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© Amr Dalsh

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Justice internationale et impunité

Egypte : le lourd héritage de la place Rabaa

Il y a de cela six années, les forces de sécurité égyptiennes ont tué au moins 900 personnes et en ont blessé des milliers d’autres lors des opérations de dispersion des sit-in sur les places Rabaa Al Adawiya et Al Nahda du Caire.

Les statistiques officielles font état de huit membres des forces de sécurité également tués ce jour-là. Pour nombre des personnes touchées directement et pour leurs familles, les conséquences de cette sombre journée se font toujours sentir.

75 condamnations à mort

75 hommes ont été condamnés à mort après avoir participé au sit-in de Rabaa. Ils se sont depuis lors pourvus en appel, mais la Cour de cassation ne s’est pas encore prononcée. Si elle confirme leurs condamnations, ces hommes risquent d’être exécutés. Depuis 2013, l’Égypte a procédé à l’exécution de plusieurs dizaines de personnes déclarées coupables à l’issue de procès inéquitables.

Procès inéquitable et conditions de détention inhumaines

Plus de 650 personnes ont été condamnées à des peines pouvant aller jusqu’à 25 années d’emprisonnement en raison de leur participation au sit-in de Rabaa, à l’issue d’un procès collectif d’une iniquité flagrante, le ministère public s’étant montré incapable de produire des éléments à charge suffisants et d’établir la culpabilité individuelle de chacun des accusés.

Ceux-ci, parmi lesquels on dénombrait des manifestants et des journalistes, ont été déclarés coupables de participation à des « manifestations non autorisées » et d’autres infractions allant de l’« appartenance à un groupe illégal » au meurtre en passant par l’incitation à la violence. Les personnes incarcérées sont contraintes de subir des conditions de détention inhumaines dans les prisons égyptiennes. Nombre des personnes condamnées sont maintenues à l’isolement pendant de longues périodes, ce qui s’apparente parfois à de la torture. Elles déclarent être fréquemment battues et privées d’accès à un avocat, de soins médicaux ou de visites de la part de leurs proches.

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Conditions abusives de mise à l’épreuve

Même les personnes qui ont été relâchées après avoir purgé des peines de cinq ans et six mois d’emprisonnement continuent de se voir imposer des restrictions sévères à leur liberté en raison des mesures de mise à l’épreuve répressives en Égypte. Les autorités ont eu recours à ces mesures draconiennes pour punir plus durement plusieurs dizaines d’hommes déclarés coupables à l’issue du procès sur l’affaire concernant la participation aux rassemblements sur la place Rabaa Al Adawiya.

Depuis leur libération, ils sont obligés de passer 12 heures sur 24, de jour comme de nuit, dans des commissariats, où ils sont entassés les uns sur les autres, dans des pièces mal ventilées. Ils n’ont qu’un accès limité à des sanitaires et ne peuvent pas recevoir de visiteurs ni communiquer avec le monde extérieur. Ces mesures punitives portent atteinte à leurs droits à la liberté, au travail, à l’éducation, de réunion pacifique et d’association, et peuvent donner lieu à d’autres violations telles que des mauvais traitements, du travail forcé et de l’exploitation.

Exil

Certaines des personnes qui ont été jugées par contumace ont été contraintes de fuir l’Égypte, craignant d’être arrêtées, torturées ou autrement maltraitées, jugées inéquitablement ou soumises à une disparition forcée. Elles ont demandé l’asile, notamment en Amérique du Nord, en Asie et en Europe.

Climat d’impunité

Pour les personnes qui ont été tuées et pour leurs familles, la justice reste une perspective lointaine. À ce jour, pas un seul représentant de l’État n’a été amené à rendre des comptes pour le meurtre de près de 900 personnes.

En 2018, le Parlement égyptien a adopté une loi donnant au président le pouvoir d’accorder l’immunité de poursuites aux dirigeants militaires de haut rang pour tout acte commis dans l’exercice de leurs fonctions entre le 3 juillet 2013 et le 10 janvier 2016. De nombreuses familles sont également en proie à l’incertitude quant à ce qu’il est advenu de leurs proches, toujours victimes d’une disparition forcée.

Les opérations violentes de dispersion du sit-in de Rabaa ont marqué un tournant important pour l’Égypte. Depuis lors, les autorités foulent aux pieds les droits humains de la population et, en particulier, de celles et ceux qui critiquent le gouvernement, au point que le pays est devenu une prison à ciel ouvert pour ces personnes. Si l’Égypte souhaite s’extraire de la crise des droits humains qu’elle traverse actuellement, les autorités doivent s’attaquer aux lourdes conséquences héritées des opérations de dispersion de la place Rabaa.

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