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Des enfants syriens dans un hôpital de la ville de Maaret al-Noman, le 4 avril 2017 © MOHAMED AL-BAKOUR/AFP/Getty Images

Des enfants syriens dans un hôpital de la ville de Maaret al-Noman, le 4 avril 2017 © MOHAMED AL-BAKOUR/AFP/Getty Images

Conflits armés et protection des civils

Attaque chimique en Syrie

Le 4 avril, un agent neurotoxique de type gaz sarin a été lâché lors d'un raid aérien sur la ville de Khan Sheikoun, dans la province d’Idlib. Nous avons authentifié et analysé des dizaines de vidéos enregistrées sur le site de l'attaque.

L’attaque du 4 avril est l'attaque chimique la plus meurtrière enregistrée depuis l'adoption par le Conseil de sécurité en septembre 2013 de la Résolution 2118 pour l'élimination des armes chimiques en Syrie. Elle fait suite à l'utilisation d'autres armes chimiques et à de nombreux crimes de guerre commis au moyen d'armes classiques.

Signer la pétition : pas d'impunité pour les crimes commis en Syrie

Preuves par vidéo

Un grand nombre des victimes de cette attaque, qui a eu lieu vers 6 h 30 heure locale mardi 4 avril, ont manifestement été empoisonnées alors qu'elles dormaient dans leur lit. Des experts en armes chimiques qui collaborent avec nos chercheurs ont confirmé que les victimes ont très vraisemblablement été exposées à un agent neurotoxique, ou à un composé organophosphoré tel que le sarin.

Nous avons également été en mesure d'authentifier plus de 25 enregistrements vidéo réalisés immédiatement après l'attaque à l'arme chimique. Les victimes ont les pupilles très contractées, ce qui est considéré comme un symptôme classique d'un empoisonnement par des produits neurotoxiques.

Dans une vidéo que nous avons pu corroborer à l'aide d'autres contenus disponibles, on voit les corps sans vie de neuf enfants étendus à l'arrière d'une camionnette de type pick-up. Ces enfants, des petites filles et des petits garçons, sont nus ou partiellement habillés ; ils sont manifestement morts dans leur lit. Leurs corps ne présentent aucun signe de traumatisme, ce qui correspond à un empoisonnement avec des substances chimiques.

Dans d'autres vidéos enregistrées dans des centres médicaux peu après l'attaque, on voit de nombreuses personnes être soignées pour des troubles respiratoires, ainsi que des images d'enfants et d'adultes décédés. On ne voit aucun signe manifeste de lésions sanglantes ou de blessures causées par des éclats d'obus.

Lire aussi : les enjeux de la conférence de Bruxelles sur la Syrie

« Les enfants mouraient plus vite que les adultes »

Nous avons interrogé un infirmier qui travaillait à l'hôpital d'Al Rahma le matin où l'attaque a eu lieu. Il se souvient avoir regardé sa montre à 6 h 20 du matin alors qu'il prenait son café et que tout avait été calme jusque-là.

Le bruit de l'explosion était différent de d'habitude : avec mes collègues on a pensé que celle-ci n'avait pas explosé»

Un infirmier à l'hôpital d'Al Rahma

L'infirmier a également décrit des signes inhabituels : « L'odeur est arrivée jusqu'à nous, ici dans le centre ; ça sentait la nourriture pourrie. Nous avons par le passé reçu des victimes d'attaques au chlore, mais là c'était complètement différent. Les victimes avaient vomi par le nez et par la bouche, c'était jaune foncé, et parfois ça virait au marron. Les fonctions respiratoires étaient paralysées, et les enfants mouraient plus vite que les adultes à cause de cela. Nous avons essayé de leur faire des injections […] mais ça n'a pas marché. Les victimes n'arrivaient pas à avaler, elles avaient perdu connaissance, elles ne réagissaient pas du tout. »

Les victimes ont été amenées dans les hôpitaux les plus proches, et quand elles sont arrivées (…)Des sécrétions blanches leur sortaient de la bouche et du nez. Certaines avaient totalement perdu connaissance. D'autres souffraient de graves douleurs musculaires. Les enfants sont morts en premier. »

Un médecein qui travaille dans un hôpital à une cinquantaine de kilomètres du site de l'attaque

Protéger la population de toute urgence

L'utilisation d'armes chimiques est strictement interdite par le droit international humanitaire et elle constitue un crime de guerre.

L'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques et les Nations unies ont conjointement confirmé que depuis 2013, plusieurs attaques ont été commises avec des armes chimiques, autant par les forces gouvernementales que par des forces non gouvernementales.

Personne n'a été déféré à la justice.

En février 2017, la Russie et la Chine ont opposé leur véto à un projet de résolution du Conseil de sécurité visant à prendre des mesures au titre du chapitre VII de la Charte des Nations unies en cas de « transfert ou de tout emploi non autorisés d’armes chimiques par quiconque en République arabe syrienne »”.

Nous avons appelé à de nombreuses reprises le Conseil de sécurité des Nations unies à mettre fin au cycle de l'impunité et à saisir le procureur de la Cour pénale internationale de la situation en Syrie. Des mesures visant à faire respecter la justice et l'obligation de rendre des comptes doivent être prises en toute urgence.

Carte blanche pour les responsables ?

Les éléments de preuve réunis indiquent qu'un agent neurotoxique a été utilisé pour mener une attaque chimique aérienne qui a tué plus de 70 personnes et blessé plusieurs centaines de civils à Khan Sheikhoun, une petite ville située dans la province rurale d'Idlib, qui est l'une des rares régions du nord-est de la Syrie se trouvant toujours sous le contrôle de l'opposition. Ces derniers mois, la province d'Idlib est devenue un point de rassemblement pour les personnes fuyant les violences à Alep et ailleurs.

Le Conseil de sécurité de l'ONU tenait une réunion d'urgence à New York dans la matinée du 5 avril, mais le vote a été reporté en raison de la réticence russe concernant le texte de la proposition de résolution proposé.

Le Conseil de sécurité doit adopter immédiatement une résolution permettant d'appliquer l'interdiction des attaques avec des armes chimiques, et de faciliter la traduction en justice des auteurs de ces crimes.

Les membres du Conseil de sécurité, en particulier la Russie et la Chine, ont fait preuve de mépris à l'égard des vies humaines en Syrie en s'abstenant à plusieurs reprises d'adopter des résolutions qui auraient permis de prendre des sanctions contre ceux qui commettent des crimes de guerre et d'autres graves violations dans ce pays.

Le Conseil de sécurité doit immédiatement voter en faveur d'une enquête sur cette attaque et contribuer à ce que les responsables soient déférés à la justice. S'il ne le fait pas, cela aura des conséquences catastrophiques, notamment parce que les gouvernements et les groupes armés en Syrie hésiteront encore moins à commettre des crimes de guerre contre les civils en utilisant des armes interdites ou classiques. 

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Pas d'impunité pour les crimes en Syrie

Refusons que les crimes commis en Syrie restent impunis