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Conflits armés et protection des civils

Traumatismes secondaires : des conseils pour se protéger

L’étude d’images qui montrent des actes de violence peut être éprouvante. Notre équipe de réaction aux crises le sait très bien. C’est pourquoi elle a rassemblé ses conseils pour aider les militants et les journalistes à se protéger des traumatismes secondaires liés à leur travail.

À Amnesty International, un volet de notre travail d’enquête comprend le rassemblement et la vérification d’images prises par des témoins oculaires lors d’attaques armées, d’opérations de répression de manifestations et d’autres épisodes de violence, afin de vérifier si des violations des droits humains ont eu lieu.

Lire aussi : Decode Nigeria, une enquête participative en ligne

Lors des manifestations, même si elles sont pacifiques, les citoyens qui ont le courage de s’exprimer s’exposent souvent au risque d’une riposte violente de la part des autorités. Les gouvernements exploitent alors pleinement leur arsenal d’outils afin de faire taire les dissidents : coups de matraques, barres, gaz lacrymogène, et même tirs à balles réelles. Mais la violence ne s’arrête pas à l’enceinte de la manifestation.

Des photos et des vidéos violentes témoignant de coups, de harcèlement et d’homicides circulent régulièrement sur les réseaux sociaux ; souvent publiées par les manifestants eux-mêmes. Sur Facebook et Twitter en particulier, les utilisateurs voient de plus en plus souvent des vidéos de manifestants roués de coups lorsqu’ils font défiler leur fil d’actualité, ou une photo de cadavre lorsqu’ils cliquent sur un hashtag.

Cela est particulièrement vrai pour les personnes qui militent pour les droits humains et pour les journalistes, notamment ceux qui travaillent sur les informations de dernière minute ou qui enquêtent à partir d’informations disponibles en libre accès, car l’une de leurs tâches est de suivre l’évolution des conflits et des crises. Ces personnes rechercheront donc probablement des images et des vidéos postées sur YouTube, Twitter et Facebook, au lieu de les éviter.

Cette activité n’est pas sans conséquences pour celles et ceux qui l’exercent. Ci-dessous nos conseils pour prendre soin de soi face à cette situation.

Cernez le problème

Il est important de commencer par comprendre ce que vous risquez.

Dans ce cas, comme vous observez indirectement des actes violents, sans être sur place, on parle de traumatisme secondaire, ou vicariant.

Face à une situation éprouvante, même si l’on n’y assiste pas physiquement, notre cerveau est capable de subir des symptômes de détresse semblables à ceux que l’on aurait connus si nous avions été présents. Nos cerveaux sont paramétrés pour nous protéger activement de ce qu’ils perçoivent comme des menaces à notre sécurité. Lorsque nous voyons quelque chose d’inattendu, le cerveau évalue les images pour déterminer si nous sommes en sécurité ou si nous devons réagir rapidement.

Parmi les symptômes courants de traumatisme secondaire, on trouve des sentiments persistants de colère, de rage et de tristesse, et dans certains cas plus extrêmes,de l’anxiété, du stress, un burn-out et un syndrome de stress post-traumatique.

Identifiez vos propres signaux d’alarme

Les images de violence et de mort sont bouleversantes et éprouvantes. Pour aider à adoucir cette épreuve, vous pouvez reconnaître à haute voix la tâche qui vous attend, et ne pas tenter de prendre de raccourci en dissimulant vos émotions. Vous devriez également identifier précisément le type de contenu qui est le plus susceptible de vous bouleverser, puis prendre des mesures pour l’éviter le plus possible.

Parfois, il suffit de voir un élément qui nous rappelle quelqu’un pour déclencher une réaction.

Par exemple, on sera parfois moins affecté par une vidéo directe de la mort de quelqu’un que par d’autres images qui y sont liées et qui peuvent provoquer une réponse émotionnelle bien plus intense, comme une vidéo de la famille en deuil.

Le cas échéant, il faut également prendre en compte votre lien personnel avec la région concernée. Par exemple, si vous êtes yéménite et que vous vérifiez l’authenticité d’une vidéo en provenance de votre pays, vous pourriez subir un traumatisme plus important en raison de votre passé et de votre familiarité avec certains éléments de la vidéo.

Il sera parfois impossible d’éviter du contenu en provenance de votre pays ; cependant, l’identifier comme un facteur susceptible d’entraîner un traumatisme supplémentaire permet de mieux vous préparer et de prendre des précautions.

Utilisez les outils des réseaux sociaux

Il est possible de paramétrer YouTube, Twitter et Facebook pour aider à atténuer certains facteurs susceptibles d’entraîner un traumatisme :

Désactivez la lecture automatique. Ainsi, le déclenchement d’une vidéo ne vous prendra plus par surprise et vous pourrez attendre d’être au bon endroit pour la lancer.

Si vous avez besoin de regarder seulement une partie de la photo ou de la vidéo pour vérifier son authenticité, vous pouvez tout simplement cacher le reste de l’écran avec une feuille de papier ou avec votre main.

Coupez le son si l’enregistrement audio n’est pas indispensable à la vidéo étudiée. Le son peut accroître le sentiment de détresse, notamment les cris de douleurs ou les enregistrements de bombardements.

Désactivez le téléchargement automatique sur WhatsApp, de manière à ce que toutes les vidéos ou photos reçues sur l’application ne soient pas automatiquement sauvegardées sur votre téléphone. Pour cela, ouvrez WhatsApp, cliquez sur l’option « Paramètres » en haut à droite et choisissez « Utilisation des données et du stockage ». Dans ce menu apparaissent les catégories de contenus téléchargés automatiquement ; désélectionnez-les toutes.

Faites des pauses

Votre travail est important, mais votre bien-être aussi.

Essayez de limiter le plus possible le temps passé à étudier des enregistrements violents, faites des pauses régulières et mettez en place une routine. Prenez en compte chaque signal de stress de votre corps, notamment des troubles du sommeil, des sautes d’humeur ou une déprime

Si vous pensez que cela vous aiderait de parler des images continues de violence que vous visionnez régulièrement, demandez de l’aide à vos collègues et à vos amis. Si vous travaillez déjà dans ce milieu, il peut être utile d’envisager des séances régulières de thérapie, même avant de ressentir les premiers signes de stress.

Rappelez-vous qu’il est important de se déconnecter du travail de temps en temps, et de se concentrer sur autre chose.

Exprimez-vous

Parler ouvertement de son stress n’est pas un signe de faiblesse.

L’étude d’images violentes peut entraîner une grande détresse psychologique. Un bon moyen de s’assurer que votre bien-être reste une priorité est d’en parler avec vos collègues, qui comprennent la nature de votre travail et bénéficient de leur expérience personnelle.

Il peut également être utile de parler des conséquences émotionnelles avec votre cercle d’amis et votre famille. Cependant, au lieu de vous imposer à eux, il peut être judicieux de préparer la conversation et de commencer par leur demander s’ils peuvent et veulent entendre parler d’un sujet difficile.

Nous nous devons tous d’être honnêtes, envers nous-mêmes comme envers les autres, à propos de l’aspect potentiellement éprouvant de ce travail. En en parlant ouvertement, nous pouvons changer les comportements et aider d’autres personnes qui ont peut-être, elles aussi, besoin de soutien.