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URGENCE ISRAËL-GAZA

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© Nikita Gavrilovs/Amnesty International

© Nikita Gavrilovs/Amnesty International

Liberté d'expression

« Je dormais avec des voix demandant ma mort, et me réveillais avec des cris appelant à m’assassiner »

Le blogueur mauritanien Mohamed Mkhaïtir raconte ses premiers jours en prison.

Le blogueur mauritanien Mohamed Cheikh Ould Mkhaïtir a été libéré le 29 juillet 2019, après près de cinq ans en détention. Son procès s’est ouvert le 23 décembre 2015. Inculpé d’apostasie et d’outrage au prophète Mahomet, Mohamed Mkhaïtir a été condamné à mort le lendemain. Arrêté le 2 janvier 2014 pour avoir publié un blog sur l’esclavage et la discrimination. Il a été condamné à mort le 24 décembre 2015, au lendemain de l’ouverture de son procès pour apostasie et outrage au prophète Mahomet.

Le 9 novembre 2017, une cour d’appel a ramené sa peine à deux ans d’emprisonnement, qu’il avait déjà purgés, et lui a infligé une amende. Les autorités l’avaient cependant maintenu en détention avant de le libérer en juillet de cette année. Il se trouve en Europe d’où il a écrit ce blog pour raconter ses conditions de détention et remercier Amnesty International qui a mené campagne pour sa libération.

Il n’est pas inhabituel, particulièrement en Afrique et dans le monde arabe, que des personnes soient arrêtées et emprisonnées pour des délits d’opinion.

C’est ce qui m’est arrivé le 2 janvier 2014 dans mon propre pays, la Mauritanie. J’avais pourtant simplement publié un blog sur l’esclavage et la discrimination subis par la caste des forgerons, dont je fais partie.

A mon arrestation, j’ai été placé à l’isolement avec pour seuls compagnons de cellule des puces et des blattes.

Les premiers jours de ma détention, je m’endormais au son des voix de l’intérieur de la prison qui souhaitaient ma mort. Le matin, j’étais réveillé par des cris provenant de l’extérieur de la prison, appelant à m’assassiner.

Kiné-Fatim, Gaëtan et leurs collègues d'Amnesty International ont persisté dans leur plaidoyer et continué de frapper à toutes les portes pour ouvrir celles de l’espoir.

L’espoir d’une autre vie s’érodait jour après jour. Personne, autour de moi, ne souhaitait que je vive. J’essayais cependant de me convaincre que j’habitais dans un État de droit et que les avocats avaient pour mission principale de défendre le droit de tous les détenus à un procès équitable, prélude à leur libération.

J’étais toutefois choqué de découvrir que de nombreux acteurs de la justice avaient pris le parti de ma mort ! Je m’étais dit qu’il n’y avait plus d’espoir….

Le 25 juillet 2015, alors que j’étais recroquevillé dans ma cellule, à l’isolement, j’ai entendu la porte du couloir s’ouvrir et le cliquetis de clés aussi grosses et lourdes que les bottes de celui qui les tournait.

La porte s’était ouverte. Je me suis interrogé…les gardiens viendraient-ils à cette heure !!? Ce n’était pas dans leurs habitudes... Que pouvait-il bien se passer ?

Le gardien s’est approché, la voix chargée de haine, le visage renfrogné et revêche. Il me dit : « Tu as de la visite ».

La visite d'Amnesty International m’a ouvert grand les portes de l’espoir. Elle m’a fait sentir que je n’étais pas seul et que d’autres que moi avaient voué leur existence à défendre les opprimés, quels que soient leur couleur, leur ethnie, leur sexe ou leur religion…

Ces personnes croyaient au droit de chaque être humain à la liberté ainsi qu’à la liberté d’opinion et d’expression. Elles font partie des rares qui insufflent l’espoir chez autrui, qui s’efforcent de diffuser la culture de la vie, et qui ne ménagent aucun effort pour aller aux endroits les plus reculés et mener un plaidoyer pour l’instauration de l’état de droit et le respect des droits humains.

Ce 25 juillet 2015, l’espoir était venu me rendre visite et briser mon isolement. Cet espoir nommé Amnesty International, était représenté ce jour-là par Kiné-Fatim Diop et Gaëtan Mootoo. Je les voyais pour la première fois mais j’ai eu le sentiment que nous nous connaissions depuis toujours. C’est comme si j’étais assis et plaisantais avec mes amis, ou des membres de ma famille…

Merci à Amnesty International… Mais toi, ô temps, comme tu es injuste… Toi, temps, qui m’as privé de la chance de revoir Gaëtan … Il s’en est allé avant que je ne sois remis en liberté, mais Gaëtan restera vivant pour l’éternité dans la conscience humaine… Paix à ton âme, ta si belle âme, toi l’ami rencontré une seule fois, toi le frère disparu en un clin d’œil.