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© MIGUEL ROJO/AFP/Getty Images
Uruguay
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Uruguay en 2024.
Les restrictions de la liberté d’expression et de l’accès aux informations publiques ont persisté, suscitant des craintes quant à la transparence de l’État. Du fait de la surpopulation carcérale extrême, les conditions de détention étaient souvent inhumaines et le nombre de morts en prison était élevé. Des militaires ont été poursuivis pour des infractions constitutives de crimes contre l’humanité commises sous le régime militaro-civil en place de 1973 à 1985, mais les enquêtes concernant les disparitions forcées pendant cette période n’ont pas avancé. L’Uruguay restait un pays hostile pour les femmes et les filles, comme en témoignait le nombre élevé de féminicides et de plaintes pour violences à l’égard des femmes. Les services de santé mentale étaient insuffisants, tout comme certains programmes d’aide sociale. Les grossesses adolescentes restaient une source d’inquiétude. L’installation confirmée d’un centre de données laissait craindre des conséquences nocives sur l’environnement.
CONTEXTE
Le système de garantie des droits a continué de s’affaiblir. Le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ont publiquement mis en cause le Bureau du procureur général, ce qui a conduit l’Association des magistrats du parquet à saisir la Commission interaméricaine des droits de l’homme.
LIBERTÉ D'EXPRESSION
Un rapport du Centre d’archives et d’accès à l’information publique a recensé 59 cas de menaces à l’égard de journalistes en Uruguay et de restrictions de leur liberté d’expression entre avril 2023 et mars 2024.
Des modifications apportées à la loi sur la presse favorisaient la concentration du secteur médiatique, ce qui mettait en danger la diversité, la pluralité des médias et la transparence du gouvernement.
CONDITIONS DE DÉTENTION INHUMAINES
La surpopulation a persisté au sein du système pénitentiaire en 2024. Selon des informations communiquées par le Bureau du commissaire parlementaire aux affaires pénitentiaires, la population carcérale augmentait de façon régulière et atteignait en novembre 16 266 personnes écrouées (14 923 hommes et 1 343 femmes). On dénombrait en outre 70 enfants de moins de quatre ans détenus avec leur mère.
En 2024, 54 personnes sont mortes en détention, dont 33 de mort violente et 18 de causes naturelles. Trois décès faisaient encore l’objet d’une enquête. Des organisations de la société civile ont exprimé leurs inquiétudes quant à l’insalubrité et à la détérioration des conditions de détention, y la surpopulation carcérale, qui avaient des conséquences négatives sur le droit à la santé des personnes privées de liberté.
IMPUNITÉ
Cinq condamnations de membres de l’armée et de la police, en exercice ou retraités, pour actes de torture, enlèvements ou homicides constitutifs de crimes contre l’humanité commis sous le régime militaro-civil des années 1970 et 1980 ont été prononcées en 2024. Cinq condamnations antérieures pour des faits de ce type ont par ailleurs été confirmées et cinq nouvelles mises en accusation prononcées. Cependant, aucun progrès réel n’a été réalisé en vue de faire la lumière sur le sort des personnes victimes de disparition forcée sous ce régime.
Les corps d’Amelia Sanjurjo et de Luis Eduardo Arigón, militant·e·s politiques enlevés et soumis à une disparition sous le régime militaire, ont été identifiés en mai et en septembre respectivement.
VIOLENCES FONDÉES SUR LE GENRE
Les chiffres du ministère de l’Intérieur pour la période allant de janvier à octobre ont fait état de 19 féminicides et de 35 293 plaintes pour des violences à l’égard des femmes. Ce niveau préoccupant de violence fondée sur le genre pourrait être dû au fait que l’État n’appliquait pas pleinement la Loi no 19 580 relative à la violence contre les femmes fondée sur le genre et n’allouait pas les fonds suffisants pour créer des tribunaux polyvalents capables d’examiner toutes les affaires liées à ce type de violence.
DROIT À L'INFORMATION
Quinze ans après l’adoption de la Loi no 18 381 relative au droit d’accès aux informations publiques, celui-ci était toujours insuffisant. Les institutions publiques, visées par la loi, n’appliquaient pas les mesures de transparence et d’accès aux informations publiques.
Le Centre d’archives et d’accès à l’information publique a recensé 18 cas de restrictions d’accès aux informations publiques, un chiffre qui restait élevé.
DROIT À LA SANTÉ
L’accès aux services de santé mentale restait insuffisant et aucune donnée officielle n’existait concernant le taux de suicide. Selon l’Organisation panaméricaine de la santé, 16 personnes en moyenne mouraient chaque semaine en Uruguay des suites d’un suicide, ce qui plaçait le pays à l’un des niveaux les plus hauts d’Amérique latine.
DROIT À L'AIDE SOCIALE
Neuf ans après sa création par la Loi no 19 353, le Système national de prise en charge intégrée ne fonctionnait pas de manière efficace et ne fournissait toujours pas à sa population cible (enfants de moins de trois ans, personnes en situation de handicap et autres adultes en situation de dépendance) les services de soins prévus par la loi. Cette situation constituait une violation du droit des personnes d’accéder à ces services d’aide et entraînait des conséquences touchant de manière disproportionnée les femmes. Du fait de préjugés sexistes profondément ancrés, c’était en effet à ces dernières qu’incombaient la majeure partie des travaux non rémunérés d’aide à la personne.
Le réseau uruguayen Pro-Aide a plaidé en faveur du rétablissement du Secrétariat national des soins et du handicap, pour coordonner le Système national de prise en charge intégrée et faire en sorte qu’il remplisse sa mission. Il a également insisté sur la nécessité de disposer de ressources stables et suffisantes et d’un modèle de solidarité pour le système de cofinancement.
DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS
Bien que des progrès aient été observés concernant les droits sexuels et reproductifs, des obstacles continuaient d’entraver la prévention des grossesses adolescentes, et la politique du gouvernement dans ce domaine restait inadaptée. Selon des informations émanant du système de notification des grossesses de l’Administration des services de santé de l’État, 190 filles de moins de 15 ans ont été en situation de grossesse entre mai 2021 et avril 2024 ; 22 d’entre elles ont avorté. Dans 39 % de ces cas, la grossesse était le résultat de violences sexuelles ; dans 22 % des cas, de telles violences ne pouvaient être écartées.
Des violations des droits des enfants et des adolescent·e·s placés en institution dans le cadre du dispositif de protection de l’enfance ont été mises au jour dans le contexte de la mort d’une adolescente victime d’exploitation sexuelle alors qu’elle était prise en charge par les services de l’État.
DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN
L’installation du centre de données d’une entreprise multinationale en Uruguay a été confirmée, ce qui suscitait des craintes quant aux conséquences sur les droits humains et l’environnement, ainsi qu’au sujet des exemptions fiscales qui pourraient lui être accordées. Le ministère de l’Environnement s’est inquiété des dégâts environnementaux que risquait de provoquer le centre de données, notamment s’agissant de la pollution de l’air et de la consommation d’eau. Amnesty International a demandé au ministère de l’Environnement des informations sur les avantages fiscaux accordés à l’entreprise, mais n’avait pas reçu de réponse à la fin de l’année.