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Soudan

un an après, ce qu'il faut savoir sur le conflit 

Un soldat de la paix de l'ONU monte la garde, dans la ville de Golo, au Darfour, le 19 juin 2017. Crédit : ASHRAF SHAZLY/AFP via Getty Images

Il y a vingt ans, en 2003, le conflit au Darfour éclatait. Bilan humain : 300 000 morts et près de 2 millions de personnes déplacées. Après des années d'instabilité et d'insécurité, le pays fait face à une nouvelle flambée de violence depuis le 15 avril 2023. Les auteurs des crimes d’hier continuent de sévir aujourd’hui. 

Alors que le pays est déchiré par la guerre depuis des décennies, de violents combats ont éclaté le samedi 15 avril 2023, à Khartoum, la capitale du Soudan, et dans plusieurs villes du pays.

Une nouvelle escalade de la violence qui oppose les deux hommes forts du pays : le chef d’État de facto Abdel Fattah Al-Bourhane, à la tête de l’armée régulière (les Forces armées soudanaises, FAS) et son numéro 2, le général “Hemetti”, chef d’une importante milice paramilitaire (les Forces de soutien rapide, FSR).

En 2021, les deux hommes s’étaient alliés pour renverser le régime en place depuis 2019 qui avait mis fin à 30 ans de dictature d'Omar El Béchir. Mais leur alliance s’est révélée fragile. En pleine négociation autour de la mise en place du nouveau gouvernement de transition, des tensions ont explosé en raison de désaccords sur la réforme des forces de sécurité. 

Depuis l'embrasement du conflit il y a un an :

👉 Au moins 14,700 personnes ont été tuées et plus de 10,7 millions de personnes ont été déplacées de force en l’espace d'un an.

👉 Des millions de personnes sont piégées chez elles.

👉 Les travailleurs humanitaires ne sont pas en mesure d'acheminer l’aide nécessaire. 

👉 Certaines victimes font état d'attaques apparemment indiscriminées et d'autres sont prises entre deux feux, souvent parce que des combattants ont pris position au milieu de civils, en violation du droit international humanitaire.  

👉 Les parties au conflit utilisent des armes lourdes, notamment de l'artillerie, des chars et recours à des bombardements aériens, dans les zones densément peuplées de Khartoum. 

👉 Des rapports font également état de violences sexuelles commises par des soldats des FSR. 

👉 Les souffrances endurées depuis 20 ans par la population du Darfour sont exacerbées. Des informations crédibles laissent penser que les Forces d’appui rapide et les milices alliées ont tué ou blessé de nombreux habitant·es au Darfour occidental.

Lire aussi : Au Soudan, les civils confrontés à une horreur inimaginable

Amnesty International est préoccupée par les informations faisant état d’homicides ciblés en fonction de critères ethniques, de violences sexuelles, de multiples incendies volontaires visant des habitations et du déplacement massif de la population non arabe du Darfour occidental – en particulier dans la ville d’El Geneina et ses environs – dont les Forces d’appui rapide et les milices arabes alliées seraient responsables. 

Tigere Chagutah, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International

Comment en est-on arrivés là ? Voici ce qu’il faut savoir sur le conflit au Soudan. 

Que sait-on des deux forces au pouvoir qui s’affrontent ?  

Vingt-cinq ans après sa prise de pouvoir, à la fin d’un règne marqué par la corruption, les crimes de masse et une faillite économique, le président Omar el-Béchir est déposé par un coup d’Etat, à la suite à une révolte courageuse, et durement réprimée de la population civile. A la tête de cette répression, le général Mohamed Hamdan Daglo, mieux connu sous le nom de général "Hemetti". 

Le régime fini par tomber après le putsch militaire orchestré par le chef de l’armée Abdel Fattah al Burhan. Un collège composé de militaires - dont le général "Hemetti" - et de civils dirige le pays jusqu’en octobre 2021, où l’armée prend le contrôle complet du pays, et arrête les principales figures de la société civile, à commencer par le premier ministre du gouvernement de transition, Abdallah Hamdok.

Le général Abdel Fattah al-Bourhane, prend la tête du Conseil de souveraineté de la transition qui gouverne le pays aux côtés du général "Hemetti". Mais très vite, les dissensions entre les deux hommes forts du régime émergent. Et en avril 2023, le conflit, inévitable, finit par éclater. 

Les Forces armées soudanaises (FAS, armée régulière) dirigées par le général Al-Bourhane, et les Forces de soutien rapide (FSR, milice paramilitaire indépendante) du général “Hemetti” sont les deux principales forces armées du Soudan. Elles ont toutes deux commises de graves violations des droits humains au Soudan, en particulier au Darfour.

Les Forces de soutien rapide (FSR) sont notamment composées d’anciens combattants des milices janjawids qui, dans les années 2000, ont aidé les forces armées soudanaises à écraser la rébellion dans la région du Darfour.

Ce groupe paramilitaire très puissant, s'est enrichi en acquérant des institutions financières et des réserves d'or soudanaises. On estime qu'il compte entre 70 000 et 150 000 combattants. Son chef, le général "Hemetti", entretient d'importantes relations avec des gouvernements étrangers, russe notamment.

Il a conduit les FSR à s'associer au groupe mercenaire Wagner dans l'exploitation de l'or au Soudan, a déployé des combattants au Yémen pour servir les intérêts de l'Arabie saoudite et a également envoyé des combattants en Libye pour servir les intérêts des Émirats arabes unis.  

Les Forces armées soudanaises (FAS) ont quant à elles également commis de graves violations des droits humains, notamment en utilisant des armes chimiques contre des civils au Darfour, en 2016.  

Après l'éviction d'Omar el-Béchir, en 2019, et le coup d'État d'octobre 2021, les forces de sécurité soudanaises, y compris les FAS et les FSR, ont continué à commettre des crimes au regard du droit international et des violations des droits de l'homme, notamment en recourant à une force excessive contre les manifestants, tuant au moins une centaine d'entre eux et en blessant des milliers d'autres depuis le coup d'État.

Un convoi quittant Khartoum en direction de Port-Soudan, le 23 avril 2023, alors que les gens fuient la capitale soudanaise déchirée par les combats. Crédit : Abubakarr JALLOH / AFP

Vingt ans de conflits, vingt ans de souffrances

Depuis son indépendance en 1956, le Soudan est secoué par de nombreux conflits internes.

Pendant 30 ans, de 1989 à 2019, le gouvernement de l’ancien président Omar el Béchir a aggravé la situation du pays. Il a violemment réprimé les droits humains en s’appuyant sur des milices armées. Certaines se sont muées en véritables partis politiques militarisés et se battent pour des communautés ethniques marginalisées dans les États du Darfour, du Kordofan du Sud et du Nil bleu.  

C’est dans ce contexte qu’un conflit particulièrement violent éclate au Darfour, une province à l’ouest du Soudan, en 2003. Le 24 avril, le Mouvement de libération du Soudan (MLS) et le Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE) déclarent la guerre au gouvernement. La réponse des forces armées gouvernementales épaulées par les milices janjawids, est immédiate et extrêmement brutale. 

Une violence extrême contre la population civile du Darfour

300 000mortscausées par le conflit au Darfour entre 2003 et 2020
2millionsde personnes ont été déplacées en raison du conflit au Darfour en 17 ans
15 millionsde personnes, soit 1/3 de la population soudanaise, sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë

Un accord de paix fait renaître l’espoir  

Année après année, les accords de paix et de cessez-le-feu se suivent, sans succès.   

Mais le 11 avril 2019, après 16 semaines de manifestations contre son régime, Omar el Béchir est destitué par l’armée. La pression populaire met fin à 30 ans de dictature.   

Quelques mois plus tard, le 31 août 2020, à Djouba, le nouveau gouvernement soudanais signe un accord de paix qualifié d’historique avec les représentants du Front révolutionnaire soudanais, une coalition de neuf formations politiques et groupes armés issus de différentes régions ravagées par les conflits (Darfour, Kordofan du Sud, Nil bleu). Après 17 ans de conflit et plus de dix mois de négociations, c’est une lueur d’espoir pour des millions de Soudanais.es qui vivent au Darfour, au Kordofan du Sud et dans la région du Nil bleu.  

En octobre 2021, nouveau coup d’État militaire. L’armée régulière soudanaise et les Forces de soutien rapide (FSR) renversent le gouvernement de transition. Les casques bleus sont partis (2020). La situation humanitaire est toujours dramatique. Un accord de compromis prévoyant un partage du pouvoir entre dirigeants civils et militaires aboutit à la formation d’un gouvernement de transition. Mais les violences se poursuivent au Darfour, malgré l'accord de paix : exécutions illégales, passages à tabac, violences sexuelles, pillages et incendies de villages, etc. 

Des personnes fuient leur quartier au milieu des combats entre l'armée et les paramilitaires à Khartoum, le 19 avril 2023.

Vingt ans après, où en est-on ? 

Depuis vingt ans, Amnesty International a rassemblé à maintes reprises des preuves de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et d'autres violations graves du droit international humanitaire commis par les forces gouvernementales soudanaises, notamment l'homicide illégal de civils, la destruction illégale de biens civils, le viol de femmes et de filles, le déplacement forcé de civils, etc. En 2016, nous avons également documenté l'utilisation d’armes chimiques par les forces gouvernementales contre des civils, dans la région du Djebel Marra, au Darfour.

Vingt ans après le début du conflit au Darfour, les autorités soudanaises ne parviennent toujours pas à protéger les civils, ni à enquêter sur les crimes commis pendant le conflit et à poursuivre les auteurs présumés. Les civils du Darfour sont pris dans un cycle sans fin d’attaques armées menées sans discernement. Ces dernières semaines, des civils ont une fois encore été tués par des armes lourdes, dans des zones densément peuplées.  

Aujourd’hui, les civils du Darfour sont à la merci des forces même qui ont commis des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre au Darfour et dans d’autres parties du Soudan

Tigere Chagutah 

Cette spirale de la violence présente d’inquiétantes similitudes avec les crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés au Darfour depuis 2003. Même les personnes qui cherchent la sécurité ne sont pas épargnées.

Une crise humanitaire insupportable 

Un pays au bord de la famine

Le pays est en passe de subir la plus grande crise alimentaire au monde. Quelque 18 millions de personnes sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë (IPC3+).  

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), lamalnutrition est en plein essor au Soudan. Quelque 220 000 enfants souffrant de malnutrition sévère et plus de 7000 nouvelles mères pourraient mourir dans les mois à venir s’ils ne reçoivent pas une aide d’urgence. 

« Sans aide humanitaire urgente et un accès aux produits de base », près de 5 millions de Soudanais.es, déjà en situation d’urgence alimentaire, « pourraient glisser dans une insécurité alimentaire catastrophique dans certaines parties du pays (Darfour Ouest et Centre Darfour) dans les prochains mois », alertait mi-mars le chef des opérations humanitaires de l’ONU Martin Griffiths.  

Depuis le 1er janvier 2024, les partenaires humanitaires ont apporté une aide vitale à 2,3 millions de personnes. Une goutte d’eau. 

De nombreuses personnes ont été privées d'accès aux services de base dans les États de Khartoum, du Darfour et du Kordofan. Les prix des denrées alimentaires, lorsqu'ils sont disponibles, continuent de grimper en flèche.  

Des millions de déplacés 

Le Soudan connaît aujourd’hui la plus grande crise de déplacement au monde. En 1 an, l’ONU estime que le nombre de personnes déplacées à l’intérieur et à l’extérieur du pays s’élève à 10,7 millions, dont 9 millions de personnes à l'intérieur du pays.

400 000personnes ont fui vers l'Egypte (source OCHA)
523 431personnes ont fui vers le Tchad (source OCHA)
509 526personnes ont fui vers le Soudan du Sud (source OCHA)

Il est temps de mettre fin à l’impunité généralisée

Les poursuites en cours

Depuis de nombreuses années, nous dénonçons l’absence persistante de justice et réclamons l’obligation de rendre des comptes pour les violations des droits humains commises lors des conflits meurtriers depuis l’indépendance, et plus récemment sous le régime d’Omar el Béchir, qui a favorisé la culture de l’impunité dans le pays.  

Il est scandaleux que, vingt ans après le début du conflit au Darfour, les autorités soudanaises continuent de manquer à leurs obligations et que les auteurs des crimes de droit international au Soudan échappent à la justice. 

Une mission d’enquête cruciale

En octobre 2023, les Nations unies ont voté en faveur de la création d’une mission internationale indépendante d’établissement des faits pour le Soudan. Cette mission d’enquête a pour mandat d’enquêter sur les violations des droits humains, de préserver les éléments de preuve en vue de futures poursuites judiciaires et de se concentrer sur les situations humanitaires et relatives aux droits humains le plus préoccupantes.  

Malheureusement, cette mission d’enquête internationale n’a pu pourvoir les 17 postes, y compris d’enquêteurs, en raison du gel des liquidités au sein du système onusien dû au retard ou au non-paiement des contributions par certains Etats.

En l’absence d’un nombre suffisant de personnes sur le terrain, la mission aura du mal à mener des enquêtes sérieuses.  

Alors que les mécanismes des droits humains sont de plus en plus malmenés, la création de la mission internationale d’établissement des faits pour le Soudan a été un véritable triomphe, mais faute de personnel, elle a été minée dès le départ. Il faut y remédier avant qu’il ne soit trop tard

Sarah Jackson, directrice régionale adjointe d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe.

Et le temps presse, car son mandat s’achève à la fin de l’année. Cette mission internationale est l’une des seules mesures concrètes prises pour répondre au conflit en cours. Il est crucial qu’elle soit dotée des moyens nécessaires pour mener à bien sa mission afin de préserver les preuves et d’identifier les auteurs présumés pour rendre justice aux victimes et à leurs familles. 

À l’heure où l’escalade de la violence entre les forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide s’étend à tout le Soudan, les civils du Darfour continuent de souffrir de l’incapacité des autorités à assurer leur sécurité, ainsi qu’à rendre justice et à garantir l’obligation de rendre des comptes pour les crimes de guerre et autres violations commis depuis le début du conflit dans cette région, il y a 20 ans. 

L’impunité est au cœur de la crise des droits humains qui ravage le Soudan et il est crucial d’y mettre fin pour l’avenir du pays

Sarah Jackson

La communauté internationale, en particulier les Nations unies et le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine, doit redoubler d'efforts pour que les responsables des crimes commis au Darfour soient traduits en justice, et pour mettre un terme à cette impunité qui participe des violences actuelles.

L'ancien président et d’autres hauts responsables dans le viseur de la CPI  

L'enquête menée par la Cour pénale internationale (CPI) sur le Darfour, lancée en juin 2005, a conduit à l’ouverture de six affaires devant la CPI

Les exactions multiples et répétées des Janjawids dans les années 2000 ont notamment valu à Omar el-Béchir d’être poursuivi en 2009 pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et de génocide par la Cour pénale internationale (CPI).  

Dans sa requête du 14 juillet 2008, le procureur de la Cour voit un rapport hiérarchique clair entre el-Béchir et Hemetti. Ce dernier y affirme en effet sans complexe que lui et ses forces ont été mobilisés par le gouvernement soudanais et ont reçu des armes et des munitions. 

En dépit de deux mandats d’arrêts lancés par le Procureur en mars 2009 et juillet 2010, pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et de génocide Omar el-Béchir ne sera jamais arrêté, ni Hemetti officiellement poursuivi. Omar El-Béchir a même pu voyager dans des Etats parties à la CPI, en Ouganda en 2016, sans être inquiété, et en Afrique du Sud. Dans ce dernier pays, face à la mobilisation de la société civile et du milieu judiciaire, Omar El-Béchir a cependant écourté son déplacement. 

Pour rappel, le mandat d’arrêt contre Omar el Béchir est l’un des plus anciens lancés par la CPI. Il s’agit du premier chef d'État en exercice à être recherché par la CPI au moment de la délivrance des mandats. Omar el Béchir est inculpé de cinq chefs d’accusation de crimes contre l’humanité, de deux chefs de crimes de guerre et trois chefs d’accusation de génocide pour des crimes commis entre 2003 et 2008.   

Malgré la gravité des crimes commis, l’impunité a continué à régner dans au Soudan. Une impunité qui a eu des effets désastreux, en privant les victimes d’un réel recours à la justice et en amplifiant le sentiment de toute puissance des forces militaires et paramilitaires.  

Le procès d’Ali Kosheib, soupçonné d’avoir été le principal dirigeant des milices janjawid, s’est ouvert en avril 2022 devant la Cour pénale internationale. Cependant, le Soudan n’a pas suffisamment coopéré avec la CPI : il doit encore lui transférer l’ancien président Omar el Béchir et plusieurs autres responsables gouvernementaux. Les autorités soudanaises doivent maintenant accélérer ces transferts. Ces procès sont indispensables pour garantir la justice et l’obligation de rendre des comptes aux victimes des crimes de haine perpétrés au Darfour. 

Lire aussi : Omar el Béchir sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI  

Risque de déstabilisation à l'échelle régionale

Depuis avril 2023, et le début du conflit entre les deux principales forces armées, des centaines de milliers de personnes ont dû quitter leur foyer pour échapper aux violences. De nombreuses personnes ont cherché refuge dans les pays voisins, comme au Tchad, qui a accueilli plus de 600000 personnes, ou en République-Centrafricaine (RCA).

« Il existe un facteur de déstabilisation pour tout ce qui concerne le triangle frontalier Centrafrique/Tchad/Soudan, explique Enrica Picco, directrice de l’International Crisis Group (ICG) pour l’Afrique centrale, interrogée par Amnesty International France. C’est une région déjà très instable très ouverte au trafic au passage d’hommes armés, d'armes, de munitions et de tout type de trafics illicites. Donc ce n’est pas nouveau, ce n’est pas quelque chose que le conflit soudanais a introduit, mais évidemment cela a contribué à aggraver la situation. »  

La Centrafrique, qui peine à se sortir de plusieurs décennies de conflits armés, a vu sa situation sanitaire se dégrader depuis avril 2023. Selon le bureau des Nations unies pour les affaires humanitaires (UNOCHA), « en raison de l'insécurité qui règne le long de la frontière, le trafic entre le Soudan et la République centrafricaine (RCA) a été fortement perturbé, ce qui a entraîné́ une forte augmentation du prix des produits de première nécessité ». Une inflation qui a eu un impact important sur les conditions de vie des populations.  

Plusieurs dizaines de milliers de Soudanais se sont par ailleurs réfugiés dans le Nord du pays, et sont venus s’ajouter aux quelques 90 0000 personnes vulnérables que compte déjà le nord de la RCA, en proie à des attaques régulières de groupes armés. 

« C’est beaucoup, pour la Centrafrique, et il y a une urgence humanitaire au nord du pays, dans la Vakaga notamment, poursuit Enrica Picco. Mais ce n’est rien, comparé à d’autres pays, comme le Tchad, qui a accueilli quelques 600 .000 réfugiés depuis 2023. Il faut se rappeler qu'ils s'ajoutent aux 400 000 déjà présents au Tchad depuis la guerre du Darfour, particulièrement dans la région frontalière du Ouaddaï (Est) ».  

Le Tchad accueille donc désormais plus d’un million de réfugiés soudanais sur son territoire, et doit faire face à des tensions communautaires qui peuvent être ravivées par ce nouvel afflux de réfugiés. « Une des premières conséquences, explique Enrica Picco, est l'accès à la terre et aux ressources, ainsi que la hausse des prix. Pour construire des camps de réfugiés, ils ont dû prendre des champs. Et l’été dernier, ils ont dû occuper des terres qui étaient déjà prêtes pour la récolte. Certains ont perdu toutes leurs récoltes. Il y a des compensations, bien sûr, mais ça n’est jamais totalement suffisant. La guerre favorise aussi les trafics transfrontaliers.”  

Comme souvent, dans les régions en conflit ne bénéficiant pas d’un intérêt médiatique dans la communauté internationale, les financements de l’aide humanitaire peinent à suivre, ce qui accentue encore les risques de mécontentement des populations. D’autres pays, comme la Libye, l’Egypte, l'Ethiopie, ou le Soudan du Sud, sont également concernés par l’impact de la crise soudanaise. 

Nos demandes :

➡️En décembre 2022, les dirigeants civils et les militaires ont signé un accord-cadre visant à créer une nouvelle autorité civile de transition pour une durée de deux ans. L'accord établit comme principe général l'obligation de rendre des comptes pour les crimes relevant du droit international et charge l'autorité de transition de lancer un nouveau processus visant à rendre justice aux victimes et à obliger les auteurs de crimes graves à rendre des comptes. Les autorités soudanaises doivent également veiller à ce que les responsables de ces crimes ne puissent bénéficier ni d'immunité, ni d'amnistie.

➡️Les autorités soudanaises doivent ratifier au plus vite le Statut de Rome et faire une déclaration reconnaissant la compétence de la CPI sur leur territoire et leurs ressortissant·e·s, à compter du 1er juillet 2002, afin qu’il n’y ait pas de refuge possible pour les responsables des crimes de droit international commis au Soudan.

➡️Les autorités soudanaises doivent coopérer pleinement avec la CPI et permettre à ses enquêteurs et enquêtrices de se rendre librement au Soudan et au Darfour, afin d’y recueillir les éléments de preuve nécessaires pour le procès.  

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