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La traversée de la Libye est un véritable enfer pour les réfugiés et les migrants © Getty
Personnes réfugiées et migrantes

Réfugiés en Libye : où en sommes-nous ?

En 2016 déjà, des hommes et des femmes réfugiés en Europe faisaient la lumière sur les horreurs commises impunément en Libye : violences sexuelles, torture et exploitation. Trois ans plus tard, rien n’a changé.

En 2017, en réaction aux révélations de ventes d’esclaves en Libye, le président de la République, Emmanuel Macron avait parlé de « crime contre l’humanité ».

Alors que le conflit s’intensifie et que des milliers de réfugiés et migrants se retrouvent pris au piège, la France s’apprête à livrer des bateaux à la marine libyenne pour intercepter et renvoyer celles et ceux qui fuient l’enfer libyen.

Lire aussi : Libye, nous attaquons l'Etat en justice

Pris au piège dans l’enfer libyen

Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants se retrouvent piégés dans l’enfer libyen pour avoir cherché refuge hors de leur pays. La liste des violations des droits humains commises à leur encontre est longue et les responsabilités multiples. Dans un rapport publié en 2017, nous soulignions notamment le réseau de complicité reliant les trafiquants, les garde-côtes libyens et la direction centrale des migrations, un organe rattaché au ministère de l’Intérieur libyen.

Ces violations résultent en premier lieu du chaos politique et sécuritaire dans le pays, lequel a permis à des trafiquants, des bandes criminelles et des groupes armés de prospérer. Ils ont ainsi profité du contexte d’instabilité pour enlever des personnes migrantes et réfugiées en vue de demander une rançon à leur famille, de les réduire en esclavage à des fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle et de les exposer aux pires violences, y compris à la mort. C’est notamment ce que relate Alpha Kaba, un réfugié guinéen ayant subi l’esclavage en Libye.

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Ces violations sont aussi le fait des autorités libyennes. En effet, étant donné que la Libye ne dispose pas de système d’asile et qu’elle criminalise l’entrée et le séjour sur son territoire, les personnes migrantes et réfugiées sont systématiquement détenues. Ces détentions arbitraires ont lieu dans des conditions indignes, où elles subissent  malnutrition, torture et viols.

En février 2019, des personnes migrantes et réfugiées nous racontaient ainsi comment une vingtaine d’entre elles, détenues au centre de détention de Tirq al Sikka, avaient été torturées pour avoir protesté contre leur détention arbitraire. Parmi elles se trouvaient des enfants.

Face aux garde-côtes libyens

Les garde-côtes libyens, dont la France s’apprête à soutenir les opérations, participent pleinement à ce cycle de violations. À plusieurs reprises, des ONG de secours en mer ont témoigné, vidéo à l’appui, de la violence des interceptions menées par les garde-côtes libyens, lesquelles ont mis en danger et parfois conduit à la mort les personnes qu’ils devaient secourir.

Dans un article du 3 janvier 2019, Le Monde revenait ainsi sur une enquête menée par le New York Times et les groupes de recherche Forensic Oceanography et Forensic Architecture qui montre le non-respect par les garde-côtes libyens des conventions en cas d’opération de secours en mer. Vingt migrants et réfugiés sont morts noyés au cours de cette opération, dont plusieurs coincés entre la coque du bateau des garde-côtes libyens et leurs propres embarcations.

Lors d’une seconde opération menée la même année, on voit les garde-côtes libyens maltraiter les personnes réfugiées et migrantes à bord et traîner un homme le long du bateau. Cinquante personnes sont mortes durant cette opération.

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Ces exemples parmi tant d’autres, montrent  la dangerosité des pratiques des garde-côtes libyens. Par ailleurs, le sort réservé aux personnes migrantes et réfugiées interceptées en mer est bien connu. Elles sont renvoyées directement dans des centres de détention en Libye, où elles subissent de nombreuses violations de leurs droits, y compris la torture et les viols.  

Alors...Quelles solutions ?

Il est urgent que les États européens interviennent à différents niveaux pour protéger les personnes migrantes et réfugiées en Libye. Plusieurs solutions leur permettraient d’agir concrètement dès aujourd’hui.

1)  Ne pas coopérer avec les garde-côtes libyens

Tant que les garde-côtes libyens ne traiteront pas les personnes qu'ils interceptent de façon humaine et qu'ils les enverront en détention où ils subissent des exactions, il faut limiter toute coopération aux seuls cas où leur intervention est nécessaire, afin d'empêcher des morts imminentes, et restreindre leurs activités aux seules eaux libyennes.

2) Poser des conditions à  la coopération avec la Libye

Toute coopération avec les autorités libyennes doit être conditionnée à la libération immédiate des personnes réfugiées et migrantes arbitrairement détenues et à la conclusion d’un accord avec le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), afin qu'il ait accès aux personnes ayant besoin d'une protection internationale et pour qu'il puisse les protéger.

3) Organiser les sauvetages et débarquements en Méditerranée

Les États membres doivent également  s’accorder sur un système de sauvetage équitable et prévisible en Méditerranée. C’est-à-dire déployer des navires européens chargés de mener des opérations de recherche et de sauvetage, cesser de criminaliser les ONG et les capitaines de navires privés portant secours en mer et s’accorder sur  un mécanisme de répartition équitable entre les États des personnes débarquées.