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Des policiers irakiens près de Mossoul © AFP/Getty Images

Des policiers irakiens près de Mossoul © AFP/Getty Images

Conflits armés et protection des civils

Mossoul : des villageois tués de sang froid par les forces irakiennes

Des combattants en uniforme de la police fédérale irakienne auraient torturé et exécuté des villageois qu'ils avaient faits prisonniers dans le sud de Mossoul.

Des chercheurs de notre organisation se sont rendus dans plusieurs villages des sous-districts d'Al Choura et de Qayyara, dans la province de Ninive, au sud-ouest et au sud de Mossoul. Ils y ont recueilli des éléments de preuve indiquant que jusqu'à six personnes avaient été victimes d'exécutions extrajudiciaires fin octobre 2016 parce qu'elles étaient soupçonnées de liens avec le groupe armé se désignant sous le nom d'État islamique (EI).

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Suspectés sans aucune preuve d’appartenir à l’EI

Selon nos informations, le matin du 21 octobre, une dizaine d'hommes et un garçon de 16 ans, principalement originaires des villages de Nanaa et d'Al Raseef, ont été torturés et maltraités après s'être rendus à un petit groupe d'hommes en uniforme de la police fédérale, dans une zone connue sous le nom de Nus Tal. Ils avaient agité un tissu blanc et soulevé leurs chemises pour montrer qu'ils ne portaient pas de ceintures d'explosifs et ne constituaient pas une menace.

Peu après, des renforts sont arrivés et les hommes ont été emmenés à pied dans une zone désertique, à environ un kilomètre de là, entre la ville de Qayyarah et le sous-district d'Al Choura. Des combattants en uniforme de la police fédérale les ont alors frappés à coups de câble et de crosse de fusil, leur ont donné des coups de poing et des coups de pied, et leur ont tiré violemment la barbe – ils ont même mis le feu à la barbe de l'un d'entre eux. Ils les ont contraints à s'allonger sur le ventre et leur ont tiré des coups de feu entre les jambes, tout en les couvrant d'insultes, souvent en lien avec la religion, et en les accusant d'être membres de « Daesh » (l'acronyme arabe de l'EI).

Exécutés de « sang froid » dans le plus grand secret

Ahmed Mahmoud Dakhil et Rashid Ali Khalaf, du village de Nanaa, ainsi qu'un troisième homme du village de Tulul Nasser, ont ensuite été séparés du reste du groupe. Des hommes en uniforme de la police fédérale les ont alors littéralement passés à tabac avant de les abattre. Leurs cadavres en décomposition ont été retrouvés non loin de là quelque cinq jours plus tard. Le corps de Rashid Ali Khalaf avait été décapité.

Un autre villageois d'Al Raseef, Hussein Ahmed Hussein, a été vu en vie pour la dernière fois le 21 octobre. Un groupe d'hommes en uniforme de la police fédérale l'emmenait, menotté, près de la caravane, après l'avoir frappé à coups de crosse de fusil et de poing et l'avoir insulté. Son corps a été retrouvé à proximité près d'une semaine plus tard.

Dans leur retraite, les combattants de l'EI ont emmené de force à Hammam al Alil plusieurs centaines de femmes, d'enfants et de vieillards des villages de Nanaa et d'Al Raseef, semble-t-il dans l'idée de les utiliser comme boucliers humains. Le 19 octobre, ils ont utilisé les haut-parleurs des mosquées pour faire des annonces publiques ordonnant aux villageois de quitter leurs maisons. Cependant, quelques jeunes hommes sont semble-t-il parvenus à rester en se cachant dans des bâtiments en construction ou abandonnés.

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L'histoire d'Hussein Dakhil

Hussein Dakhil fait partie des quelques personnes qui ont désobéi aux ordres de l'EI. Deux jours plus tard, le 21 octobre, après l'arrivée des forces gouvernementales dans le village, il a été retrouvé mort, une balle dans la poitrine et une autre dans le menton. Il avait quitté peu avant une maison située à proximité des locaux de la compagnie exploitant le gisement de soufre de Mishraq, dans le sous-district d'Al Choura, auxquels les combattants avaient mis le feu en quittant le village. Le jeune homme avait les yeux bandés et le torse nu, ce qui porte à croire qu'il avait été fait prisonnier avant d'être abattu.

Le même jour, un autre homme, Bashar Hamadi, a semble-t-il été lui aussi abattu alors qu'il se dirigeait en courant vers des forces composées, entre autres, d'hommes en uniforme de la police fédérale, tout en soulevant ses vêtements pour montrer qu'il n'avait pas d'explosifs. Selon les informations parvenues à Amnesty International, le coup de feu a été tiré d'une distance d'environ 50 mètres et le corps a été abandonné sur place. Il a été retrouvé environ une semaine plus tard.

Quand l'opération militaire contre Mossoul a débuté, le Premier ministre Haïder al Abadi a clairement affirmé qu'aucune violation de la part des forces armées en Irak et de leurs alliés ne serait tolérée.

Les autorités irakiennes doivent enquêter immédiatement sur ces informations très préoccupantes faisant état d'exécutions extrajudiciaires et de torture. Elles doivent relever de leurs fonctions toutes les personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes de guerre ou d'autres violations graves des droits humains, dans l'attente des résultats de l'enquête judiciaire.

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