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Flashmob d'activistes de République Tchèque pendant le championnat du monde de Hockey sur glace 2014 au Belarus

Bélarus : tout ce qu'il faut savoir sur les droits humains

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 156 pays analysés. Voici ce qu'il faut savoir sur les droits humains au Bélarus en 2022.

Les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion sont restés soumis à d’importantes restrictions. Un homme au moins a été exécuté. Le recours à la torture et à d’autres mauvais traitements était fréquent et l’impunité restait la règle pour les responsables de tels actes. Le système judiciaire était détourné pour réprimer la dissidence et les procès étaient généralement inéquitables. Les minorités ethniques et religieuses étaient en butte à la discrimination. Des personnes réfugiées ou migrantes ont été la cible de violences et de renvois forcés.

CONTEXTE

Le Bélarus est resté largement isolé sur la scène internationale en raison du refus persistant de l’UE et des États-Unis de reconnaître Alexandre Loukachenko comme président. Le pays a principalement aligné sa politique de défense et sa politique internationale sur celles de la Russie, notamment en contribuant à la guerre menée par celle-ci en Ukraine.

Le PIB a chuté et l’inflation a grimpé à la suite de l’arrêt des échanges commerciaux avec l’Ukraine et de nouvelles sanctions imposées par les gouvernements occidentaux aux entreprises bélarussiennes.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Des restrictions sévères ont continué de peser sur la liberté d’expression. Des milliers de personnes ont été poursuivies en justice, notamment pour avoir exprimé leur soutien envers l’Ukraine, donné des informations sur les mouvements des troupes russes et leurs équipements militaires, ou critiqué le gouvernement.

Quarante journalistes indépendants ont fait l’objet d’arrestations arbitraires, et de nouvelles accusations ont été portées contre d’autres qui étaient déjà incarcérés. À la fin de l’année, 32 journalistes étaient toujours en prison en raison de leurs activités professionnelles.

Des centaines de personnes ont été jugées lors de procès à huis clos pour avoir « insulté » des représentant·e·s des autorités, « discrédité » des symboles et des institutions de l’État, ou « incité à la discorde sociale et à l’hostilité ». En juillet, l’étudiante Danuta Peradnya a été condamnée à six ans et demi de prison pour avoir partagé un message critiquant la guerre en Ukraine et le rôle qu’y jouait Alexandre Loukachenko.

Les autorités ont continué de qualifier arbitrairement d’« extrémistes » des organisations, des ressources en ligne et imprimées ainsi que d’autres matériaux. Des milliers d’individus ont été poursuivis en justice en raison des liens qui les associaient à de tels contenus, par exemple pour avoir aimé une publication sur les réseaux sociaux ou porté un t-shirt affichant un logo « extrémiste ». Plus de 2 200 personnes figuraient sur la liste officielle des « extrémistes », la plupart d’entre elles étant emprisonnées sous le coup d’inculpations à caractère politique.

Le journaliste Yury Hantsarevich a été condamné, en juillet, à 30 mois de réclusion pour « promotion d’activités extrémistes ». Il avait transmis des photos d’équipements militaires russes à des médias indépendants.

En novembre, le ministère de l’Intérieur a interdit l’utilisation du salut traditionnel « Vive le Bélarus ! », qu’il a ajouté à la liste des « symboles et accessoires nazis ».

LIBERTÉ D’ASSOCIATION

Les autorités ont poursuivi la répression des organisations de la société civile indépendantes engagée après l’élection présidentielle controversée de 2020, prenant pour cibles des ONG, des médias, des organisations professionnelles et des communautés ethniques et religieuses.

Elles ont eu recours à des accusations arbitraires d’« extrémisme » et de « terrorisme » pour dissoudre des organisations. Plus de 250 organisations de la société civile, ainsi que les principaux médias indépendants, ont ainsi été fermés, souvent après avoir été désignés comme « organisations extrémistes ».

En avril, les autorités ont effectué des descentes aux domiciles et dans les bureaux de dirigeant·e·s de syndicats indépendants ; 16 personnes ont été arrêtées pour des motifs inconnus. La Cour suprême a ordonné en juillet la liquidation du Congrès des syndicats démocratiques du Bélarus, ce qui revenait de fait à interdire tous les syndicats indépendants.

LIBERTÉ DE RÉUNION

À la suite de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie le 24 février, la police a violemment dispersé des manifestations pacifiques dans l’ensemble du Bélarus, procédant à l’arrestation d’au moins 700 manifestant·e·s rien que le 27 février. Beaucoup de ces personnes ont été condamnées à des peines d’emprisonnement allant jusqu’à 30 jours à l’issue de procès qui se sont tenus à huis clos, sur la base d’accusations forgées de toutes pièces d’« organisation et préparation d’actions portant gravement atteinte à l’ordre public, ou participation active à celles-ci », tandis que d’autres se sont vu infliger des amendes.

Les autorités ont continué de poursuivre en justice les personnes qui avaient pacifiquement participé aux manifestations de 2020, procédant à l’arrestation de 280 d’entre elles au cours des six premiers mois de 2022.

En mai, des modifications législatives ont été adoptées afin de permettre aux troupes du ministère de l’Intérieur d’utiliser des armes de combat et des équipements militaires spéciaux pour disperser les manifestations publiques et d’autres activités considérées comme troublant l’ordre public.

PEINE DE MORT

Un homme au moins a été exécuté.

En mai, la loi a été modifiée afin d’étendre le recours à la peine de mort aux « tentatives de crimes » dans les affaires liées au terrorisme, en violation des obligations du pays en tant qu’État partie au PIDCP.

Au mois de décembre, le Parlement a adopté en première lecture une loi instaurant la peine capitale pour les trahisons commises par des fonctionnaires de l’État ou des membres de l’armée.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

La torture et les autres formes de mauvais traitements demeuraient très répandues. Les responsables de tels actes jouissaient toujours de l’impunité.

Les personnes condamnées pour des motifs politiques étaient fréquemment soumises à des traitements plus durs et des conditions de détention pires que les autres. Elles étaient souvent détenues à l’isolement dans des conditions inhumaines, ou se voyaient refuser le droit de passer des appels téléphoniques, de voir les membres de leur famille, de recevoir des colis alimentaires ou de faire de l’exercice à l’extérieur.

L’éminent militant politique Syarhei Tsikhanouski, qui purgeait une peine de 18 ans de réclusion sur la base d’accusations forgées de toutes pièces, a été plusieurs fois soumis à des restrictions arbitraires de ce type et a passé plus de deux mois dans une cellule d’isolement disciplinaire.

DÉFENSEUR·E·S DES DROITS HUMAINS

Les autorités ont empêché des défenseur·e·s des droits humains d’accomplir leur travail et les ont soumis à la détention arbitraire, à des violences et à des manœuvres d’intimidation. Parmi les personnes visées se trouvaient des membres de Viasna, une organisation de défense des droits humains de premier plan, dont plusieurs se trouvaient en détention provisoire ou purgeaient des peines d’emprisonnement.

En septembre, Ales Bialiatski, Valyantsin Stefanovich et Uladzimir Labkovich, trois dirigeants de cette organisation déjà incarcérés, ont fait face à de nouvelles accusations de troubles de l’ordre public, forgées de toutes pièces. Le 7 octobre, Ales Bialiatski a été colauréat du prix Nobel de la paix.

Marfa Rabkova et Andrey Chapyuk, qui étaient en détention depuis 2020, ont été condamnés respectivement à 15 ans et six ans d’emprisonnement, à l’issue d’un procès qui s’est tenu à huis clos.

Nasta Loika a purgé au moins six peines de détention administrative de 15 jours sur la base de fausses accusations de « houliganisme simple ». Durant ces périodes de détention, elle n’a pas pu obtenir de médicaments ni de produits de première nécessité, notamment des vêtements chauds et de l’eau potable. En décembre, elle a été inculpée au pénal d’« organisation d’actions portant gravement atteinte à l’ordre public » et transférée en détention provisoire.

PROCÈS INÉQUITABLES

Le système judiciaire a continué d’être largement détourné de sa vocation par les autorités pour réprimer la dissidence sous toutes ses formes, emprisonner les personnes critiques à l’égard du gouvernement, et intimider et réduire au silence leurs avocat·e·s.

Sept avocat·e·s au moins ont été inculpés de façon arbitraire et cinq au moins ont été arrêtés. Ils ont été 17 ou plus à se voir arbitrairement radiés du barreau après avoir travaillé sur des dossiers à teneur politique.

Les audiences menées dans le cadre de poursuites motivées par des considérations politiques se tenaient généralement à huis clos et comportaient de nombreuses irrégularités. Une loi élargissant le recours aux enquêtes et aux procès en l’absence de l’accusé·e a été promulguée en juillet, puis mise en application plus tard dans l’année.

DISCRIMINATION

Les autorités ont multiplié leurs attaques contre certaines minorités ethniques, notamment polonaises et lituaniennes, semble-t-il à titre de représailles contre le fait que la Pologne et la Lituanie avaient accueilli des militant·e·s de l’opposition en exil et critiqué le gouvernement bélarussien.

Des cimetières militaires de soldats polonais ont été vandalisés à plusieurs reprises sans que personne ne soit amené à répondre de ces actes.

Le gouvernement a arbitrairement interdit à deux écoles de l’ouest du pays (où vivait une importante minorité polonaise) d’enseigner en polonais et a fermé une école en langue lituanienne dans la région de Hrodna.

Les autorités ont aussi pris pour cible des écoles et des maisons d’édition enseignant ou publiant en bélarussien, considérant que, malgré son statut de langue officielle, il s’agissait d’une langue de l’opposition politique. Des librairies bélarussiennes ont été fermées et des militant·e·s, universitaires, personnalités littéraires et culturelles et guides touristiques bélarussophones ont été arbitrairement arrêtés.

LIBERTÉ DE RELIGION ET DE CONVICTION

Les autorités ont pris pour cible des dignitaires et des militant·e·s chrétiens qui protestaient contre les violences policières survenues au cours des manifestations de 2020 et contre le rôle joué par le Bélarus dans la guerre russe en Ukraine.

En mars, la police a perquisitionné les domiciles de plusieurs prêtres catholiques. L’un d’entre eux, Aliaksandr Baran, a été détenu pendant 10 jours tandis qu’un autre, Vasil Yahorau, a reçu une amende, tous deux pour avoir témoigné leur solidarité envers l’Ukraine.

À la suite d’un incendie suspect le 26 septembre, les autorités ont mis fin à l’accord qui permettait à une paroisse catholique locale d’utiliser l’église historique Saint-Siméon-et-Sainte-Hélène de Minsk, la capitale. Au cours des manifestations de 2020, cette église avait défié les autorités en offrant le refuge à des manifestant·e·s confrontés aux violences policières.

DROIT À LA SANTÉ

La qualité et la disponibilité des soins de santé étaient toujours gravement compromises, notamment en raison de l’exode persistant de professionnel·le·s de la santé renvoyés pour des motifs politiques, ainsi que des pénuries de certains médicaments et équipements médicaux dues aux sanctions internationales.

Des membres du personnel médical licenciés pour avoir soutenu les manifestations pacifiques de 2020 se sont vu arbitrairement refuser de nouveaux emplois. Les autorités ont suspendu les autorisations d’exercer d’au moins sept grands centres médicaux privés, dans le cadre de ce qui semblait être une campagne coordonnée contre les prestataires de services de santé indépendants.

DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES

Les autorités ont continué de forcer des personnes réfugiées ou migrantes, y compris venant de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan, à franchir les frontières vers la Pologne, la Lituanie et la Lettonie. Beaucoup ont fait l’objet de renvois forcés illégaux (pushbacks) vers le Bélarus, où elles ont subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements aux mains de gardes-frontières et d’autres responsables, se sont heurtées à des obstacles pour demander l’asile ou ont été renvoyées de force dans leur pays.

En mars, les autorités auraient expulsé des réfugié·e·s et des migrant·e·s d’un camp de fortune installé dans le village de Bruzgi, laissant près de 700 personnes sans abri ni assistance, dont beaucoup de jeunes enfants et de personnes gravement malades ou en situation de handicap.

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