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©Rosmarie Wirz/Getty Images

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Ouzbékistan : tout ce qu'il faut savoir sur les droits humains

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 156 pays analysés. Voici ce qu'il faut savoir sur les droits humains en Ouzbékistan en 2022.

Les forces de sécurité ont usé d’une force illégale pour réprimer des manifestations majoritairement pacifiques en République du Karakalpakistan, et 22 organisateurs et organisatrices présumés de ces événements faisaient l’objet d’un procès inique sur la base d’accusations motivées par des considérations politiques. Des réformes législatives ont favorisé une plus grande participation de la société civile aux débats sur les politiques publiques, même si les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique restaient étroitement contrôlés. Des stéréotypes de genre discriminatoires empêchaient les femmes, les filles et les personnes LGBTI d’avoir accès à la justice et de bénéficier d’une protection contre la violence. Les relations sexuelles librement consenties entre hommes constituaient toujours une infraction pénale.

CONTEXTE

Parmi les propositions de modification de la Constitution présentées en juin s’en trouvait une qui prévoyait de retirer son autonomie à la République du Karakalpakistan. Cette proposition a donné lieu à des manifestations sans précédent dans l’ensemble de ce territoire.

Le 1er juillet, au plus fort du mouvement, plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées pacifiquement dans le centre de la capitale régionale, Noukous. Au moins 21 personnes ont été tuées, dont quatre agents des forces de l’ordre, et des centaines d’autres blessées lorsque les forces de sécurité ont dispersé la manifestation. La proposition de modification constitutionnelle a par la suite été retirée.

Le procès de 22 organisateurs et organisatrices présumés de ces manifestations, visés par des accusations à caractère politique, s’est ouvert le 28 novembre dans la ville de Boukhara, hors du Karakalpakistan.

RECOURS EXCESSIF À LA FORCE

Des recherches publiées en novembre par Human Rights Watch sont venues confirmer les allégations de militant·e·s et de défenseur·e·s des droits humains selon lesquelles les forces de sécurité avaient eu recours à une force excessive et fait « un usage injustifié de la force létale » pour disperser les manifestations très largement pacifiques qui se sont déroulées à Noukous et à d’autres endroits du Karakalpakistan. Les preuves recueillies par l’ONG indiquaient que les forces de l’ordre avaient eu recours à « des armes légères et divers types de grenades […] susceptibles de causer des blessures graves et la mort, lorsqu’elles sont utilisées de manière imprudente ».

Des vidéos authentifiées par des expert·e·s indépendants ont montré des manifestant·e·s présentant de graves blessures, telles que des lacérations cutanées et des plaies béantes, correspondant à des traumatismes causés par des explosifs, notamment des grenades. Des centaines de manifestant·e·s ont également été arrêtés de façon arbitraire ; plusieurs dizaines d’entre eux ont été détenus au secret et soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements.

À la suite d’une demande d’informations formulée par une commission d’enquête parlementaire mise en place en juillet, le procureur général a confirmé, en décembre, qu’une enquête spécifique avait été ouverte concernant les signalements de recours excessif à la force.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Des modifications législatives ont amélioré les modalités de consultation publique sur les réformes sociales, politiques et législatives, ainsi que le dialogue entre le gouvernement et les organisations de la société civile. Des restrictions du droit à la liberté d’expression étaient toutefois toujours en place.

Un projet de code de l’information proposait de réglementer les informations « insultantes » ou « manquant de respect à la société et à l’État ». Les personnes émettant des critiques, notamment les blogueurs et blogueuses, faisaient toujours l’objet de poursuites, d’amendes et de peines d’emprisonnement. Les médias continuaient de pratiquer l’autocensure.

À la suite des grandes manifestations au Karakalpakistan, les autorités ont de fait contrôlé l’accès à l’information et pris pour cible les blogueurs, blogueuses et journalistes de la région qui avaient critiqué les modifications de la Constitution sur leurs plateformes médiatiques ou participé aux manifestations.

Lolagoul Kallykhanova, journaliste indépendante karakalpake, a été arrêtée en juillet dans la capitale, Tachkent, et détenue au secret jusqu’à l’ouverture du procès collectif des organisateurs et organisatrices présumés des manifestations à Boukhara en novembre. Des sympathisant·e·s ont affirmé qu’elle avait été torturée et contrainte à « avouer » avoir planifié un renversement de l’ordre constitutionnel par la force.

Les autorités ont accusé l’avocat et ancien rédacteur en chef Daouletmourat Tajimouratov d’être le chef de file d’un « groupe séparatiste » karakalpak et d’avoir organisé les manifestations avec la complicité de soi-disant agents de l’étranger afin de s’emparer du pouvoir. Des vidéos filmées à Noukous le 1er juillet l’ont pourtant montré exhortant les foules à ne pas recourir à la violence. Après son arrestation le 2 juillet, il a été placé en détention provisoire au secret dans la région du Khorezm, dans le nord- ouest du pays. Il a déclaré au tribunal avoir été torturé en détention.

LIBERTÉ D’ASSOCIATION

En novembre, une coalition d’ONG et de militant·e·s de la société civile a appelé le gouvernement à abroger un décret obligeant les ONG à avoir des « partenaires nationaux » désignés par le gouvernement pour coordonner leurs projets et gérer les subventions étrangères.

Les ONG reprochaient à ce décret, adopté en juin sans consultation publique préalable, d’ajouter des exigences bureaucratiques excessives à un processus de validation des subventions étrangères déjà très lourd.

DISCRIMINATION

Les stéréotypes de genre et l’accent mis sur des valeurs familiales et des normes culturelles traditionnelles discriminatoires entravaient toujours sévèrement toute avancée en matière de droits des femmes, des filles et des personnes LGBTI.

En août, le ministère de l’Intérieur a proposé un projet de loi qui donnerait à la police le pouvoir de mener des tests obligatoires de dépistage des infections sexuellement transmissibles chez les travailleuses et travailleurs du sexe, les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes et les consommateurs et consommatrices de stupéfiants, rassemblés sous le qualificatif de « groupes dangereux ».

Le 11 novembre, un tribunal de Tachkent a condamné la blogueuse Sevintch Sadoullaïeva à cinq jours de détention administrative après qu’elle a publié des vidéos et des photos d’elle supposées transgresser les normes culturelles et sociales de comportement et d’habillement pour les femmes. Elle a été libérée le lendemain après s’être engagée à supprimer les images en question.

VIOLENCES FONDÉES SUR LE GENRE

Les autorités ont reconnu que les violences à l’égard des femmes, notamment les violences conjugales, restaient très courantes, tout en soulignant que l’amélioration de l’accès des femmes à la justice et à des services de protection faisait partie des priorités politiques du gouvernement.

Un décret présidentiel visant à accélérer les travaux sur le « soutien systémique aux familles et aux femmes », censé « protéger les droits et les intérêts légitimes des femmes », donnait en fait la priorité à la médiation et la réconciliation familiales au détriment des poursuites judiciaires dans les affaires de violences liées au genre, ce qui allait à l’encontre d’une recommandation faite en mars à l’Ouzbékistan par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes.

Le même mois, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels [ONU] a recommandé aux autorités d’accélérer l’adoption du projet de loi sur la violence familiale, mais aucun progrès n’avait été réalisé en ce sens à la fin de l’année.

Le ministère de l’Intérieur a indiqué qu’entre le début de l’année et le mois d’octobre, il avait prononcé des ordonnances de protection en faveur de 32 783 femmes et filles soumises à des violences. Des militant·e·s des droits des femmes ont relevé que ce chiffre ne représentait qu’une fraction du nombre réel de cas, car la honte et la peur des représailles empêchaient de nombreuses femmes de signaler ces violences.

DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXES

Une trentaine d’hommes étaient toujours incarcérés pour avoir eu des rapports sexuels librement consentis entre hommes. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a exhorté les autorités à dépénaliser ce type de rapports et restait très préoccupé par le fait que « les cas d’intimidation, de harcèlement, de violence et de stigmatisation ciblant les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes [étaient] répandus ».

En décembre, les autorités ont proposé d’interdire la promotion des « rapports contre-nature entre personnes de même sexe ».

LUTTE CONTRE LA CRISE CLIMATIQUE

L’assèchement spectaculaire de la mer d’Aral avait de graves conséquences environnementales, sociales, économiques et sanitaires pour des millions de personnes. Les autorités ont cherché à atténuer les effets du changement climatique au moyen de projets environnementaux à grande échelle, en soumettant toutefois leur action climatique à des considérations de croissance économique.

En mars, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels s’est dit préoccupé par « l’insuffisance des mesures d’adaptation prises pour faire face aux répercussions des changements climatiques sur la population ». Les militant·e·s continuaient de déplorer l’absence de consultation réelle des parties les plus touchées par le changement climatique.

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