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© Salim Dawood/AFP/Getty Images
Zambie
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Zambie en 2024.
Des membres de partis politiques de l’opposition et des détracteurs du gouvernement ont été arrêtés, et leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique ont été sévèrement restreints. Les enfants ont été plus nombreux à bénéficier d’un enseignement gratuit, mais la surcharge des salles de classe nuisait aux conditions d’enseignement. La sécheresse a aggravé l’insécurité alimentaire, et le président a déclaré l’état d’urgence national. Un organisme national de défense des droits humains s’est dit préoccupé par des signalements de torture et autres mauvais traitements imputables à la police. Les droits des personnes LGBTI étaient de plus en plus menacés. L’accès des personnes atteintes d’albinisme aux protections solaires nécessaires pour prévenir le cancer de la peau était insuffisant. Selon certaines sources, les pénuries alimentaires et les difficultés financières ont entraîné une hausse des cas de maltraitance infantile et de violence fondée sur le genre.
LIBERTÉ D’EXPRESSION, D’ASSOCIATION ET DE RÉUNION
Des membres de partis politiques de l’opposition et des détracteurs du gouvernement ont été arrêtés pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.
Le 25 mai, le député indépendant Emmanuel Banda a été enlevé à Lusaka, la capitale, par des hommes non identifiés. Il a été retrouvé le lendemain dans une ferme, à environ 43 kilomètres de Lusaka, et hospitalisé en raison des actes de torture qui lui auraient été infligés pendant son enlèvement. Cinq personnes, dont deux parlementaires de l’opposition, qui avaient affirmé sur les réseaux sociaux que le gouvernement était impliqué dans cet enlèvement ont été arrêtées et inculpées d’« espionnage » et de « diffusion de discours de haine ».
En juillet, O’Brien Kaaba, maître de conférences et ancien membre de la Commission de lutte contre la corruption (ACC), a été poursuivi en justice pour diffamation par le substitut du procureur général (Solicitor-General) et un ancien président de l’ACC après avoir rédigé un article de journal dans lequel il faisait état de corruption au sein de cette Commission.
Le 8 août, Fred M’membe, président du Parti socialiste (opposition), a été arrêté et inculpé de « pratiques séditieuses » pour avoir publié sur sa page Facebook un article dénonçant des faits présumés de corruption au sein du gouvernement. Il a été libéré sous caution le 12 août.
Le journaliste d’investigation Thomas Zgambo a été arrêté en octobre après avoir publié un article jugé critique envers des représentants du gouvernement. Il a été inculpé de diffamation cinq jours plus tard.
La police a restreint les rassemblements politiques de l’opposition et dispersé d’autres manifestations.
En juin, des forces de l’ordre lourdement armées ont interrompu un meeting du Parti socialiste à Kitwe, dans la province de Copperbelt, alors que celui-ci avait été initialement autorisé par la police.
Le même mois, la police n’a pas réagi lorsqu’un petit groupe de membres du Parti uni pour le développement national (parti au pouvoir) a brandi des armes et menacé de violences les personnes qui participaient à un rassemblement organisé par le parti d’opposition Nouvel héritage. Toujours en juin, le président, Hakainde Hichilema, a publiquement condamné les violences politiques commises par celles et ceux qui affirmaient le soutenir ou soutenir son parti, en déclarant qu’il ne laisserait personne se cacher derrière un parti politique, une église ou la société civile : « Si vous enfreignez la loi, la police vous emmènera », a-t-il averti.
En juillet, quatre hommes ont été arrêtés à Lusaka pour avoir planifié une manifestation contre les coupures d’électricité prévues par la Zambia Electricity Supply Corporation, le fournisseur national d’électricité. Ils ont été inculpés d’« oisiveté et trouble à l’ordre public ».
ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES
En mai, Raphael Nakacinda, secrétaire général du Front patriotique, un parti d’opposition, a été condamné à 18 mois d’emprisonnement pour « diffamation envers le président », en vertu d’une loi pourtant abrogée en 2021.
DROIT À L'ÉDUCATION
Le programme gouvernemental d’enseignement primaire et secondaire gratuit, lancé en 2021, a entraîné une hausse des inscriptions scolaires durant l’année. Cependant, le manque d’infrastructures pour supporter cette hausse a engendré une surcharge des salles de classe et une pénurie d’enseignant·e·s, de pupitres et de manuels. Le gouvernement a réagi en augmentant le budget de l’éducation, qui est passé de 13,9 % à 15,4 % du budget national, et en annonçant un plan de recrutement de 5 400 enseignant·e·s supplémentaires.
DROIT À L'ALIMENTATION
En février, Hakainde Hichilema a déclaré l’état d’urgence national en raison de la grave sécheresse causée par le phénomène climatique El Niño, qui a touché 9,4 millions de personnes dans 84 des 116 districts du pays. La sécheresse a détruit environ un million d’hectares de maïs. Le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire a estimé que 5,8 millions de personnes risquaient de souffrir davantage de la faim entre octobre 2024 et mars 2025. Le gouvernement a augmenté la part du budget national de 2025 consacrée à la protection sociale, qui est passée à 73 milliards de kwachas zambiens (plus de 2,6 millions de dollars des États-Unis), afin de répondre aux besoins urgents des populations affectées par la sécheresse. En mars, le rapport conjoint d’évaluation rapide du Cluster Sécurité alimentaire a révélé que les foyers ayant une femme à leur tête étaient plus susceptibles d’avoir un mauvais résultat en matière de consommation, c’est-à-dire une alimentation moins diversifiée, que les foyers ayant un homme à leur tête.
En août, le HCR a indiqué que la sécheresse avait considérablement réduit la quantité de nourriture disponible pour les populations les plus à risque.
TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
La Commission zambienne des droits humains (ZHRC) s’est dite préoccupée par des signalements de torture et autres mauvais traitements imputables à la police. En février, un mineur délinquant présumé a été menotté et soumis à la pratique de la kampelwa (suspension d’une personne à une barre de fer la tête en bas) pendant que des fonctionnaires l’interrogeaient pour lui extorquer des « aveux » et identifier ou localiser d’autres personnes soupçonnées d’avoir un lien avec l’infraction supposée.
En avril, la ZHRC a réclamé une enquête sur des violences décrites dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, où une femme déclarait souffrir de lésions à la colonne vertébrale après avoir été battue par des policiers dans le district de Mpongwe. Cette femme affirmait avoir été attaquée après avoir contesté l’acquittement d’un policier accusé d’agression sexuelle sur sa fille de 14 ans.
DISCRIMINATION
Personnes LGBTI
Les droits des personnes LGBTI étaient de plus en plus menacés face à l’intolérance grandissante du gouvernement et de groupes religieux. En mai, l’Union zambienne pour les libertés civiles a déposé une demande auprès de la Cour constitutionnelle afin qu’elle déclare anticonstitutionnel l’article 155(a)(c) du Code pénal, qui condamnait les actes sexuels « contre-nature ». En août, plusieurs personnalités religieuses se sont opposées à cette demande et ont déclaré que « l’homosexualité » n’avait pas sa place en Zambie. Le président, Hakainde Hichilema, a réaffirmé son opinion sur les relations sexuelles entre personnes de même sexe dans un discours prononcé dans une église de Lusaka, en déclarant que « le pays restera[it] […] chrétien ».
Malgré les appels lancés au gouvernement pour faire libérer un homme gay condamné à 14 ans de travaux forcés pour « sodomie » en 2021, celui-ci est resté en prison, sans accès à des soins de santé.
Personnes atteintes d’albinisme
Des craintes ont subsisté quant au manque d’accès des personnes atteintes d’albinisme aux protections solaires nécessaires pour prévenir le risque de cancer de la peau, auquel elles étaient particulièrement exposées. La Zambie ne recensait toujours pas officiellement le nombre de personnes atteintes d’albinisme et souffrant d’un cancer de la peau, mais l’ONG Albinism Multipurpose Organisation a enregistré 16 cas depuis 2018, dont 11 avaient abouti à un décès.
VIOLENCES FONDÉES SUR LE GENRE
En juillet, les services de police zambiens ont déclaré avoir enregistré 9 318 cas de violences fondées sur le genre à l’échelle nationale pendant le deuxième trimestre de 2024 (dont 36 féminicides), contre 9 988 faits similaires pour la même période en 2023. Cependant, plusieurs travailleuses et travailleurs sociaux ont signalé que les pénuries alimentaires et les difficultés financières rencontrées par les ménages avaient entraîné une hausse de ces violences et des cas de maltraitance infantile.