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Manifestation contre le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi devant le siège du gouvernement américain à New York, New York (États-Unis), le 24 septembre 2019 Credit : REUTERS / Shannon Stapleton

Manifestation contre le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi devant le siège du gouvernement américain à New York, New York (États-Unis), le 24 septembre 2019 Credit : REUTERS / Shannon Stapleton

Liberté d'expression

La répression de la dissidence par Al Sissi

Profondément déstabilisé par les vagues de manifestations, le gouvernement du président Abdel Fatah Al Sissi mène une répression à plein régime pour réduire au silence toute forme de contestation. Enquête.

Les forces de sécurité égyptiennes ont procédé à de très nombreuses arrestations de manifestants, et arrêté des journalistes, des avocats spécialistes des droits humains, des militants, des protestataires et des représentants politiques, dans le but de réduire au silence ceux qui critiquent le gouvernement et d’empêcher de nouvelles manifestations.

Nous avons rassemblé des informations sur au moins 59 arrestations opérées dans cinq villes à travers l’Égypte au cours des manifestations qui ont eu lieu dans la nuit des 20 et 21 septembre. Des organisations locales de défense des droits humains ont signalé que plusieurs centaines de manifestations avaient été recensées dans toute l’Égypte. Le Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux a indiqué qu’au moins 2075 personnes ont été arrêtées dans le contexte des manifestations depuis le 19 septembre.

Le président Al Sissi a répondu aux questions des médias à New York, affirmant que ces manifestations étaient déclenchées par l’« islam politique », .En réalité les manifestants sont de tous âges ; il s’agit aussi bien d’hommes que de femmes, qui appartiennent à des milieux socioéconomiques et religieux très différents, y compris non politisés. Toutes les personnes arrêtées ont été accusées de charges similaires liées au « terrorisme ».

Lire aussi : L'Égypte du président d'Al Sissi

Des véhicules français au cœur de la répression

Cela faisait des années que l’on n’avait pas assisté à de telles scènes en Égypte. Des foules de manifestants se sont rassemblées au Caire sur la célèbre place Tahrir, et aussi à Alexandrie, à Dumyat, à Mahala, et à Suez, scandant des slogans contre le régime du président al-Sissi et dénonçant la corruption et les arrestations. Les autorités ont rapidement réagi.

Trois vidéos montrent des policiers qui frappent des manifestants en état d’arrestation, et effectuent des tirs de grenaille et de gaz lacrymogènes pour disperser des rassemblements de manifestants pacifiques.

L’une de ces vidéos montre des policiers en train de frapper un manifestant non armé, qu’ils traînent ensuite jusque dans un véhicule blindé, pendant qu’un autre policier ouvre le feu, avec des tirs de grenaille, sur des gens qui s’enfuient de véhicules.

En analysant des enregistrements vidéo vérifiés montrant les forces de sécurité égyptiennes, nous avons pu observer que les véhicules utilisés sont des véhicules blindés MIDS de fabrication française, et IVECO de fabrication italienne. Or, ces véhicules ont déjà été utilisés pour réprimer les manifestations de 2013.

Des vagues d’arrestations

Plusieurs centaines de personnes ont été incarcérées dans des camps des Forces centrales de sécurité, où elles n’ont accès ni à des avocats ni à leurs proches. Certaines ont par la suite été relâchées.

D’après des avocats, les procureurs ont interrogé les suspects au sujet de leur participation aux manifestations et leur ont dit qu’ils faisaient l’objet d’une enquête en raison d’accusations comprenant celles d’« aide à une organisation terroriste pour qu’elle atteigne ses objectifs », de « diffusion de fausses nouvelles », de « participation à des manifestations non autorisées » et d’« utilisation à mauvais escient des réseaux sociaux » dans le but de diffuser les informations venant d’un « groupe terroriste », ce terme étant utilisé pour désigner les Frères musulmans. Les procureurs ont ensuite ordonné leur placement en détention pour 15 jours.

Toutes les voix critiques réduites au silence

Immédiatement après les manifestations, les forces de sécurité égyptiennes ont poursuivi leur campagne de répression, arrêtant des avocats, des journalistes, des militants et des responsables politiques.

Nous avons également rassemblé des informations sur l’arrestation de cinq journalistes. Sayed Abdellah, qui avait partagé des informations au sujet de la manifestation à Suez sur son compte Facebook, a été arrêté à son domicile le 22 septembre. Mohammed Ibrahim, fondateur du célèbre blog « Oxygen Egypt », a été arrêté pour avoir posté des vidéos portant sur les manifestations alors qu’il s’était rendu dans un poste de police du Caire, le 21 septembre, conformément aux conditions de sa mise à l’épreuve.

La militante et avocate spécialiste des droits humains Mahienour el Masry a été interceptée par des hommes en civil et poussée dans une fourgonnette alors qu’elle venait de sortir d’un bâtiment du SSSP où elle était allée voir un avocat spécialiste des droits humains incarcéré, dont elle assurait la défense.

Elle a par la suite été interrogée par un procureur du SSSP au sujet d’accusations infondées, étant notamment accusée d’avoir « aidé un groupe terroriste à atteindre ses objectifs » et de « diffusion de fausses nouvelles » dans le cadre d’une affaire remontant au moment où des manifestations ont eu lieu en mars 2019, et placée en détention dans l’attente d’une enquête.

Une censure de masse

Nous avons observé et vérifié des interruptions persistantes des réseaux de communication visant des contenus web et les plateformes de médias, par exemple BBC News, ainsi que des services web tels que des applications de communication comme Wire. L’accès à ces sites et services a été soit bloqué soit restreint, ce qui a compliqué les communications et l’accès à l’information. Nous avons également été informés d’interruptions temporaires des services de WhatsApp et de Signal.

Le Conseil suprême de la régulation a confirmé que le site Internet de BBC News avait été bloqué en raison d’une couverture « inexacte » des manifestations. Le Service public de l’information égyptien a mis en garde les correspondants étrangers, leur indiquant qu’ils devaient « respecter les normes professionnelles internationalement reconnues concernant la couverture de la situation en Égypte et les informations diffusées ».

Il semble que les autorités essaient d’utiliser de nouvelles méthodes de perturbation des réseaux pour restreindre les possibilités d’accès à l’information, de communication sécurisée et d’organisation d’activités. Ils observent la façon dont les personnes s’adaptent pour mettre en place de nouvelles contre-mesures.

Agir

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