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23/03/24 - Spokane, Etats-Unis -  : Diaba Konate #23 des UC Irvine Anteaters dribble contre les Gonzaga Bulldogs pendant le premier quart-temps du premier tour du tournoi de basket-ball féminin de la NCAA au McCarthey Athletic Center. ©Steph Chambers/Getty Images/AFP
23/03/24 - SPOKANE, ETATS-UNIS - : Diaba Konate #23 des UC Irvine Anteaters dribble contre les Gonzaga Bulldogs pendant le premier quart-temps du premier tour du tournoi de basket-ball féminin de la NCAA au McCarthey Athletic Center. ©Steph Chambers/Getty Images/AFP.

23/03/24 - SPOKANE, ETATS-UNIS - : Diaba Konate #23 des UC Irvine Anteaters dribble contre les Gonzaga Bulldogs pendant le premier quart-temps du premier tour du tournoi de basket-ball féminin de la NCAA au McCarthey Athletic Center. ©Steph Chambers/Getty Images/AFP.

Discriminations

France : des joueuses de basket musulmanes demandent l'égal accès au sport

À l’occasion de la Journée internationale du sport au service du développement et de la paix, nous mettons en lumière le combat du collectif français « Basket pour toutes » qui demande le droit pour les joueuses musulmanes de ne pas être discriminées et la promotion de l'inclusion dans le basketball français lors des compétitions officielles.

Dans une lettre ouverte publiée le 8 mars 2024 à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, la coalition internationale « Sport and rights alliance » - dont nous sommes partenaire - a dénoncé la position de la Fédération française de basket (FFBB) qui interdit depuis décembre 2022 « le port de tout équipement à connotation religieuse ou politique » lors des compétitions officielles.

Plus de 80 athlètes, dont la star de la WNBA Breanna Stewart et la médaillée olympique Ibitihaj Muhammad, ont appelé à cette occasion les Fédérations française (FFBB) et internationale (FIBA) de basketball à annuler immédiatement l’interdiction du port du voile telle qu’elle est fixée par les règles du basketball français, et à respecter les lois et les normes internationales en matière de droits humains.

La Fédération française à contre-courant des règlements internationaux

Si la FIBA autorise le port du voile depuis 2017, la FFBB ne le permet pas dans ses compétitions. A l’article 9.3 de son règlement, la FFBB interdit le port de « tout équipement à connotation religieuse ou politique (...) à l’ensemble des joueurs et acteurs de la rencontre (entraineurs, arbitres, officiels), lors de l’ensemble des compétitions départementales, régionales et nationales 5x5 et 3x3, sur l’ensemble du territoire ».

« Les règles qui pénalisent les femmes et les jeunes filles qui souhaitent porter du le foulard violent leurs droits fondamentaux et sapent les efforts déployés pour rendre le sport féminin plus ouvert à la diversité », a souligné Monica Costa Riba, notre responsable de la campagne sur les droits des femmes en Europe.

En octobre 2023, le collectif « Basket pour toutes » a lancé une pétition, notamment signée par des clubs de basket franciliens, demandant l’abrogation de l’interdiction du port du voile. Réunissant plus de 5.000 signatures, cette pétition dénonce une situation intenable pour les joueuses concernées par cette interdiction.

« J’aime le basketball, ma famille et ma foi », a déclaré Diaba Konaté, ancienne membre de l’équipe de France Jeunes, qui joue aujourd’hui aux États-Unis. « Cela me briserait le cœur de devoir renoncer à l’une de ces trois choses, et c’est pourtant ce à quoi m’obligent les règles actuelles de la Fédération française de basketball ».

En octobre, six experts des droits humains des Nations Unies ont écrit au gouvernement français pour lui faire part de leur inquiétude quant au fait que l’interdiction des vêtements démontrant ostensiblement une appartenance religieuse excluait non seulement un grand nombre de femmes et de filles musulmanes de l’éducation, de la culture et du sport, mais pouvait également conduire à davantage d’intolérance et de discrimination.

Selon la coalition internationale « Sport and rights alliance », depuis l’introduction des règles de la FFBB, les jeunes joueuses se disent être confrontées à l’incertitude, à l’anxiété et même à l’humiliation publique lorsqu’elles sont mises à l’écart les jours de match. Plusieurs joueuses ont complètement arrêté de pratiquer ce sport.

Pour Layshia Clarendon, joueuse professionnelle de la WNBA pour les Sparks de Los Angeles, sa « foi et [son] sport sont deux composantes essentielles de [son] identité ». Pour elle, il est « inacceptable » que les femmes de confessions musulmanes en France soient « forcées » de faire un « tel choix ».

Notre position sur le port du voile

Chaque jour, nous nous battons pour que les personnes, partout dans le monde, soient pleinement libres de choisir ce qu’elles souhaitent ou non porter.

En Iran, nous luttons pour les droits des femmes et contre le port obligatoire du voile.  Nous dénonçons les crimes commis par les talibans contre les femmes et les filles en Afghanistan, et œuvrons pour que la France leur offre un refuge.

Partout, nous défendons les libertés des femmes et des filles et combattons les codes vestimentaires obligatoires.  Les codes vestimentaires imposés aux femmes et aux filles, y compris le port obligatoire de symboles et de vêtements spécifiques ou l’interdiction de les porter, entravent leur liberté. Cela reflète un désir de contrôler le corps et nie leur autonomie personnelle.

Les normes liées aux codes vestimentaires reflètent souvent des stéréotypes de genre qui ont des conséquences disproportionnées sur les femmes et les jeunes filles et sont les causes sous-jacentes des violations des droits humains dont elles sont victimes.

Les acteurs étatiques et non étatiques cherchent à exercer un contrôle en ce qui concerne le corps et les choix des femmes en la matière. Ces acteurs pensent être en droit de réglementer des choix qui relèvent des rôles sociaux et de l’apparence des femmes et des jeunes filles, notamment leur décision de porter ou non une robe religieuse et culturelle, y voyant la manifestation symbolique des valeurs d’une communauté, que ces valeurs soient partagées ou non par les personnes à qui on les attribue.

L’application de codes vestimentaires, que ce soit par l’imposition du port de vêtements ou de symboles spécifiques ou leur interdiction, est une manifestation de comportements discriminatoires sous-jacents et elle traduit une volonté d’exercer un contrôle en ce qui concerne le corps des femmes et des jeunes filles et de les priver de leur autonomie personnelle.

Discrimination indirecte 

Si le règlement de la FFBB s'applique bien à tous les équipements à connotation religieuse, il a un impact disproportionné sur les femmes musulmanes qui portent un couvre-chef sportif/le foulard, et constitue en ce sens une discrimination indirecte.

Autrement dit, bien que cette disposition soit apparemment neutre, elle entraine un désavantage particulier pour un groupe de personnes spécifiques en raison d'un critère protégé (la race, le genre, la religion par exemple).

Ceci est problématique car comme le relève le Réseau européen contre le racisme ou encore le rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, les femmes musulmanes sont particulièrement touchées par la discrimination en Europe en tant que femmes, membres d’une communauté ethnique minoritaire et musulmanes.

Les musulman·e·s d’Europe sont racialisés et victimes de discriminations sur la base de motifs ethniques, et pas seulement religieux, indépendamment de leur pratique religieuse et de leur religion réelle. Les personnes appartenant à des communautés musulmanes ou perçues comme telles sont vues de manière de plus en plus uniformisée au sein d’une même catégorie racisée.

Des atteintes au droit international

Le règlement de la FFBB contrevient aux obligations de la France en vertu du droit international des droits humains :

L’interdiction du port du foulard religieux dans les espaces publics bafoue plusieurs droits des femmes musulmanes pourtant consacrés par les droits et les standards internationaux relatifs aux droits humains, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC).

La France est par ailleurs tenue, en vertu du droit international relatif aux droits humains, par exemple la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, de lutter contre les stéréotypes de genre, notamment en prenant des mesures visant à mettre fin aux stéréotypes négatifs relatifs aux femmes et aux hommes ou à des groupes spécifiques de femmes, et de promouvoir les valeurs de l’égalité des genres et de la non-discrimination.

En tant qu’État partie à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la France a en outre l’obligation, par exemple, de « [s’engager] à ne se livrer à aucun acte ou pratique de discrimination raciale contre des personnes, groupes de personnes ou institutions et à faire en sorte que toutes les autorités publiques et institutions publiques, nationales et locales, se conforment à cette obligation », « à ne pas encourager, défendre ou appuyer la discrimination raciale pratiquée par une personne ou une organisation quelconque » et à « prendre des mesures efficaces pour revoir les politiques gouvernementales nationales et locales et pour modifier, abroger ou annuler toute loi et toute disposition réglementaire ayant pour effet de créer la discrimination raciale ou de la perpétuer là où elle existe. »

L’article 9.3 peut aussi avoir un impact négatif sur la capacité des joueuses musulmanes à exercer plusieurs de leurs droits fondamentaux : droit à l’égalité, à la liberté d’expression, droit de pratiquer une religion et d’exprimer son identité, les droits à l’accès aux espaces publics, à la participation aux activités sportives et de loisirs, à l’éducation, à l’emploi et à d’autres aspects de la vie publique. Un ensemble de droits garantis en vertu des lois et normes internationales en matière de droits humains, notamment les pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que les conventions sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Le foulard interdit au foot et au basket mais autorisé au rugby et au handball

Saisi en juin 2023 par le collectif des « hijabeuses » qui s’attaquait au règlement de la Fédération française de football (FFF) leur interdisant de jouer voilées au football en compétition, le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative française, avait décidé de maintenir cette interdiction. Une décision que nous avions qualifiée de décevante car elle nous semblait renforcer le racisme et la discrimination liée au genre dans le football français.

« Il y a bientôt 10 ans, la levée de l’interdiction du hijab par la FIBA a permis à des millions de femmes et de filles musulmanes de jouer au basketball », avait déclaré Minky Worden, directrice des initiatives mondiales à Human Rights Watch qui appelle la FFBB à « agir maintenant » pour s’assurer que « toutes les femmes et les filles puissent profiter des opportunités qu’offre le sport en termes de développement au sein de la communauté, d’éducation et de promotion économique ».

Pourtant le port du voile est autorisé dans d’autres disciplines sportives, collectives ou individuelles, comme au handball, au rugby ou au tennis…

Au handball, le port du voile est autorisé mais la fédération française précise que le voile autour du cou est interdit pour des raisons de sécurité. De même, la fédération française de rugby souligne que le foulard est autorisé « à condition qu’il ne constitue pas un danger pour celle qui le porte ou les autres joueuses ».

Un combat soutenu dans le monde entier

Des athlètes du monde entier soutiennent ouvertement les femmes et les jeunes filles qui subissent de manière disproportionnée ces restrictions à leurs droits fondamentaux.

« Le basketball est depuis longtemps un puissant vecteur d’inclusion et d’égalité », a déclaré Terri Jackson, Directrice exécutive de la Women’s National Basketball Players Association (WNBPA) aux États-Unis. « Toutes les athlètes devraient pouvoir pratiquer le sport qu’elles aiment tout en honorant leur foi, et nous continuerons à nous battre jusqu’à ce que cela soit possible. »

En septembre 2023, l’Organisation des Nations unies (ONU) avait critiqué le gouvernement français pour avoir interdit aux athlètes françaises de porter le foulard aux Jeux Olympiques de 2024 à Paris, déclarant notamment que « personne ne devrait imposer à une femme ce qu’elle doit porter, ou ne pas porter ».

Ce que nous demandons 

Nous demandons à la FFBB et au ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques de respecter leurs obligations internationales en matière de droits humains en leur qualité d’institutions étatiques françaises, en supprimant l'article 9.3 des Règlements sportifs généraux.

Nous demandons à la FFBB et à la ministre d’engager un dialogue constructif avec les personnes directement concernées par ces règles, lois, politiques et pratiques, à savoir les femmes et les jeunes filles musulmanes qui portent le foulard ou qui souhaitent le faire.

Nous demandons à la FFBB et à la ministre d’écouter ces joueuses, de prendre en considération leurs préoccupations quant aux décisions qui les concernent, et de veiller à ce qu’elles participent véritablement à toute discussion sur ces règles et propositions.

Nous demandons également aux autorités françaises de s’abstenir de faire de la discrimination à l’égard des athlètes musulmanes dans la pratique du sport, notamment lors des prochains Jeux olympiques et paralympiques, et de mettre fin aux discours stéréotypés néfastes qui consacrent et légitiment le racisme à l’encontre des musulmans et des musulmanes.