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Myanmar

retour en images sur la "Révolution du printemps"

Des manifestants utilisent des armes artisanales, telles que des frondes et des pistolets à billes, pour se défendre contre les forces de sécurité qui tirent à balles réelles, dans le canton de Tharketa, à Rangoun, Birmanie, le 28 mars 2021. Les soldats et la police ont tué plus de 126 personnes ce week-end du 27 et 28 mars, dont un garçon de 5 ans, deux garçons de 13 ans et une fille de 14 ans.

Il y a un an, le 1er février 2021, une junte militaire prenait le pouvoir au Myanmar. Un photographe birman indépendant, resté anonyme pour des raisons de sécurité, a couvert les immenses manifestations et la répression qui ont suivi ce coup d’État. C’est son reportage, publié par The New York Times, qui a remporté la palme dans la catégorie photo au prix Bayeux Calvados-Normandie des correspondants de guerre dont nous sommes partenaires. Il témoigne.

PORTFOLIO initialement publié dans La Chronique, notre magazine d'enquêtes et de reportages

PHOTOS ET TEXTE d’un photographe birman indépendant anonyme

« J’ai documenté cette révolution du printemps et la répression en courant de grands risques personnels, car les journalistes sont pris pour cible. Plus de 70 d’entre eux ont été arrêtés. Sur le terrain, nous avons cessé de porter des casques siglés “ presse ” lorsque nous avons réalisé que les snipers visaient les photographes.

Je sortais chaque jour dans les rues, photographiant les manifestations, les affrontements, la répression. La junte a tenté d’étouffer la protestation. L’armée et la police ont tué plus de 800 personnes, dont des dizaines d’enfants. Beaucoup de manifestants ont reçu une balle dans la tête. La junte a également arrêté plus de 4 000 manifestants, souvent la nuit. Certains ont été kidnappés. Je devais travailler au milieu des gaz lacrymogènes, des grenades assourdissantes et des coups de feu (balles en caoutchouc et tirs à balles réelles). Je me cachais dans des appartements au hasard, avec l’aide de civils, et dormais dans des endroits différents chaque soir, pour éviter les arrestations nocturnes. Le 31 mars 2021, alors que je rentrais avec d’autres journalistes d’un reportage sur des manifestants pacifiques à Yangon, la capitale, deux camions militaires ont tenté d’arrêter ma voiture. L’un d’eux a heurté mon véhicule, tandis que les soldats pointaient leurs armes sur nous. Heureusement, j’ai écrasé l’accélérateur pour m’enfuir. Les militaires n’ont pas eu le temps de tirer et nous avons échappé à l’arrestation ».

Des dizaines de milliers d'étudiants, de médecins et d'ingénieurs manifestent contre le coup d'État militaire à Mandalay, Birmanie, le 26 février 2021.

La police ne bouge et laisse les habitants du quartier se défendre face à des militants pro-militaires armés d'épées et de bâtons. Les affrontements ont fait au moins quatre blessés à Rangoun, Birmanie, le 18 février 2021.

Thurein, 21 ans, un manifestant, a reçu au moins trois balles en caoutchouc dans la poitrine et à la tête à Mandalay, Birmanie, le 26 février 2021. Les soldats et la police réprimaient une manifestation à l'aide de balles réelles, de balles en caoutchouc, de frondes et de coups de matraque.

Sa famille et ses proches pleurent la mort de Daisy Kyaw Win, 32 ans, à Mandalay, Birmanie, le 1er mars 2021. Elle a reçu une balle dans la tête, la veille, quand les forces de sécurité ont ouvert le feu sur la foule.

Shwe Yote Hlwar, une fillette de 5 ans, pleure lors des funérailles de son père Ko Zwe Htet Soe, 26 ans, un ouvrier du bâtiment qui a reçu une balle dans la tête il y a deux jours. Les forces de sécurité ont violemment réprimé les manifestants, tuant au moins 6 personnes dans le canton d'Okkalapa Nord, à Rangoun, Birmanie, le 5 mars 2021.

Une projection artistique sur la façade d'un immeuble résidentiel de Rangoun, en Birmanie, représentant le salut à trois doigts, symbole des manifestants, et une colombe de la paix, le 5 février 2021. La projection a été réalisée par un cinéaste qui souhaite garder l'anonymat par crainte d'être arrêté par l'armée.

Les manifestants utilisent des boucliers de fortune pour tenter de se protéger des balles en caoutchouc et des balles tirées par la police et les soldats de l'armée birmane, lors d'une répression dans la zone industrielle de Hlaing Tharyar, à la périphérie de Rangoun, Birmanie, le 14 mars 2021. Au moins 39 personnes aurait été tué

Des personnes transportent une personne blessés par balle, alors que des soldats ont ouvert le feu sur les manifestants dans la zone industrielle de Hlaing Tharyar à la périphérie de Rangoun, Birmanie, le 14 mars 2021. Au moins 39 personnes auraient été tuées dans ce quartier ce jour-là.

Des manifestants lancent des bombes incendiaires pour tenter de bloquer les forces de sécurité sur un pont, près d'une zone industrielle à Rangoun, Birmanie, le 16 mars 2021.

Affrontement entre des manifestants anti-coup d'État et les forces de sécurité, sur un pont, dans une zone industrielle de Rangoun, Birmanie, le 16 mars 2021.

La police arrête un manifestant dans le centre-ville de Rangoun, en Birmanie, le 27 mars 2021. Ce samedi 27 mars, que l'armée a célébré comme la Journée des forces armées, a été le jour le plus meurtrier en Birmanie depuis le coup d'État du 1er février, avec 114 personnes tuées.

Nay Win Tun, à gauche, et Moe Moe Khine, portant leur fille de 1 an, Thin Thawdar Tun, touchée à l'œil par une balle en caoutchouc tirée par les forces de sécurité, à Rangoun, Birmanie, le 27 mars 2021. Le bébé était à l'intérieur de leur maison.

Au terme d'une journée de répression violente, les habitants de Rangoun tiennent des bougies et chantent des chants contestataires  au crépuscule, lors d'une veillée dans un quartier de Rangoun, Birmanie, le 3 avril 2021.

Que s'est-il passé depuis ce reportage ?

Depuis un an, la violence n’a fait que s’accentuer dans tout le pays. Tirs de gaz lacrymogènes, détentions de masse, victimes de tirs à balles réelles, frappes aériennes aveugles, campagne sanglante contre les militants et les journalistes...

1 400personnes ont été tuées par l'armée du Myanmar
11 000personnes ont été arrêtées
8 000personnes se trouvent actuellement en détention

L’ancienne dirigeante civile Aung San Suu Kyi a été condamnée à six ans de prison pour des accusations fallacieuses et encourt plus de 100 ans d’emprisonnement si elle est reconnue coupable de tous les chefs d’accusation portés contre elle. La plupart de ses plus proches alliés, dont le président Win Myint, sont eux aussi déclarés coupables d’accusations forgées de toutes pièces.

Au lendemain de la violente répression contre les manifestants pacifiques au Myanmar, certains opposants à la junte ont mis sur pied les Forces populaires de défense (PDF), qui affirment avoir tué des centaines de soldats au moyen de tirs, d’attentats et d’embuscades.

Outre le chaos qui s’est abattu sur les principales villes à travers le pays au lendemain du coup d’État, du fait de l’insécurité économique et alimentaire, ainsi que des difficultés liées à la pandémie, des millions de personnes sont touchées par la famine. Des centaines de milliers sont déplacées à l’intérieur du pays, tandis que des milliers ont cherché refuge en Thaïlande voisine.

La population du Myanmar est désespérée et a perdu ses illusions quant à l’aide éventuelle de la communauté internationale.

Le monde doit passer à l’action afin que le pays ne connaisse pas une nouvelle année « de mort et de misère »

La Mission d’établissement des faits de l’ONU sur le Myanmar a déjà demandé que le général Min Aung Hlaing et d’autres hauts responsables fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.

Nous réclamons la mise en place de mesures claires afin d’empêcher l’armée du Myanmar de poursuivre sa campagne dystopique de terreur et de persécution. Le Conseil de sécurité de l’ONU doit cesser de traîner les pieds et imposer un embargo mondial sur les armes et des sanctions ciblées contre les dirigeants de la junte, puis saisir sans attendre la Cour pénale internationale (CPI) de la situation au Myanmar.

En outre, toutes les entreprises locales et étrangères qui ont des partenariats commerciaux avec l’armée ou des entreprises appartenant à l’armée doivent se désengager de manière responsable, supprimant ainsi l’afflux de fonds que l’armée utilise pour financer ses opérations meurtrières.

C’en est assez. Les 55 millions d’habitants du Myanmar ne pourront pas supporter que la plupart des gouvernements du monde, cette année encore, se montrent balbutiants et bottent en touche.

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