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URGENCE PROCHE ORIENT

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Algerian journalists demonstrate for freedom of the press during a protest against the country's ruling elite and rejecting the December presidential election in Algiers, Algeria November 15, 2019. The armband reads "Free journalist." REUTERS/Ramzi Boudina
Des journalistes algériens manifestent. "Liberté de la press" peut-on lire sur cette affiche. Novembre, 2019 © REUTERS/Ramzi Boudina
Liberté d'expression

Algérie : les autorités profitent du Covid-19 pour réprimer militants et journalistes

Au moment où tous les regards, au niveau national comme international, scrutent la gestion de la pandémie de Covid-19, les autorités algériennes accélèrent les poursuites et les procès contre des militants, des journalistes et des partisans du mouvement du Hirak. À l’image du journaliste Khaled Drareni.

Une arrestation infondée

Le journaliste Khaled Drareni, fondateur du site d’informations CasbahTribune, est le correspondant de la chaîne de télévision française TV5Monde et représentant de Reporters sans frontières (RSF) en Algérie. Les forces de sécurité l’ont arrêté le 7 mars 2020, alors qu’il couvrait une manifestation du Hirak, mouvement qui réclame un changement politique radical en Algérie depuis février 2019. Libéré quelques jours plus tard sous contrôle judiciaire, la police l’a de nouveau arrêté le 27 mars.

Lire aussi : Les défenseurs des droits humains en prison à l'heure du Covid-19

Les procureurs l’ont inculpé d’« incitation à un rassemblement non armé » et d’« atteinte à l’intégrité du territoire national ». Il pourrait passer dix ans derrière les barreaux simplement pour avoir couvert les manifestations du Hirak en sa qualité de journaliste. Il a réalisé d’importants reportages sur le mouvement et dévoilé la répression gouvernementale exercée contre la liberté d’expression et de réunion en Algérie dans des vidéos et des photos diffusées en ligne. Il a critiqué haut et fort la manière dont les autorités gèrent le mouvement, la qualifiant de superficielle. Khaled Drareni est actuellement détenu à la prison de Koléa, à Tipaza.

Nous avons lancé un appel international, relayé par des journalistes du monde entier, pour qu’il soit libéré et que les poursuites illégales à son encontre soient abandonnées. 

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Le mouvement du Hirak dérange le gouvernement algérien

En février 2020, le mouvement de protestation du Hirak a fêté son premier anniversaire, rappelant que les revendications des manifestants en faveur d’une réforme politique restaient sans réponse. Début mars, les manifestations de masse ont été interdites dans le cadre des mesures visant à faire face au Covid-19. Les organisations de défense des droits humains impliquées dans le mouvement de contestation ont annoncé qu’elles suspendaient leurs actions, alors que le nombre de cas confirmés de personnes contaminées en Algérie augmentait.

Lire aussi : Les visages du Hirak algérien

Pourtant, les autorités ont continué à cibler les militants du Hirak. Selon des avocats spécialisés dans la défense des droits humains, au moins trente-deux personnes arrêtées de manière arbitraire pendant le mouvement du Hirak demeurent derrière les barreaux, dont huit ont été interpellées après le début de la pandémie, entre le 25 février et le 13 avril.

Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche, deux figures importantes du mouvement Hirak ont été arrêtés le 7 mars 2020 lors d’une manifestation à Alger, soit le même jour que Khaled Drareni. Samir et Slimane ont bénéficié le 2 juillet d’une remise en liberté provisoire dans l’attente de leur procès. Khaled, quant à lui, est resté en prison. Les charges retenues contre eux sont les mêmes : « incitation à attroupement non armé» et d’«atteinte à l’intégrité du territoire national». Leur verdict tombera lundi 10 août. Ils risquent 4 ans de prison. Au regard du droit international relatif aux droits humains ces accusations sont abusives. Ils criminalisent tout simplement la liberté d’expression.

Des procès à caractère politique 

Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), entre le 26 mars et le 12 avril, au moins douze militants ont été convoqués et interrogés au sujet des opinions qu’ils avaient exprimé sur Internet – majoritairement en soutien au mouvement de contestation du Hirak.

Le 24 mars, Karim Tabbou, leader du parti d’opposition de l’Union démocratique et sociale (UDS), a lui aussi été condamné à une peine d’un an de prison et à une amende de 50 000 dinars algériens (environ 360 euros) pour des accusations similaires. Il critiquait le rôle de l’armée dans le mouvement du Hirak sur Facebook. Karim Tabbou sera jugé dans le cadre d’une autre affaire en raison d’un discours qu’il a prononcé dans la ville de Kherrata, le 9 mai 2020. Alors que son état de santé se dégrade, il est maintenu en détention à l’isolement prolongé dans la prison de Kolea.

Le 6 avril, le tribunal de première instance de Sidi M'hamed, à Alger, a condamné Abdelouahab Fersaoui, président de l’association Rassemblement action jeunesse (RAJ) à un an de prison, une peine assortie d’une amende, pour avoir participé aux manifestations du Hirak et critiqué le gouvernement sur les réseaux sociaux. Le 9 avril, le tribunal de Sidi M'hamed a condamné Ibrahim Daouadji, manifestant du Hirak et défenseur des droits humains, à six mois de prison et à une amende de 50 000 dinars algériens en raison d’une vidéo postée sur Internet. Il y évoquait sa détention provisoire de trois mois dans des conditions déplorables.

La censure des médias algériens

Par ailleurs, les autorités harcèlent les journalistes en raison de leurs interviews, articles ou couvertures médiatiques des manifestations. Le 15 avril, le ministre de la Communication Ammar Belhimer a reconnu que les autorités avaient bloqué, sans avertissement préalable, deux médias en ligne indépendants, Maghreb Emergent et RadioMPost. Leur directeur éditorial Ihsane El Kadi ferait l’objet de « poursuites judiciaires complémentaires » pour « diffamation et offense » à l’égard du président Abdelmadjid Tebboune. Le journal en ligne Interlignes affirme que son site d’informations a également été censuré, étant inaccessible à partir d’adresses IP algériennes, depuis le 19 avril. Interlignes réfute les allégations du ministre de la Communication qui affirme que les administrateurs sont à l’origine de l’inaccessibilité du site en Algérie, qui reste accessible aux adresses IP étrangères.