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FRANCE. Des basketteuses musulmanes sont exclues des compétitions en vertu de certaines règles

À l’occasion de la prochaine Assemblée générale de la Fédération française de basketball (FFBB), le 14 octobre 2023, Amnesty International a demandé à la FFBB et au ministère français des Sports, des Jeux olympiques et paralympiques de veiller à ce que les règles ayant trait au port de couvre-chefs sportifs lors de compétitions soient conformes au droit international relatif aux droits humains, ne soient pas discriminatoires et ne bafouent pas les droits des joueuses musulmanes qui portent un couvre-chef sportif en France.

Les règles de la Fédération française de basketball (ci-après « FFBB ») dressent la liste des équipements que les joueurs et joueuses peuvent ou ne peuvent pas porter (voir la règle 4.4.2[1]), et une « Note » précise en outre : 

« S’agissant des accessoires couvrant la tête, ceux-ci sont considérés par la Fédération comme “inappropriés au jeu” sont donc interdits et le joueur ne doit pas être autorisé à participer à la rencontre au même titre [[2]…]. »

Selon des militantes et des joueuses portant un couvre-chef sportif auxquelles Amnesty International a parlé, la règle 4.4.2 et l’interprétation correspondante contenue dans la « Note » ne sont « généralement » pas appliquées, bien que cela dépende entièrement de l’inclination individuelle des arbitres. Ces derniers mois, les médias ont signalé deux cas dans lesquels il a été interdit à des joueuses portant un couvre-chef sportif de participer à des matchs, en juin 2022 et en janvier 2023[3]. L’interprétation de la « Note » accompagnant la Règle 4.4.2 s’est faite au détriment de ces joueuses et risque d’en affecter beaucoup d’autres. 

La FFBB a ajouté en décembre 2022 aux Règlements sportifs généraux le nouvel article 9.3, qui interdit expressément « [l]e port de tout équipement à connotation religieuse ou politique […] lors de l’ensemble des compétitions ». Le non-respect de l’article 9.3 pourrait entraîner des procédures disciplinaires contre la joueuse concernée et les personnes ayant permis le déroulement de la compétition[4]. Cet article vise les joueuses, les entraîneuses et les arbitres portant un couvre-chef sportif. Par exemple, dans un témoignage accompagnant la pétition adressée à la FFBB par le collectif militant Basketball pour toutes, Hélène, une joueuse de 22 ans, a déclaré :

« Depuis l’été 2022, je me rends en match les week-ends un nœud au ventre, sans savoir si je vais pouvoir jouer. Je dois renoncer à ma passion parce qu’on me force à choisir entre mes libertés fondamentales ou la pratique du sport. Cette saison, je ne pourrai participer à aucune rencontre officielle puisque l’on force des arbitres à appliquer un règlement qu’ils désapprouvent. Des centaines de sportives musulmanes qui décident de porter le couvre-chef sportif subissent la même humiliation, la même invisibilisation chaque week-end. Les clubs perdent des effectifs, des équipes sont amenées à disparaître faute de joueuses et c’est tout le championnat féminin qui en subit les conséquences[5]. » 

Amnesty International craint fort que l’application de la règle 9.3 n’entraîne des violations des droits fondamentaux des femmes musulmanes, notamment des discriminations raciales, sexuelles et religieuses directes à l’égard des joueuses musulmanes qui portent un couvre-chef sportif, ou qui souhaitent le faire.

LA FFBB DOIT RÉVISER LES RÈGLES ET PRATIQUES DISCRIMINATOIRES À L’ÉGARD DES JOUEUSES MUSULMANES ET SE GARDER D’ADOPTER CE GENRE DE RÈGLES À L’AVENIR

Les femmes musulmanes en Europe sont plus susceptibles d’être les cibles et les victimes de crimes de haine que les hommes musulmans, selon un rapport de 2016 du Réseau européen contre le racisme (ENAR), qui a également constaté que les violences racistes contre les musulmanes sont principalement commises dans des lieux publics, tels que les transports en commun, les rues, les marchés et les magasins, ou sur le lieu de travail, et prennent la forme d’insultes, de crachats sur des femmes qui portent le voile ou le foulard, ou du fait de leur arracher leurs vêtements[6]. De nombreux musulman·e·s et personnes perçues comme telles font également l’objet d’une discrimination persistante du fait de leur prénom ou de leur nom, de la couleur de leur peau ou de leur apparence physique dans tous les domaines de la vie, mais surtout lorsqu’ils recherchent un emploi ou un logement[7]

Les musulman·e·s d’Europe sont racialisés et victimes de discriminations sur la base de motifs ethniques, et pas seulement religieux, indépendamment de leur pratique religieuse et de leur religion réelle. Les personnes appartenant à des communautés musulmanes ou perçues comme telles sont vues de manière de plus en plus uniformisée au sein d’une même catégorie racisée[8]. C’est dans ce contexte que la discrimination à l’égard des musulman·e·s peut constituer une discrimination raciale[9]. La Directive de l’UE sur l’égalité raciale définit la discrimination indirecte comme survenant « lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une race ou d’une origine ethnique donnée par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires[10]. » À cet égard, si la « Note » interprétant la Règle 4.4.2 de la FFBB fait référence aux « accessoires couvrant la tête », son impact est ressenti par les joueuses musulmanes qui portent ou souhaitent porter un couvre-chef sportif, ce qui constitue une discrimination indirecte contre elles et contribue à la diabolisation de ce couvre-chef religieux et à la désignation des personnes qui le portent comme « autres ». 

Il est important de signaler que la Fédération internationale de basketball (« FIBA ») ne limite en rien le port des couvre-chefs comme la kippa ou le hijab de sport dans le basketball, et son introduction par la FIBA a même été saluée comme une victoire pour les personnes défendant cette inclusion et les droits fondamentaux des joueuses musulmanes[11].  La « Note » accompagnant la règle 4.4.2 dans le règlement de la FFBB permettant que cette règle soit interprétée d’une manière qui est discriminatoire à l’égard des joueuses musulmanes, et l’article 9.3 des Règlements sportifs généraux sont également en contradiction avec les principes de la Charte éthique du basketball, notamment le « respect, la tolérance, l’égalité et la lutte contre toutes les formes de discrimination[12]. » 

L’interdiction du port du couvre-chef sportif bafoue les droits fondamentaux de joueuses musulmanes

L’interdiction du port du voile religieux dans les espaces publics bafoue plusieurs droits des femmes musulmanes consacrés par des lois et des normes internationales relatives aux droits humains, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), que la France a ratifiés[13]. La France est par ailleurs tenue, en vertu du droit international relatif aux droits humains, par exemple la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, de lutter contre les stéréotypes de genre, notamment en prenant des mesures visant à mettre fin aux stéréotypes négatifs relatifs aux femmes et aux hommes ou à des groupes spécifiques de femmes, et de promouvoir les valeurs de l’égalité des genres et de la non-discrimination[14].

En tant qu’État partie à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la France a en outre l’obligation, par exemple, de « [s’engager] à ne se livrer à aucun acte ou pratique de discrimination raciale contre des personnes, groupes de personnes ou institutions et à faire en sorte que toutes les autorités publiques et institutions publiques, nationales et locales, se conforment à cette obligation », « à ne pas encourager, défendre ou appuyer la discrimination raciale pratiquée par une personne ou une organisation quelconque » et à « prendre des mesures efficaces pour revoir les politiques gouvernementales nationales et locales et pour modifier, abroger ou annuler toute loi et toute disposition réglementaire ayant pour effet de créer la discrimination raciale ou de la perpétuer là où elle existe[15] ».

Aux termes du droit international, la neutralité de l’État et la laïcité ne sont pas des motifs légitimes d’imposition de restrictions des droits à la liberté d’expression et à la liberté de religion ou de conviction, y compris sous la forme d’interdictions générales des symboles religieux et culturels. Toute restriction doit être justifiée par des faits qui peuvent être démontrés, et non par des présomptions, des hypothèses ou des préjugés[16].

Par ailleurs, dans son rapport de 2021 intitulé Combattre l’islamophobie et la haine antimusulmane pour éliminer la discrimination et l’intolérance fondées sur la religion ou la conviction, le rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction a souligné la nature intersectionnelle des discriminations et de l’hostilité subies par les femmes musulmanes, qui « sont parfois triplement pénalisées, en tant que femmes, membres d’une communauté ethnique minoritaire et musulmanes[17]. » Les interdictions de porter des vêtements religieux sont discriminatoires et compromettent les efforts visant à rendre les sports féminins plus inclusifs. Non seulement elles empêchent les joueuses musulmanes qui portent un couvre-chef sportif de participer à des compétitions, mais elles ont par ailleurs un « effet paralysant » selon lequel les femmes et les filles musulmanes qui souhaitent faire du sport, notamment celles qui appartiennent à des groupes marginalisés, reçoivent un signal clair qu’elles ne peuvent pas le faire en toute liberté. 

Toute interprétation de la règle 4.4.2 du règlement de la Fédération française de basketball aboutissant à l’interdiction pour les joueuses portant un couvre-chef sportif de participer à des matchs et des compétitions, ainsi que l’article 9.3 de la dernière version des Règlements sportifs généraux, ont un impact négatif manifeste sur la capacité des joueuses musulmanes à exercer plusieurs de leurs droits fondamentaux, du droit à l’égalité, à la vie privée et familiale, à l’autonomie corporelle, au droit de pratiquer une religion et d’exprimer son identité, en passant par les droits à l’accès aux espaces publics, à la participation aux activités sportives et de loisirs, à l’éducation, à l’emploi et à d’autres aspects de la vie publique. 

ÉVOLUTIONS NÉGATIVES RÉCENTES AFFECTANT LES FEMMES ET FILLES MUSULMANES, DANS LE CONTEXTE DU RACISME ANTI-MUSULMAN ET DES EFFETS DIFFÉRENCIÉS DE L’ISLAMOPHOBIE EN FONCTION DU GENRE EN FRANCE

Ces 20 dernières années, les autorités françaises n’ont cessé de légiférer et de réglementer de manière préjudiciable les vêtements des femmes et des jeunes filles musulmanes, encouragées en cela par les préjugés dont ces dernières font l’objet, consacrant ainsi la discrimination fondée sur le genre à l’égard des femmes et des jeunes filles musulmanes et de celles qui sont perçues comme étant musulmanes[18]. En 2004, notamment, la France a adopté la loi « encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics », ce qui, ainsi qu’Amnesty International l’a souligné, constitue une discrimination fondée sur la race, la religion et le genre à l’égard des jeunes filles musulmanes et de celles qui sont perçues comme telles, dans l’exercice de leurs droits à la liberté d’expression, de religion ou de conviction et dans l’accès à l’éducation[19].

Ces dernières années et ces derniers mois, Amnesty International a observé une augmentation du nombre de lois, de politiques, de pratiques et de discours discriminatoires par les autorités françaises affirmant mettre en œuvre certains aspects de la loi de 2004. Par exemple, le 24 septembre 2023, la ministre française des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, Amélie Oudéa-Castéra, a annoncé sur la chaîne France 3 que lors des Jeux olympiques et paralympiques qui s’ouvriront en juin 2024 à Paris, « [l]es représentantes de nos délégations dans nos équipes de France, ne porteront pas le voile[20] ». Cette annonce a été vivement critiquée par les Nations Unies, qui ont souligné que « les restrictions à l’expression des religions ou des convictions, telles que les choix vestimentaires, ne sont acceptables que dans des circonstances vraiment spécifiques […] en réponse à des préoccupations légitimes de sécurité publique, d’ordre public, de santé publique ou de mœurs, et si elles sont nécessaires et proportionnées[21] ». 

Le 31 août 2023, juste avant la rentrée scolaire en France, à la fin des vacances d’été, le Bulletin officiel du ministère français de l’Éducation nationale a publié des orientations adressées aux directeurs et directrices d’école et aux inspecteurs et inspectrices académiques, introduisant l’interdiction du port de l’abaya et du qamis[22]. Ces lignes directrices prévoyaient également que, dans les cas où les élèves ne respectent pas cette interdiction, le personnel scolaire doit ouvrir un dialogue avec l’élève et sa famille. En cas d’échec du dialogue, des procédures disciplinaires doivent être systématiquement initiées par les chef·fe·s d’établissement (sachant que, selon le code français de l’éducation, les procédures disciplinaires peuvent conduire à ce que l’enfant soit exclu de l’établissement[23]).

Plus tôt cette année, le Conseil d’État, plus haute juridiction administrative française, a estimé que la Fédération française de football (FFF) ne doit pas modifier sa règle discriminatoire interdisant dans les faits aux joueuses musulmanes qui portent un couvre-chef sportif de participer à des matchs de compétition. Du point de vue d’Amnesty International, cette décision n’est pas conforme au droit international en matière de droits humains et aux normes associées, elle est préjudiciable aux joueuses musulmanes et elle consacre le racisme et les discriminations fondées sur le genre dans le football français[24]. Cette confirmation de l’interdiction du couvre-chef sportif, dans le but de permettre « le bon déroulement des matchs et prévenir tout affrontement ou confrontation » ne prend pas en compte le fait que les « affrontements et confrontations » potentiels que redoute la FFF seraient très probablement causés par des individus et des groupes motivés par le racisme anti-musulman, et sanctionne dans les faits, sous couvert de prévention, les personnes qui seraient les victimes de cette violence potentielle. Depuis longtemps, le voile et autres effets vestimentaires musulmans couvrant le visage sont instrumentalisés et stéréotypés afin de diaboliser les femmes musulmanes et de fusionner les différentes significations qu’ils peuvent avoir pour celles qui les portent ou aimeraient les porter, mais craignent de le faire ou sont empêchées par la loi de le faire en public. La dernière décision en date du Conseil d’État fournit un nouvel exemple du renforcement par les institutions françaises des stéréotypes et des clichés négatifs relatifs aux populations musulmanes et aux rôles genrés, et ne satisfait que les détenteurs d’opinions racistes, anti-musulman·e·s et islamophobes sur ce que les musulmanes peuvent porter ou pas. 

Dans ce contexte, Amnesty International estime qu’il est essentiel que la FFBB et d’autres instances en France s’abstiennent d’invoquer la décision du Conseil d’État du 29 juin afin d’introduire des règles bafouant davantage les droits fondamentaux des joueuses musulmanes et/ou pour interpréter les règles existantes d’une manière qui nuise à leurs droits fondamentaux et à leur pleine et égale participation au sport en France. 

CONSULTATION ET PARTICIPATION VÉRITABLES DES JOUEUSES MUSULMANES DANS LE CADRE DES DÉCISIONS QUI LES CONCERNENT

Un groupe de basketteuses musulmanes et les personnes qui les soutiennent ont fait savoir à Amnesty International qu’elles se sont systématiquement heurtées à des obstacles lors des assemblées générales régionales auxquelles elles ont participé, lorsqu’elles ont tenté d’aborder la question de l’impact sur leurs droits fondamentaux des pratiques et politiques préjudiciables de la FFBB, et de sensibiliser au fait que l’interdiction du port du couvre-chef sportif pour ces joueuses constitue une violation des droits humains[25]

Amnesty International souhaite insister sur le fait que les joueuses musulmanes et leurs supportrices ont le droit, comme toute autre personne, de participer à la vie publique, en vertu de plusieurs normes et instruments internationaux relatifs aux droits humains que la France est tenue de respecter, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques[26].

Amnesty International demande à la FFBB et aux autorités françaises concernées de veiller à ce que les joueuses et les athlètes musulmanes, en particulier celles qui portent un couvre-chef religieux, soient consultées et participent de manière significative dans le cadre des discussions sur les règlements, ainsi que sur les autres lois ou cadres réglementaires pertinents concernant ces joueuses, en particulier les femmes musulmanes appartenant à des groupes marginalisés ou victimes de discriminations fondées, par exemple, sur le handicap, la race, l’appartenance ethnique, la situation socio-économique ou leur éventuel statut de migrante. 

RECOMMANDATIONS D’AMNESTY INTERNATIONAL

Amnesty International demande à la FFBB et au ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques de respecter leurs obligations internationales en matière de droits humains en leur qualité d’institutions étatiques françaises, en supprimant les règles préjudiciables telles que la « Note » accompagnant la règle 4.4.2 des règlements de la Fédération française de basketball et le nouvel article 9.3 des Règlements sportifs généraux. Amnesty International demande en revanche à la FFBB et aux autorités françaises de s’abstenir d’introduire des règles discriminatoires à l’égard des joueuses musulmanes portant un couvre-chef sportif, et de profiter de l’Assemblée générale de la FFBB pour clarifier auprès des clubs, des joueuses et de tous les acteurs concernés que — conformément aux règles de la FIBA — le port d’un couvre-chef sportif par les joueuses n’est pas interdit et n’enfreint pas la règle 4.4.2. Amnesty International demande également à la FFBB et à la ministre d’engager un dialogue constructif avec les personnes directement concernées par ces règles, lois, politiques et pratiques, à savoir les femmes et les jeunes filles musulmanes qui portent le hijab ou qui souhaitent le faire. Amnesty International demande instamment à la FFBB et à la ministre d’écouter ces joueuses, de prendre en considération leurs préoccupations quant aux décisions qui les concernent, et de veiller à ce qu’elles participent véritablement à toute discussion sur ces règles et propositions. Nous demandons également aux autorités françaises de s’abstenir de faire de la discrimination à l’égard des athlètes musulmanes dans la pratique du sport, notamment lors des prochains Jeux olympiques et paralympiques, et de mettre fin aux discours stéréotypés néfastes qui consacrent et légitiment l’islamophobie.

Le 9 octobre 2023, Amnesty International a envoyé des lettres au président de la FFBB, Jean-Pierre Siutat, et à la ministre des Sports, des Jeux olympiques et paralympiques, Amélie Oudéa-Castéra, pour leur faire part de ses préoccupations concernant les atteintes aux droits fondamentaux de sportives musulmanes, avant l’Assemblée générale annuelle de la FFBB.

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[1] « Les joueurs ne peuvent pas porter d’équipements (objets) susceptibles de blesser les autres joueurs. Ne sont pas permis : Les protections, casques, armatures ou moulures pour doigt, main, poignet, coude ou avant-bras, faites de cuir, plastique, plastique souple, métal ou toute autre substance dure, même recouverte d’un capitonnage mou, Les objets qui peuvent couper ou écorcher (les ongles doivent être coupés courts), Les accessoires de cheveux et les bijoux. Sont autorisés : Les protections pour épaule, bras, cuisse ou jambe à condition qu’elles soient suffisamment capitonnées. Des textiles de compression de bras ou jambe. Les couvre-chefs. Ces accessoires ne peuvent couvrir — même partiellement — aucune partie du visage (ni les yeux, ni le nez, ni les lèvres, …) et ne peuvent pas être dangereux ni pour le joueur/la joueuse qui le porte, ni pour les autres joueurs/joueuses de l’équipe. Ils ne peuvent comporter aucun système d’ouverture/fermeture autour du visage ou du cou. Aucun élément ne peut dépasser de sa surface. Les genouillères, Les protections pour nez cassé même si elles sont faites d’un matériau dur, Les protections de dents incolores et transparentes, Les lunettes si elles ne présentent aucun danger pour les autres joueurs, Les bandeaux de poignet ou de tête d’une largeur maximum de 10 cm. Les bandages pour les bras, épaules, jambes, etc. Les chevillères. Tous les joueurs de l’équipe doivent avoir tous leurs textiles de compression de bras et jambe, bandeau de tête ou de poignet et bandages de la même couleur unie. »  FFBB, Règlement officiel de basketball, 25 mars 2022, www.ffbb.com/sites/default/files/otm_regelement_jeu/1a._reglement_officiel_du_basketball_2022_-_version_francaise_-_bvr_-2023-01-12.pdf, Règle 4.4.2.

[2] FFBB, Règlement officiel de basketball.

[3] Publication de Diaba Konate, 5 juin 2022 : www.instagram.com/p/CebwDxMr8zq/ ; Le Parisien, « Je me suis sentie humiliée » : basketteuse depuis 10 ans, Salimata a été exclue du terrain à cause de son voile, 26 janvier 2023, www.leparisien.fr/sports/video-cest-une-injustice-basketteuse-depuis-10-ans-salimata-a-ete-exclue-du-terrain-a-cause-de-son-voile-26-01-2023-DAXR7DRWHFCH5DXJJ2CTTMKNYY.php.>

[4] Règlements sportifs généraux, article 9.3, décembre 2022, www.ffbb.com/sites/default/files/reglements_sportifs_generaux_vdef_23.pdf.

Pétition « Non à l’article 9.3 — oui au basket pour toutes », 4 octobre 2023,

Change.org/BasketPourToutes

[5] Réseau européen contre le racisme (ENAR), Forgotten Women: The impact of Islamophobia on Muslim women, 2016, www.enar-eu.org/wpcontent/uploads/forgottenwomenpublication_lr_final_with_latest_corrections.pdf, p. 4. Voir aussi Conseil de l’Europe, APCE, Sensibilisation et lutte contre l’islamophobie, ou le racisme antimusulman, en Europe, 2022, https://pace.coe.int/pdf/e24f5a06b24ea51addcb09d5cc0759305514f98f85af4901d455d63ab596d279/doc.2015616.pdf

[6] Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, Deuxième enquête de l’Union européenne sur les minorités et la discrimination — Les musulmans — Sélection de résultats, 2017, http://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/fra-2017-eu-minorities-survey-muslims-selected-findings_fr.pdf

[7] Amnesty International et Open Societies Foundation, A human rights guide for researching racial and religious discrimination in counter-terrorism in Europe (EUR 01/3606/2021), février 2021, www.amnesty.org/fr/documents/eur01/3606/2021/en/ ; Amnesty International, Regional Overview of Islamophobia in Europe. Prepared by Amnesty International for the Parliamentary Assembly of the Council of Europe Committee on Equality and Non-Discrimination Report, Raising Awareness of and Combatting Islamophobia in Europe, (EUR 01/5659/2022), juin 2022, www.amnesty.eu/wp-content/uploads/2022/09/PACE-submission-Islamophobia-1-June-2022.pdf

[8] Voir, par exemple : Conseil de l’Europe, Résolution 2457 (2022) de l’Assemblée parlementaire, Sensibiliser à et lutter contre l’islamophobie, ou racisme antimusulman, en Europe, para. 1, https://pace.coe.int/fr/files/31338/pdf ; HCDH, A Working Definition of Islamophobia, Briefing Paper prepared For the Special Rapporteur on freedom of religion or belief Preparation for the report to the 46th Session of Human Rights Council November 2020, www.ohchr.org/sites/default/files/Documents/Issues/Religion/Islamophobia-AntiMuslim/Civil%20Society%20or%20Individuals/ProfAwan-2.pdf.>

[9] Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique (directive relative à l’égalité raciale), Article 2.2 (b).

 [10] Al Jazeera, FIBA allows hijab in professional basketball, 4 mai 2017, www.aljazeera.com/sports/2017/5/4/fiba-allows-hijab-in-professional-basketball#:~:text=Basketball%20governing%20body%20FIBA%20ratifies,on%20head%20coverings%20including%20hijab.&text=Headgear%2C%20including%20the%20hijab%20and,ban%20on%20such%20head%20coverings ; Fédération internationale de basketball, 2022 Official Basketball Rules, 1er juillet 2023, www.fiba.basketball/documents/official-basketball-rules/current.pdf, Règle 4.4.2.  

[11] Charte éthique du basketball ; 2018-06-01_cd_annexe_14_-_6-daji_charte_ethique_ffbb_-_lnb_v3.pdf.>

[12] Les États sont liés par l’Article 27 du PIDCP, qui dispose que les personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques « ne peuvent être privées du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d’employer leur propre langue. » Dans deux affaires datant de juillet 2018 sur l’interdiction du port du niqab dans l’espace public, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a estimé que la France avait bafoué les droits des personnes concernées, en vertu des articles 18 et 26 du PIDCP — Yaker c. France, Communication du Comité des droits de l’homme des Nations unies n° 2747/2016, Doc. ONU CCPR/C/123/D/2807/2016 (2018) ; Hebbadj c. France, Communication du Comité des droits de l’homme des Nations Unies n° CCPR/C/123/D/2807/2016 (2018). En mars 2022, le Comité a estimé que la France avait porté atteinte aux droits d’une femme musulmane portant le voile en l’empêchant d’accéder à une formation professionnelle — Mezhoud c. France, Communication du Comité des droits de l’homme des Nations unies CCPR/C/123/D/2807/2016 (2022). Voir aussi, Pacte international des Nations unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 16 décembre 1966, Nations unies, Recueil des traités, vol. 993 ; Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies, Observation générale n° 18 : Le droit au travail (article 6 du Pacte), 6 février 2006, E/C.12/GC/18.

[13] Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), 18 décembre 1979, Article 5 : Recommandation générale n° 35 sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n° 19, Doc. ONU CEDAW/C/CG/35, 2017, para 30(d)(i) ; Comité CEDAW, Recommandation générale n° 35 sur la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n° 19, Doc. ONU CEDAW/C/CG/35, 2017, para 30(d)(i).

[14] Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CIEDR), 21 décembre 1965, Article 2.1.

[15] Dans l’affaire Leyla Sahin c. Turquie examinée par la Cour européenne des droits de l’homme, la juge Tulkens a fait valoir dans son opinion dissidente : « Seuls des faits qui ne peuvent être contestés et des raisons dont la légitimité ne fait pas de doute — et non pas des inquiétudes ou des craintes — peuvent […] justifier une atteinte à un droit garanti par la Convention [européenne] ». (Leyla Şahin c. Turquie, requête n° 44774/98).

[16] Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, Combattre l’islamophobie et la haine antimusulmane pour éliminer la discrimination et l’intolérance fondées sur la religion ou la conviction (Doc. ONU A/HRC/46/30), 13 avril 2021 ; HCDH, UN expert says anti-Muslim hatred rises to epidemic proportions, urges States to act, 4 mars 2021.

[17] Les lois, règlements et décisions de justice suivants ont tous limité la capacité pour les femmes musulmanes de se vêtir comme elles le souhaitent. La liste ci-après ne tient pas compte des diverses autres tentatives de restriction des droits des femmes musulmanes, qui n’ont pas dépassé le stade des débats parlementaires ou des tribunaux :

[19] Loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, 2004, qui a mené à l’interdiction du port du voile dans les écoles publiques, www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000417977 ; Loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, 2010, qui a mené à l’interdiction dans les espaces publics du port de tenues dissimulant le visage, www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000022911670/ ; Modification de l’article L 1321-2-1 du Code du travail par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, 2016, prévoyant la possibilité pour les employeurs d’imposer a « neutralité religieuse » au travail, www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000032983501 ; Statuts de la Fédération française de football, Article 1, 2016, interdisant le hijab lors des compétitions media.fff.fr/uploads/document/949250c4a16ced399ff49fea88140be0.pdf ; Confirmé par la décision du Conseil d’État n° 458088-459547-463408, 28 juin 2023, www.conseil-etat.fr/actualites/interdiction-par-la-fff-du-port-pendant-les-matchs-de-tout-signe-ou-tenue-manifestant-ostensiblement-une-appartenance-politique-philosophique-r ; Décision de la Cour de cassation, Pourvoi n° 20-20.185, 2 mars 2022, disposant que le Conseil national des barreaux peut interdire le port, avec la robe d’avocat, de tout signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique, après de vifs débats sur la possibilité pour les avocates musulmanes de porter le hijab au tribunal, www.courdecassation.fr/decision/621f1707459bcb7900c39e7d?search_api_fulltext=20-20.185&op=Rechercher+sur+judilibre&date_du=&date_au=&judilibre_juridiction=all&previousdecisionpage=&previousdecisionindex=&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=1;>

[18] Loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, 2004, www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000417977 ; Amnesty International, déclaration publique, France : Les autorités doivent abroger l’interdiction discriminatoire du port de l’abaya dans les écoles publiques, 3 octobre 2023, www.amnesty.org/fr/documents/eur21/7280/2023/fr/.>

[20]« UN criticises France’s ban on its Olympic athletes wearing headscarves », The Guardian, 27 septembre 2023, www.theguardian.com/world/2023/sep/27/un-criticises-frances-ban-on-olympic-athletes-wearing-headscarves.

[21] « UN rights agency slams France's decision to bar its 2024 Olympic athletes from wearing headscarf », France 24, 27 septembre 2023, www.france24.com/en/france/20230927-un-slams-france-s-decision-to-ban-its-olympic-team-from-wearing-muslim-hijab. m>

[22] Bulletin officiel de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports n°32, 31 août 2023 https://www.education.gouv.fr/bo/2023/Hebdo32/MENG2323654N

[23] France, Code de l’éducation, 2019, article R511-13, www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039016602.>

[24]Amnesty International, France. Le Conseil d’État maintient une règle discriminatoire excluant des compétitions les joueuses de football musulmanes portant un foulard, 29 juin 2023, www.amnesty.org/fr/latest/press-release/2023/06/france-court-maintains-discriminatory-rule-excluding-muslim-women-footballers-who-wear-headscarves-from-competitions/. m>

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