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URGENCE PROCHE ORIENT

 Exigez avec nous la justice pour toutes les victimes et la protection sans condition des populations civiles

© Antonio Silva/EPA/Corbis

© Antonio Silva/EPA/Corbis

Mozambique

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 150 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Mozambique en 2024.

La police a eu de plus en plus recours à une force excessive et inutile pour réprimer des manifestations, en particulier celles organisées par des membres et sympathisant·e·s de l’opposition. Cette répression a causé la mort d’au moins 277 personnes. Les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique ont été gravement compromis ; des journalistes ont subi des actes de harcèlement et d’intimidation, des menaces et des attaques. Dans le cadre du conflit dans la province de Cabo Delgado, 20 civil·e·s au moins ont été tués par des groupes armés et une milice affiliée au gouvernement. La police n’a pas fait le nécessaire pour assurer une protection contre des enlèvements commis par des criminels.

CONTEXTE

Des élections générales ont eu lieu le 9 octobre. Des accusations de fraude électorale formulées par des membres de l’opposition et des observateurs·trices indépendants ont déclenché des manifestations de grande ampleur. Le 19 octobre à Maputo, la capitale, des hommes armés non identifiés ont tué Paulo Guambe, représentant du Parti optimiste pour le développement du Mozambique (PODEMOS), et Elvino Dias, l’avocat de Venâncio Mondlane, candidat indépendant à l’élection présidentielle soutenu par le PODEMOS. En réaction à ces homicides, Venâncio Mondlane a appelé, le 21 octobre, à 25 jours de manifestations pacifiques à travers le pays. Le 23 décembre, le Conseil constitutionnel a confirmé la victoire du candidat à l’élection présidentielle Daniel Chapo et de son parti, le Front de libération du Mozambique (FRELIMO), au pouvoir depuis près de 50 ans.

Le gouvernement n’a pas pris de mesures adaptées pour protéger la production agricole des effets de la sécheresse prolongée due au phénomène El Niño. La sécheresse a touché environ 1,8 million de personnes, en particulier des femmes des régions du sud et du centre du pays. L’insécurité alimentaire s’est accentuée dans le district de Vanduzi (province de Manica).

Le cyclone Chido s’est soldé par la mort de 94 personnes et a touché 622 000 personnes, dont beaucoup ont été déplacées, dans le nord du pays.

RECOURS EXCESSIF ET INUTILE À LA FORCE

À la suite des résultats contestés des élections, des manifestations ont éclaté ; la police a répondu par la violence, faisant usage de balles réelles et de gaz lacrymogène. Au 29 décembre, 277 personnes au moins étaient mortes, dont deux enfants et deux passant·e·s, et 600 autres au moins avaient été blessées. Les autorités n’ont pris aucune mesure pour traduire en justice les responsables présumés de ces actes.

Le 10 octobre, la police a blessé par balles deux observateurs électoraux d’un parti d’opposition, l’un dans le quartier George Dimitrov, à Maputo, et l’autre à Bandua, dans le district de Buzi (province de Sofala), après qu’ils avaient essayé d’entrer dans des bureaux de vote pour empêcher des fraudes électorales présumées. Une personne qui manifestait a été blessée par des tirs policiers le 16 octobre dans la ville de Nampula, lors d’un meeting du PODEMOS organisé pour accueillir Venâncio Mondlane. Le 21 octobre, la police a tiré du gaz lacrymogène depuis des hélicoptères sur le quartier de Maxaquene, épicentre des manifestations à Maputo. Certaines des grenades lacrymogènes ont touché des habitant·e·s, dont des enfants, à l’intérieur de leurs habitations. Deux hommes et une femme ont été abattus le 24 octobre, respectivement dans les villes de Nampula, Chimoio et Tete. La femme a reçu une balle dans la tête alors qu’elle se trouvait à son domicile. Le même jour, des dizaines de manifestant·e·s blessés par balle ont été admis à l’hôpital dans ces villes, ainsi qu’à Maputo. Une semaine plus tard, deux manifestants ont été abattus par la police sur des places de marché de Nampula, dont l’un alors qu’il se trouvait dans un café. Trois autres ont été tués le même jour dans le district de Mecanhelas (province du Niassa) lorsque la police a tiré à balles réelles.

Le 1er novembre, la police a abattu un homme qui avait, avec d’autres manifestants, endommagé des bureaux du FRELIMO dans le district de Mecubúri (province de Nampula). Le 4 novembre, elle a tué au moins quatre personnes, dont deux enfants, dans les quartiers de Magoanine et Hulene, à Maputo. Le même jour, dans la ville de Matola, la police a tué un homme par balle dans le quartier de Mahlampsene et tiré du gaz lacrymogène depuis des hélicoptères sur le quartier Patrice Lumumba. Toujours le 4 novembre, la police a abattu deux manifestants et en a blessé 23 autres, dont huit grièvement, dans le district de Meconta (province de Nampula). Le 13 novembre, dans le quartier de Namicopo, à Nampula, elle a tué par balle sept manifestants et en a blessé des dizaines d’autres alors qu’ils défilaient en direction du marché de Waresta. Un véhicule de l’armée a renversé une femme le 26 novembre lors d’une manifestation dans la ville de Maputo. Un mois plus tard, la police a abattu un blogueur qui filmait des policiers en train de tirer du gaz lacrymogène sur des manifestant·e·s à Ressano Garcia, une ville de la province de Maputo. Entre le 23 et le 25 décembre, la police a tué 88 manifestant·e·s dans l’ensemble du pays.

Les forces de sécurité ont tué au moins 35 personnes qui s’étaient évadées d’une prison de haute sécurité à Maputo le 25 décembre.

LIBERTÉ DE RÉUNION PACIFIQUE

La répression par la police du droit à la liberté de réunion pacifique s’est intensifiée.

Le 4 juin, des dizaines de membres de la Force d’intervention rapide (police antiémeute) ont dispersé environ 200 anciens agent·e·s du Service national de sécurité populaire, âgés pour la plupart, qui manifestaient devant les bureaux du PNUD à Maputo. Ils réclamaient des indemnisations qui, selon eux, leur étaient dues au titre d’un accord de paix de 1992. Deux journalistes qui filmaient l’événement ont été attaqués par des policiers, qui ont confisqué leur caméra.

Après l’appel à manifester pacifiquement pendant 25 jours lancé par Venâncio Mondlane le 21 octobre (voir Contexte), la plupart des manifestations ont été réprimées par la police, qui a eu recours à une force excessive et inutile à de nombreux endroits, notamment dans les villes de Maputo, Matola, Chimoio, Tete et Nampula, ainsi que dans les districts de Moamba et Mecanhelas. Le jour même de cet appel, la police a réprimé une manifestation à laquelle participait Venâncio Mondlane dans l’avenue Joaquim Chissano, à Maputo. Trois jours plus tard, toujours dans la capitale, la police a tiré du gaz lacrymogène sur des étudiant·e·s qui manifestaient dans l’avenue Mao Zedong, les obligeant à battre en retraite. La police a mis fin à une manifestation qui se déroulait à quelques kilomètres du bureau présidentiel, situé dans l’avenue Julius Nyerere, ainsi qu’à une autre dans le district de Moamba, près de la ville de Ressano Garcia, à la frontière avec l’Afrique du Sud. Les 7 et 13 novembre, la police a tiré du gaz lacrymogène pour empêcher le déroulement d’une manifestation entre Matola et Maputo, ainsi que dans la ville de Nampula. Elle a réprimé plus de 10 manifestations dans les villes de Maputo, Matola et Nampula entre le 5 et le 25 décembre.

ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES

La police a continué d’avoir recours à des arrestations et des détentions arbitraires. Avant et après les élections, des centaines de personnes ont été arrêtées pour leur soutien ou leur appartenance au PODEMOS, et des milliers d’autres pour avoir participé à des manifestations entre le 21 octobre et le 29 décembre. Nombre d’entre elles étaient toujours en détention à la fin de l’année.

Le militant de la société civile Joaquim Pachoneia a été arrêté à Nampula le 9 février pour incitation à la violence et « outrage » au président et aux forces de police. Il a été libéré sous caution le 12 février. Trois hommes ont été arrêtés le 3 septembre dans le district de Dondo (province de Sofala) au motif qu’ils auraient attaqué des membres du Mouvement démocratique du Mozambique, un parti d’opposition. Le 15 septembre, un membre du PODEMOS a été arrêté dans la ville de Tete. Il était accusé d’avoir endommagé le drapeau du FRELIMO. Le musicien David Calisto Bandeira a été arrêté lors d’un meeting du PODEMOS le 16 octobre (voir Recours excessif et inutile à la force) et inculpé d’incitation à la violence pour ses chansons en faveur de ce parti. Il a été relâché quelques heures plus tard faute de preuves.

LIBERTÉ D'EXPRESSION

Le droit à la liberté d’expression a été fortement restreint, en particulier pendant la période électorale. Le gouvernement a coupé à plusieurs reprises l’accès à Internet et, après le 21 octobre, a bloqué par intermittence les sites de réseaux sociaux. Des journalistes, entre autres, ont subi des actes d’intimidation, des menaces et des violences de la part de la police.

Le 27 août, dans la province de Cabo Delgado (nord du pays), des agents de la Force d’intervention rapide ont arrêté un observateur électoral du Centre pour l’intégrité publique, une ONG nationale, alors même qu’il était muni des accréditations nécessaires délivrées par la Commission électorale nationale. Il lui était reproché d’avoir photographié des affiches dans une école locale. La loi interdisait en effet tout affichage électoral dans les établissements scolaires. Accusé de compter parmi « les terroristes » actifs dans la province, l’observateur a été libéré quelques heures plus tard, après intervention de sa famille.

Le 21 octobre, la police a tiré du gaz lacrymogène sur des journalistes qui interviewaient Venâncio Mondlane dans l’avenue Joaquim Chissano, à Maputo. Gaspar Chirindza, de Soico TV, a été touché à la jambe par l’une des grenades.

Nuno Gemuce Alberto, journaliste de la radio locale de Gilé, a été agressé par la police le 25 octobre après avoir couvert des violences policières contre des manifestant·e·s dans le district de Gilé (province de Zambézie).

VIOLATIONS DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE

Dans la province de Cabo Delgado, 20 civil·e·s au moins ont été tués lors d’attaques perpétrées par des groupes armés et une milice affiliée au gouvernement, connue sous le nom de Naparama. Des groupes armés ont mené des opérations systématiques de pillage d’entrepôts appartenant à des ONG et au Programme alimentaire mondial de l’ONU. L’ONG Médecins sans Frontières a déclaré avoir été contrainte de relocaliser son personnel et de suspendre ses activités locales à la suite de ces attaques. Ces violences ont entraîné le déplacement de plus de 700 000 personnes à l’intérieur du pays.

Le 28 janvier, des groupes armés ont décapité un homme dans le district de Metuge alors qu’il rentrait chez lui depuis Pulo, une zone agricole. Le district de Chiúre a subi une recrudescence d’attaques perpétrées par des groupes armés. Le 15 février, des groupes armés ont tué un civil et brûlé deux églises dans les villages de Mureota et Kitivahola. Le lendemain, ils ont tué un autre homme et brûlé une église, 24 maisons et une école dans le village de Nkiura. Huit civils au moins ont été tués entre les 26 et 27 février par des groupes armés, qui ont aussi mis le feu à un hôpital et à un établissement scolaire dans le village de Mmala. Le 10 mai, des groupes armés ont mené une opération dans le district de Macomia, détruisant des maisons et des infrastructures publiques. Des groupes armés ont tué deux civils le 11 décembre dans le village de Miangelewa (district de Muidumbe) et ont pillé leurs biens.

Le 8 mars, les Naparama ont tué trois civils qu’ils considéraient comme des « terroristes » dans le district de Chiúre. Ces trois hommes menaient un programme éducatif portant sur les modalités d’inscription sur les listes électorales auprès de la population locale.

DROIT À LA VIE ET À LA SÉCURITÉ DE LA PERSONNE

Les autorités n’ont pas pris les mesures nécessaires pour obtenir la libération sains et saufs d’au moins 12 hommes et femmes d’affaires d’origine asiatique ou de membres de leurs familles qui avaient été enlevés par des criminels réclamant des rançons. Elles n’ont rien fait non plus pour empêcher de tels actes de se reproduire.

Parmi les victimes figuraient Saif Arif et Ali Mamade, enlevés respectivement en mars et en mai et libérés par la suite, ainsi qu’Aboo Gafar, enlevé en juillet, dont on restait sans nouvelles. Ces trois enlèvements ont eu lieu dans la ville de Maputo.

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