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©Noel Kokou Tadegnon/Reuters/Corbis
Togo
Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Togo en 2024.
Les autorités ont brutalement réprimé les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. De nombreuses manifestations contre la réforme de la Constitution ont été interdites sans raison valable. Des journaux ont été suspendus. Des militant·e·s politiques et des membres d’ONG ont été arrêtés arbitrairement. Des mesures ont été prises pour améliorer les services de santé.
CONTEXTE
Le Parlement a adopté le 19 avril une nouvelle Constitution, qui instaurait un système parlementaire en lieu et place du système présidentiel. Certains craignaient que la réforme ait été mise en place pour assurer le maintien au pouvoir du président Gnassingbe, qui accomplissait déjà son quatrième mandat. L’état d’urgence est resté en vigueur dans la région des Savanes, dans le nord du pays, à la frontière avec le Burkina Faso, où des groupes armés ont continué à perpétrer des attaques.
LIBERTÉ D'EXPRESSION ET DROIT À L'INFORMATION
Reporters sans frontières a révélé en janvier que les autorités togolaises avaient utilisé à plusieurs reprises un logiciel espion sur les téléphones portables de deux journalistes qui ont été accusés de diffamation.
Le journaliste Apollinaire Mewenemesse, directeur de la publication de La Dépêche, a été arrêté et placé en détention le 26 mars après avoir publié un article qui soulevait des questions concernant l’assassinat d’un officier de l’armée en 2020. Le 9 avril, un tribunal de Lomé, la capitale, a ordonné sa libération à titre provisoire, avec placement sous contrôle judiciaire et confiscation de son passeport. Apollinaire Mewenemesse a été inculpé de sept chefs, notamment de « conception et publication de nouvelles fausses aux fins de susciter la population ou l’armée à se soulever contre l’État » et d’« atteinte à l’honneur, à la dignité et à la considération du président de la République ».
Invoquant des « problèmes » liés à l’arrivée d’un journaliste français et des « manquements graves » dans la représentation politique du Togo par les médias français, la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) a suspendu, le 15 avril, les accréditations de tous les journalistes étrangers pour la couverture des élections législatives et régionales organisées ce mois-là. Le journaliste concerné a été condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis pour « entrée illégale sur le territoire » et a été expulsé dès le lendemain.
Deux jeunes hommes ont été condamnés en mai à six mois de prison avec sursis pour avoir évoqué sur TikTok leurs inquiétudes quant à la modification de la Constitution.
En mai également, la HAAC a menacé d’interdire la diffusion de Radio France Internationale (RFI), l’accusant de « traitement inéquitable de l’information » et de « diffusion de fausses informations sur le Togo ». La chaîne française d’actualité France 24 a reçu en juin une « dernière mise en demeure » pour les mêmes raisons, après avoir fait état de divers problèmes, notamment une pénurie de personnel, au centre hospitalier universitaire Sylvanus Olympio de Lomé.
En juillet, la HAAC a suspendu pour trois mois l’émission « Auditeur-Actualité » diffusée par Victoire FM, à la suite de déclarations au sujet de la sécurité dans le pays faites sur cette radio par l’avocat et responsable politique François Boko, vice-président de Freedom Togo-Mouvement de libération nationale (Freedom Togo-MLN).
ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES
Neuf membres de la coalition d’opposition Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK) ont été arbitrairement arrêtés en avril pour « trouble aggravé à l’ordre public ». Quatre d’entre eux s’apprêtaient à mener une action de protestation publique contre la réforme de la Constitution. Les cinq autres participaient à une réunion politique chez un militant de DMK. Tous ont été remis en liberté le 9 avril sur décision d’un tribunal de Lomé.
Quatre membres de l’ONG internationale Tournons la page, qui avaient représenté le Togo et le Bénin lors du troisième Sommet citoyen ouest-africain sur la bonne gouvernance, l’alternance et la démocratie, organisé au Ghana, ont été arrêtés à leur retour à Lomé par des hommes en civil prétendant appartenir à la gendarmerie. Ils ont été conduits dans un lieu inconnu avant d’être libérés quelques heures plus tard sans inculpation.
LIBERTÉ DE RÉUNION PACIFIQUE
Le 27 mars, au moins trois conférences de presse et réunions rassemblant des partis politiques et organisations de la société civile qui entendaient évoquer leurs préoccupations quant à la réforme de la Constitution ont été interdites à Lomé et à Tsévié. Les personnes présentes ont été dispersées par les forces de sécurité. Le ministère de l’Administration territoriale a interdit trois manifestations prévues les 11, 12 et 13 avril pour protester contre les réformes. Il a également envoyé une lettre à deux représentants de la coalition DMK leur notifiant l’interdiction d’un sit-in prévu le 25 avril, au motif que la demande d’autorisation n’avait été signée que « par deux personnes au lieu de trois ».
Invoquant des craintes pour l’ordre public, le ministère de l’Administration territoriale a interdit en septembre un rassemblement de soutien aux personnes en détention organisé par la coalition militante baptisée Touche pas à ma Constitution.
Ce même mois de septembre, un groupe d’hommes a fait violemment irruption dans une conférence organisée par la Convention démocratique des peuples africains, un parti d’opposition, à laquelle assistait notamment un membre sénégalais du Parlement de la CEDEAO. Les agresseurs ont notamment jeté des objets sur le public et l’estrade mais, selon des témoins, les forces de sécurité qui étaient sur place ne sont pas intervenues.
DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS
Dans une décision rendue en juillet, la Cour de justice de la CEDEAO a jugé que le Togo devait verser des indemnités aux enseignant·e·s indûment renvoyés ou suspendus en 2022 pour avoir participé à un mouvement de grève.
Droit à la santé
En janvier, une soixantaine de centres de santé récemment rénovés ou construits étaient officiellement opérationnels dans la région des Savanes. Les autorités ont recruté au moins 2 500 professionnel·le·s de la santé. Elles ont également accordé une prime spéciale au personnel paramédical en juin, après la diffusion par France 24 d’un reportage sur les problèmes existant dans le service de santé maternelle du centre hospitalier universitaire de Lomé.