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Liban. L’imprudence du gouvernement dans la réforme des subventions sur les médicaments bafoue le droit à la santé et à la vie

Les autorités libanaises ne garantissent pas les droits à la santé et à la vie de la population du pays, dans le contexte de la crise qui fait que les patient·e·s ne peuvent pas se procurer ni acheter des médicaments essentiels, a déclaré Amnesty International le 16 décembre 2021.

Depuis la suppression des subventions en novembre, les prix des médicaments au Liban ont été multipliés par quatre par rapport à 2019, au début de la crise économique, et le pays connaît une grave pénurie. Tout en sachant pertinemment depuis au moins un an que la levée des subventions pourrait s’avérer nécessaire, le gouvernement n’a pas mis en place de plan de protection sociale afin d’assurer un accès continu aux médicaments essentiels. Amnesty International s’est entretenue avec 13 pharmacien·ne·s, médecins, directeurs·rices d’hôpitaux et patient·e·s atteints de maladies chroniques ou autres, qui ont tous déclaré que même lorsqu’ils parviennent à obtenir les fonds, c’est une vraie bataille pour obtenir des médicaments essentiels.

« Depuis 2019, le peuple libanais est frappé par une série de crises et aujourd’hui, il est aux prises avec une crise sanitaire engendrée par le gouvernement. Supprimer les subventions sur les médicaments sans s’assurer qu’un cadre de protection sociale est en place afin de garantir l’accès aux médicaments essentiels est un acte d’une profonde inconscience, a déclaré Lynn Maalouf, directrice régionale adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.

« L’inaction du gouvernement face à la crise des médicaments est inexcusable. Il ne s’est pas réuni depuis mi-octobre, alors qu’il devrait se démener pour mettre en place des mesures urgentes afin de remédier à cette crise et à ses répercussions sur la population. Cela suppose notamment de réintroduire des subventions ciblées sur les médicaments essentiels et de collaborer avec les entreprises pharmaceutiques et les donateurs internationaux pour garantir un approvisionnement fiable en médicaments essentiels. »

Supprimer les subventions sur les médicaments sans s’assurer qu’un cadre de protection sociale est en place afin de garantir l’accès aux médicaments essentiels est un acte d’une profonde inconscience

Lynn Maalouf, Amnesty International

Le 9 novembre, après des mois de déclarations de la Banque du Liban informant de son incapacité à fournir les dollars requis pour maintenir le système de subventions qui couvre jusqu’à 95 % de la consommation de médicaments au Liban, le gouvernement a annoncé qu’il supprimait les subventions sur les prix de la plupart des médicaments. Cela a donné lieu à une nouvelle flambée du prix des médicaments essentiels, dans un contexte de pénurie persistante. Si cette mesure était tout à fait prévisible puisque la Banque du Liban publiait des mises en garde depuis des mois, le gouvernement n’a pas accompagné la suppression des subventions d’un plan de protection sociale qui aurait permis l’accès aux médicaments essentiels. Le programme gouvernemental de carte de paiement, pour lequel les inscriptions ont été lancées le 1er décembre, ne devrait pas émettre de paiements avant mars 2022 et on ne sait pas précisément comment le gouvernement compte le financer.

Selon les pharmacien·ne·s et les patient·e·s interrogés par Amnesty International, les Libanais·e·s ont vu leurs frais de médicaments grimper en flèche après la décision de novembre. Aujourd’hui, au moins 70 % de la population n’est plus en mesure de s’offrir les médicaments encore disponibles, selon Assem Araji, président de la Commission parlementaire de la Santé.

Les pharmacies ont commencé à signaler des pénuries de nombreux médicaments essentiels dès juin 2020. Plusieurs hôpitaux, dont l’hôpital universitaire Rafic Hariri, l’hôpital gouvernemental de Tripoli et l’hôpital général Al Makassed, ont déclaré qu’ils n’étaient capables de fonctionner que grâce à des dons limités venus de l’étranger.

La Banque du Liban, les importateurs de médicaments et le ministère de la Santé publique imputent cette pénurie à la contrebande de produits subventionnés, aux retards dans le traitement des demandes d’importation et au fait que certains font des stocks et des réserves de médicaments pour des affections chroniques. Pourtant, le gouvernement a pris peu de mesures pour résoudre ces problèmes. En juin, la Banque du Liban a largement cessé de fournir des dollars aux banques pour qu’elles accordent des lignes de crédit aux importateurs de lait maternisé et de médicaments, affirmant qu’elle ne pouvait plus se permettre de ponctionner ses réserves. En novembre, le ministère de la Santé publique a annoncé la levée des subventions sur les produits pharmaceutiques pour les maladies chroniques, tout en maintenant en vigueur les subventions sur les traitements du cancer, la dialyse et la gestion des maladies mentales. Cependant, même si ces catégories de médicaments restent subventionnées, les patients et les hôpitaux ont bien du mal à les trouver sur le marché.

Des médicaments indisponibles ou inabordables

Selon des membres du personnel hospitalier de Beyrouth, Tripoli et Nabatieh avec lesquels Amnesty International s’est entretenue, le manque de médicaments disponibles a des répercussions graves, voire mortelles, sur les patients. La directrice de la pharmacie de l’hôpital universitaire Rafic Hariri a déclaré que l’impact est évident aux services des urgences : « Un patient est arrivé avec un rythme cardiaque défaillant parce qu’il n’a pas pu trouver le médicament qui régule les battements de son cœur. Un autre a eu une crise parce qu’il n’a pas trouvé le médicament pour sa tension artérielle […] Même le frère de mon mari n’a pas pu se procurer son médicament pour la tension artérielle pendant deux jours ; il a été emmené en catastrophe ici aux urgences, mais il est décédé. »

Amnesty International s’est entretenue avec des patient·e·s atteints de cancer, de diabète et de troubles mentaux qui aient déclaré ne pas pouvoir se procurer les médicaments qui leur étaient prescrits, bien que certains ont tenté leur chance dans 12 pharmacies différentes à travers le Liban. En outre, ils trouvent rarement des solutions de remplacement appropriées. Une patiente atteinte de trouble bipolaire, qui ne pouvait pas trouver son médicament au Liban, a expliqué : « J’ai demandé à des amis de m’acheter un médicament, le Manicarb, à l’étranger. C’est un médicament très subtil. Sa composition n’était pas tout à fait la même et j’ai plongé dans un grave épisode maniaque. Mon médecin a alors vérifié la composition et m’a ordonné de l’arrêter. »

Pendant ce temps, les hôpitaux manquent de fournitures, y compris de dons qu’ils reçoivent d’organisations internationales. Des médecins et des patients ont déclaré qu’ils peuvent à peine se procurer suffisamment de médicaments pour couvrir leurs traitements pendant le reste du mois de décembre. Ces pénuries touchent particulièrement les personnes souffrant de pathologies telles que le cancer, les maladies cardiaques ou la santé mentale, car les conséquences sur leur état de santé peuvent être très graves si elles n’ont pas accès aux médicaments.

L’inaction du gouvernement face à la crise des médicaments est inexcusable

Lynn Maalouf, Amnesty International

Selon Issam Chehade, chef du service d’hématologie-oncologie de l’hôpital universitaire Rafic Hariri, plusieurs de ses patients ont été privés de médicaments et de traitements de chimiothérapie pendant une période de trois ou quatre mois, ce qui pourrait avoir de graves conséquences sur leur état de santé et leurs chances de guérison : « L’état psychologique de nos patients est très mauvais, surtout [ceux] qui sont diagnostiqués précocement avec des cancers curables et certains types de cancers du sang. Tout d’un coup, vous leur dites que leurs médicaments ne sont pas disponibles. »

« Mahmoud », un homme de 60 ans souffrant de problèmes cardiaques, de tension artérielle et de troubles du système nerveux central, explique qu’il a bien du mal à trouver des médicaments et que, lorsqu’il en déniche, il ne peut pas les payer : « Comment les choses peuvent-elles encore empirer ? Et de nouveau, ils [l’État] ne prévoient aucune forme de sauvetage. »

Pour aider les patients, le personnel de l’hôpital Al Makassed a lancé une collecte de fonds. « Nous ne pouvons pas les regarder ne pas réussir à acheter leurs médicaments vitaux sans rien faire. Mais nous sommes conscients que la situation est trop détériorée pour que notre initiative ait un impact », a déclaré Mohammed Badr, directeur de l’hôpital.

Bien que certains médecins assurent que la pression s’est quelque peu relâchée ces dernières semaines après que certaines entreprises ont repris l’importation de médicaments, seul un petit nombre de patients peut en bénéficier du fait de l’approvisionnement limité et coûteux.

Selon Rania Sultan, qui dirige la pharmacie de l’hôpital gouvernemental de Tripoli, il leur manque l’essentiel dont un hôpital a besoin pour fonctionner. « Je n’ai pas les injections nécessaires pour réanimer un patient amené ici pour une crise cardiaque… Et je n’ai que 10 piqûres d’adrénaline, alors qu’un patient en soins intensifs peut en avoir besoin de 30 ! Comment parler de planification durable alors que je n’ai même pas les produits essentiels pour sauver des vies aujourd’hui. » Alors que les craintes se font plus vives quant à une nouvelle épidémie de COVID-19, Raida Bitar, directrice de la pharmacie de l’hôpital universitaire Rafic Hariri, a déclaré : « Nous ne disposons pas des médicaments nécessaires pour traiter les symptômes de la maladie. »

Complément d’information

Selon l’Agence pour le commerce international, le Liban importe environ 95 % de ses produits pharmaceutiques, ce qui représente une dépense de plus d’un milliard de dollars par an.

En novembre 2019, la Banque du Liban a réduit ses subventions à l’importation de médicaments à 85 % des devises étrangères requises pour les produits pharmaceutiques au taux officiel de 1 507,50 livres libanaises (environ 89 euros). Ainsi, les importateurs ont été contraints d’acheter les 15 % de devises étrangères restantes sur le marché noir au taux de change non officiel, faisant grimper les prix des médicaments. Cependant, avec la perte de plus de 95 % de la valeur de la livre libanaise et l’épuisement des réserves de devises étrangères, la Banque du Liban a prévenu qu’elle devait supprimer les subventions sur la plupart des médicaments. Le 22 novembre, le député Assem Araji a expliqué que les subventions sur les médicaments ont été réduites de 106 millions d’euros par mois à environ 31 millions d’euros.

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