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Des femmes montrant les photos de proches enlevés © Amnesty International

Des femmes montrant les photos de proches enlevés © Amnesty International

Discriminations

Chine : une campagne massive de « rééducation » des musulmans

Environ un million de personnes, musulmanes pour la plupart, seraient détenues dans des camps d’internement au Xinjiang (nord-ouest de la Chine). Des Ouïghours, des Kazakhs et d’autres ethnies sont gravement menacées.

Des centaines de milliers de familles ont été déchirées par cette répression massive. Elles désespèrent de savoir ce qui est arrivé à leurs proches et il est temps que les autorités chinoises leur donnent des réponses.

En outre, les démonstrations publiques ou même privées d’appartenance religieuse et culturelle à l’islam peuvent être considérées comme « extrémistes ».

Les musulmans dans le viseur

Depuis un an, les autorités chinoises mènent une campagne de plus en plus intense d’internements en masse, de surveillance intrusive, d’endoctrinement politique et d’assimilation culturelle forcée à l’encontre des Ouïghours, des Kazakhs et des autres groupes ethniques majoritairement musulmans vivant dans cette région.

Les démonstrations publiques ou même privées d’appartenance religieuse et culturelle, parmi lesquelles les barbes « anormales », le port d’un voile ou d’un foulard, les prières régulières, le jeûne, le fait de s’abstenir de boire de l’alcool, ou encore la possession de livres ou d’articles relatifs à l’islam ou à la culture ouïghoure, peuvent être considérées comme « extrémistes ».

Les voyages à l’étranger pour le travail ou les études, en particulier dans des pays à majorité musulmane, ainsi que les contacts avec des personnes situées en dehors de la Chine, constituent également des motifs de suspicion.

Hommes ou femmes, jeunes ou âgés, citadins ou ruraux, tous les citoyens risquent un placement en détention.

Les contrôles de sécurité sont omniprésents. Ils font maintenant partie du quotidien des habitants de la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Ce sont autant d’occasions de fouiller les téléphones portables à la recherche de contenus suspects ou de vérifier l’identité des gens au moyen de logiciels de reconnaissance faciale.

Des citoyens peuvent faire l’objet de soupçons à la suite de la surveillance systématique des messages envoyés sur les applications de réseaux sociaux telles que WeChat, qui n’utilise pas le chiffrement de bout en bout. L’utilisation d’autres applications de messagerie avec chiffrement, comme WhatsApp, peut également entraîner un placement en détention.

Des camps de « rééducation »

Les autorités désignent les camps d’internement sous le nom de « centres de transformation par l’éducation », mais ils sont souvent surnommés « camps de rééducation ».

Les personnes envoyées dans ces camps ne sont pas jugées et sont privées d’accès à des avocats et du droit de contester leur placement en détention. Elles peuvent languir en détention pendant des mois, car ce sont les autorités qui décident du moment où une personne est « transformée ».

Kairat Samarkan a été envoyé dans un camp de détention en octobre 2017, après être rentré au Xinjiang à l’issue d’un court séjour au Kazakhstan voisin. La police lui a indiqué qu’il était placé en détention car il était accusé de posséder la double nationalité et avait trahi son pays. Il a été libéré en février 2018.

Kairat a raconté qu’on lui avait placé une cagoule sur la tête, entravé les bras et les jambes et qu’on l’avait forcé à rester debout dans une position fixe pendant 12 heures d’affilée lors de son arrestation. Il y avait environ 6 000 personnes dans le même camp, où elles étaient contraintes de clamer des chants politiques et d’étudier des discours du Parti communiste chinois.

Elles ne pouvaient pas se parler et devaient scander « Longue vie à Xi Jinping ! » avant les repas. Kairat a avoué que son traitement l’avait conduit à tenter de se suicider juste avant sa libération.

Les détenus qui résistent ou ne montrent pas suffisamment de « progrès » subiraient des punitions : insultes verbales, privation de nourriture, détention à l’isolement, coups, recours à des entraves et maintien dans des positions douloureuses. Des cas de mort en détention dans ces centres ont été signalés, notamment des suicides de personnes ne supportant plus les mauvais traitements.

Les autorités affirment que ces mesures extrêmes sont indispensables pour lutter contre le terrorisme et assurer la sécurité nationale.

Cependant, les mesures visant à protéger les citoyens des attaques doivent être nécessaires et proportionnées, et aussi limitées et ciblées que possible pour faire face à une menace spécifique.

Des familles détruites

Pendant des mois, les familles des personnes portées disparues ont gardé leur angoisse pour elles. Elles espéraient que la perte de contact avec leurs proches dans leur pays d’origine serait temporaire. Elles craignaient d’aggraver la situation si elles cherchaient à obtenir une aide extérieure.

À présent, sans signe d’une fin prochaine de leur supplice, elles sont de plus en plus nombreuses à s’exprimer.

Bota Kussaiyn, membre de l’ethnie kazakhe et étudiante à l’Université d’État de Moscou, a parlé pour la dernière fois avec son père, Kussaiyn Sagymbai, sur WeChat en novembre 2017.

Originaire de la région autonome ouïghoure du Xinjiang, leur famille a déménagé au Kazakhstan en 2013.

Bota Kussaiyn, son père a été envoyé dans un camp de "rééducation

Bota Kussaiyn, son père a été envoyé dans un "camp de rééducation" © Amnesty International

Le père de Bota est retourné en Chine à la fin de l’année 2017 pour voir un médecin, mais les autorités ont confisqué son passeport après son arrivée dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Bota a appris par des proches habitant sur place que son père avait été envoyé dans un « camp de rééducation ».

Ces proches avaient tellement peur que tout autre contact ne leur vaille d’être suspectés qu’ils ont cessé de communiquer avec elle après cela.

Nous ne savons pas où il se trouve. Nous ne savons même pas s'il est encore vivant.

Bota Kussaiyn, son père a été envoyé dans un "camp de rééducation"

Bota a déclaré : « Mon père est un simple citoyen. Nous étions une famille heureuse avant qu’il ne soit arrêté. Nous vivons dans la peur chaque jour. Cela fait énormément de mal à ma mère. Nous ne savons pas où il se trouve. Nous ne savons même pas s’il est encore vivant. Je veux revoir mon père. »

De nombreux parents et amis établis à l’étranger expriment un sentiment de culpabilité, car il semble que ce sont précisément ces liens en dehors de la Chine qui valent dans de nombreux cas à leurs proches vivant dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang d’être suspectés.

Les autorités les accusent d’être liés à des organisations étrangères qui, selon le gouvernement chinois, diffusent des opinions religieuses « extrémistes » ou complotent des « activités terroristes ».

Espionnage

En plus d’exercer ainsi une pression sur les personnes vivant en dehors du pays, les services de sécurité chinois tentent activement de recruter des espions dans les communautés établies à l’étranger.

Leurs cibles sont, semble-t-il, menacées de voir les membres de leur famille habitant la région autonome ouïghoure du Xinjiang être détenus si elles ne coopèrent pas. En revanche, si elles coopèrent, on leur promet que leurs proches seront traités avec indulgence.

Le fait d’ignorer qui, au sein de la communauté établie à l’étranger, pourrait fournir des informations aux services de sécurité chinois crée une suspicion et une méfiance qui s’enracinent et alimentent encore le sentiment d’isolement et de crainte.

La campagne de répression systématique menée par les autorités chinoises a des effets dévastateurs sur la vie de millions de personnes. Il est temps que les autorités disent la vérité sur les camps et laissent les familles être réunies.

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