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Liberté d'expression

En Russie, un procès pour une artiste qui dessine des corps de femmes

Ioulia Tsvetkova a 30 ans. Cette artiste féministe russe était poursuivie dans une affaire pénale pour avoir publié sur les réseaux sociaux des dessins représentant des corps de femmes et des vulves. Pour cela, Ioulia était accusée de « production et diffusion de pornographie », un crime passible de 6 ans de prison. » Son histoire est représentative de la répression des libertés qui sévit en Russie.

Ça recommence.

Ioulia a été acquittée le 15 juillet, mais le 22 juillet, le procureur a fait appel de la décision. L’examen de l’appel aura lieu le 10 octobre. Si l’appel est rejeté, Ioulia sera acquittée définitivement mais s’il est accepté, l’affaire de Ioulia sera renvoyée en première instance pour un nouveau jugement et elle risque à nouveau la prison. Nos équipes sont activement mobilisées pour soutenir Ioulia.

15 juillet 2022

Ioulia enfin acquittée !

Le tribunal du district central de Komsomolsk-sur-l’Amour a acquittée Ioulia Tsvetkova le 15 juillet ! Une bonne nouvelle rendue possible grâce à la mobilisation  : lorsque nous avons lancé notre Action urgente pour soutenir Ioulia dans son procès, plus de 5000 mails ont été envoyés pour interpeller les autorités russes. Merci aux personnes mobilisées.

L’acquittement de Ioulia est une victoire d’autant plus importante qu’elle survient dans un pays où l’homophobie et la misogynie sont promues par l’Etat. Cette victoire en amènera d’autres, car avec vous, nous continuerons de nous mobiliser pour les personnes dont les droits sont bafoués.

Depuis que la Russie a attaqué l’Ukraine, l’étau se resserre davantage sur la liberté d’expression : censure des médias, arrestation massive de manifestants, intimidation de la société civile… Mais en Russie, cela fait des années que les attaques contre la liberté d’expression sont devenues la norme, des années que le Kremlin étouffe la société russe.  

Cette répression, Ioulia Tsvetkova, artiste féministe et militante des droits des personnes LGBTI en est une victime. C'est dans la ville de Komsomolsk-sur-l’Amour, dans l'Extrême-Orient russe, que la jeune artiste exerce son art. À travers ses œuvres, elle cherche à dénoncer des stéréotypes et à montrer une vision positive et réaliste des corps des femmes. Mais pour les autorités russes, la perception de son travail est toute autre : elles déclarent que les dessins de Ioulia sont « pornographiques » Absurde.

Un procès pénal s'est ouvert en avril 2021, à huis clos, fermé à la presse et au public. Son procès a été sans cesse reporté et renvoyé à cinq reprises entre l’enquêteur et le procureur. Si Ioulia est reconnue coupable, elle pourrait être condamnée à six ans de prison. Dans le climat de plus en plus inquiétant qui s’installe en Russie, soutenir une artiste comme Ioulia Tsvetkova est primordial !

Un procès pour des vulves multicolores 

À l'origine du procès de Ioulia Tsvetkova, des dessins de corps de femmes et de vulves que l’artiste a regroupé et diffusé sur sa page « Les monologues du vagin » - titre repris de la pièce de théâtre d’Eve Ensler - disponible sur le réseau social russe VKontakte. Sur cette page, on peut voir des œuvres de Ioulia et celles d'autres artistes. Toutes montrent diverses représentations abstraites de vulves, dessinées, brodées, sculptées... mais pour le gouvernement russe, ces vulves multicolores sont considérées comme des représentations pornographiques. 

Contenus de la page « Les monologues du vagin » 👇

Dessins extraits de la page « Les monologues du vagin », animée par Ioulia Tsvetkova sur les réseaux sociaux. Les images ont été prises du site de campagne Free Yulia Tsvetkova

Une femme est poursuivie au pénal pour «pornographie» pour avoir simplement dessiné et publié des images de corps féminins et pour avoir exprimé librement ses opinions à travers l’art. 

Natalia Zviaguina, directrice du bureau d’Amnesty International à Moscou 

Ioulia Tsvetkova sait qu'elle n'est pas la seule personne harcelée par les autorités. Pour la jeune femme, la justice russe recoure à des accusations absurdes de pornographie pour harceler la communauté LGBTI et faire taire des personnes militantes. 

Ciblée depuis 2019 

Ioulia est dans le viseur des autorités russes depuis 2019. La jeune femme a été arrêtée et placée en résidence surveillée pendant 4 mois, accusée déjà de «production et diffusion de contenus pornographiques.» 

Pour sa série de dessins intitulée « Une femme n'est pas une poupée », qui visait à déconstruire les stéréotypes de beauté attribuées à la féminité, l'artiste russe a subi un interrogatoire. Dans cette série de dessins «body-positive», Ioulia représentait des femmes, parfois nues. Ces mêmes dessins ont été examinés pendant les audiences du procès pénal de Ioulia et présentés comme des preuves de diffusion de contenus pornographiques.

Dessins de la série « Une femme n'est pas une poupée ». 👇

Une femme a des poils, et c'est normal !
Traduction du russe
Une femme a ses règles, et c'est normal !
Traduction du russe
Une femme n'a pas la peau parfaite, et c'est normal !
Traduction du russe

Victime d'une loi homophobe 

En plus de son procès pénal ouvert en avril 2021, Ioulia Tsvetkova a été sous le coup d’une procédure administrative au titre de la loi contre « la promotion de relations sexuelles non-traditionnelles auprès des mineurs » (aussi appelée « loi sur la propagande homosexuelle »). Une loi controversée, promulguée par Vladimir Poutine en 2013.

En Russie, la loi contre «la promotion de relations sexuelles non-traditionnelles auprès des mineurs» permet d’infliger arbitrairement de lourdes amendes aux personnes évoquant publiquement - et en ligne - des sujets relatifs aux droits des personnes LGBTI ou tout sujet lié. Cette loi est expressément homophobe et bafoue la liberté d'expression.

Dans le pays, les personnes LGBTI sont de plus en plus stigmatisées et prises pour cibles par les autorités. On compte de nombreux cas d'activistes, notamment féministes et LGBTI ciblés pour leurs simples activités militantes. Depuis l'adoption de la « loi sur la propagande homosexuelle », la stigmatisation, le harcèlement et les violences contre les personnes LGBTI ont augmenté en Russie.

En décembre 2019, Ioulia Tsvetkova a été déclarée coupable de « propagande en faveur de relations sexuelles non traditionnelles auprès des mineurs ». Elle a été condamnée à une amende de 50 000 roubles (environ 780 dollars) pour le simple fait d’avoir géré deux communautés en ligne sur des sujets LGBTI. 

Et ça ne s'arrête pas là : le 10 juillet 2020, Ioulia a été condamné à une amende de 75 000 roubles (environ 1 050 dollars) pour avoir diffusé sur les réseaux sociaux un dessin intitulé « La famille est là où est l’amour. Soutenez les familles LGBTI+ ». Elle avait publié ce dessin en soutien à un couple homosexuel qui avait dû fuir la Russie avec ses enfants adoptés, car les autorités menaçaient de leur retirer la garde de leurs enfants.

L'histoire de Ioulia Tsvetkova nous concerne toutes et tous. Aujourd’hui en Russie, le pouvoir met tout en œuvre pour intimider et museler les journalistes, les militants et les artistes. Quand la liberté d'expression est mise à mal, il faut se mobiliser. Plus que jamais, nous devons continuer à insuffler de l’espoir à la société civile russe écrasée par la répression.