseau d’assainissement, et de nombreux foyers n’avaient pas accès à l’eau courante. Un grand nombre de personnes y vivant étaient lourdement endettées auprès d’établissements de microfinance aux pratiques prédatrices et ont indiqué utiliser leur carte de sécurité sociale et leur titre de propriété comme garanties des prêts.

Dans la décision qu’il a adoptée à ce sujet, le Comité du patrimoine mondial n’a pas demandé au Cambodge de s’engager explicitement à ne pas procéder à des expulsions forcées à Angkor, mais a demandé l’envoi d’une mission de surveillance.

LIBERTÉ D9EXPRESSION ET DE RÉUNION

Arrestations et détentions arbitraires

Entre juillet et octobre, les autorités cambodgiennes ont arrêté arbitrairement au moins 94 personnes, dont plusieurs mineur·e·s, à qui il était reproché d’avoir publiquement critiqué le Triangle de développement Cambodge-Laos-Viêt-Nam (CLV), un programme de développement mis en place en 2004 entre les gouvernements de ces trois pays pour faciliter la coopération en matière de commerce et de migration. Au moins 59 des personnes arrêtées, parmi lesquelles des défenseur·e·s de l’environnement et des droits humains, ainsi que d’autres militant·e·s, ont été illégalement placées en détention et ont fait l’objet de poursuites pour avoir exprimé sans violence leurs opinions. Au moins 21 ont été inculpées d’incitation à commettre un crime, une infraction souvent invoquée sans le moindre fondement contre des défenseur·e·s des droits humains. Le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme au Cambodge s’est inquiété à plusieurs reprises de l’utilisation abusive de telles accusations. Au moins 33 personnes, dont quatre membres de la Ligue intelligente des étudiant·e·s khmers (KSILA), ont été inculpées de complot contre l’État. Les peines encourues pouvaient aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement pour l’incitation à commettre un crime et 10 ans pour le complot.

Dans un discours prononcé le 12 août, l’ancien Premier ministre et actuel président du Sénat, Hun Sen, a proféré des menaces publiques à l’égard des personnes qui critiquaient le CLV, et s’en est pris notamment à Hay Vanna, militant d’opposition vivant au Japon. Le 16 août, les autorités cambodgiennes ont arrêté le frère de ce militant, Hay Vannith, fonctionnaire du ministère de la Santé. Elles n’ont fourni aucune information sur le lieu où il se trouvait avant le 20 août, laissant craindre qu’il n’ait été victime d’une disparition forcée. Sa famille n’a appris qu’il se trouvait en détention qu’après la publication le 21 août, sur la page Facebook du porte-parole du gouvernement cambodgien, d’un enregistrement audio dans lequel il « avouait » avoir voulu renverser le gouvernement.

Hun Sen a révélé le 20 septembre que le Cambodge allait se retirer du CLV, mais, à la fin de l’année, les poursuites engagées contre la plupart des personnes inculpées en lien avec ce programme n’avaient pas été abandonnées.

Trente-neuf militant·e·s politiques ou membres de partis d’opposition étaient toujours emprisonnés, souvent à la suite de poursuites abusives et de condamnations injustes, par exemple pour incitation à commettre un crime, complot ou outrage au roi. La plupart étaient en détention provisoire depuis plusieurs mois. Inculpé de collusion avec une puissance étrangère, Kem Sokha, prisonnier d’opinion et dirigeant de ce qui était naguère la principale formation d’opposition, a été condamné à 27 ans d’emprisonnement.

Défenseur·e·s de l’environnement et droit à un environnement sain

Le 5 juin, cinq militant·e·s du mouvement Mother Nature Cambodia ont refusé d’entrer dans la salle du tribunal qui devait les juger parce que les autorités avaient arbitrairement empêché un certain nombre d’organes de presse et de sympathisant·e·s d’assister à l’audience publique. L’audience s’est tenue malgré l’absence des militant·e·s inculpés.

Le 2 juillet, 10 militant·e·s proches de ce même mouvement ont été déclarés coupables de complot et d’outrage au roi. Ces personnes étaient poursuivies en lien avec les activités militantes menées publiquement par Mother Nature Cambodia depuis 2012.

Journalistes

Journaliste récompensé pour son travail, Mech Dara a été arrêté le 30 septembre par la police militaire. Il a été inculpé le 1er octobre d’incitation à commettre un crime au titre des articles 494 et 495 du Code pénal du Cambodge. Mech Dara était connu pour avoir travaillé avec de nombreux organes de presse cambodgiens de premier plan ayant depuis été fermés par le gouvernement ou ses alliés, dans leur volonté de réduire au silence tous les médias indépendants du pays. Le journaliste a reçu plusieurs prix pour ses enquêtes journalistiques sur la corruption et les centres d’escroquerie installés au Cambodge, où des cas de traite des êtres humains et de torture ont été régulièrement signalés.

TRAITE DES ÊTRES HUMAINS ET TRAVAIL FORCÉ

La traite des êtres humains, le travail forcé, l’esclavage, la torture et le travail des enfants continuaient d’être pratiqués dans tout le pays, en particulier dans des centres fermés d’où étaient gérées des escroqueries en ligne faisant appel aux cryptomonnaies, aux jeux de hasard ou aux jeux vidéo.

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