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Des soldats israéliens portent le corps d'une victime d'une attaque au kibboutz Kfar Aza, dans le sud d'Israël, où un massacre aurait été perpétré par le Hamas, le 10 octobre 2023. REUTERS/Ronen Zvulun

Des soldats israéliens portent le corps d'une victime d'une attaque au kibboutz Kfar Aza, dans le sud d'Israël, où un massacre aurait été perpétré par le Hamas, le 10 octobre 2023. REUTERS/Ronen Zvulun

Conflits armés et protection des civils

Israël : les groupes armés palestiniens doivent rendre des comptes pour les atrocités commises

Nous avons enquêté sur l’escalade des violences depuis une semaine dans la région. Après avoir analysé des vidéos et récolté des témoignages, nous publions notre première synthèse de recherches depuis le 7 octobre 2023. Voici ce que nous dénonçons. 

Le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens ont bafoué de manière flagrante le droit international et fait preuve d’un mépris effrayant pour la vie humaine, en se livrant à des crimes cruels et brutaux, notamment des exécutions sommaires de masse et des prises d’otages, et en procédant à des tirs de roquettes aveugles sur Israël. Les éléments de preuve continuent d’affluer sur les horreurs qui se sont déroulées dans le sud d’Israël, et nos équipes poursuivent leurs investigations en vue de déterminer toute l’ampleur des crimes relevant du droit international.

Massacrer des civils est un crime de guerre et rien ne saurait justifier ces attaques répréhensibles.

Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International

« Les informations étayées concernant les crimes de guerre commis par Israël n’excusent pas les actes abominables des groupes armés palestiniens et ne les dispensent pas de s’acquitter des obligations qui leur incombent en vertu du droit international, à savoir respecter les principes fondamentaux d’humanité et de protection de la population civile » a réagit Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International.

Lire aussi : Israël doit mettre fin aux attaques indiscriminées, lever son blocus illégal et annuler l'ordre d’évacuation de Gaza

En Israël, plus de 1 400 personnes, principalement civiles, dont des enfants, ont été tuées (chiffres du 24 octobre 2023) et 2 400 ont été blessées (chiffres du 16 octobre 2023) par les groupes armés palestiniens depuis le 7 octobre, selon les autorités israéliennes. Environ 200 personnes, dont des civiles, sont également retenues en otage à Gaza. 

Des attaques illégales

Nous avons analysé des vidéos effrayantes du premier jour des attaques, le samedi 7 octobre 2023. 

Les attaques contre Israël ont débuté par un barrage de tirs de roquettes depuis Gaza, suivi d’une incursion du Hamas et de groupes armés palestiniens en Israël.

Des milliers de roquettes ont atterri dans plusieurs régions au centre et dans le sud d’Israël, atteignant même Tel-Aviv. Ces attaques illégales ont tué à la fois des Israélien·ne·s et des Palestinien·ne·s. Elles ont aussi frappé des villages palestiniens non reconnus dans la région du Néguev/Naqab, faisant au moins six morts dont cinq enfants. Ces populations marginalisées vivent déjà dans des situations précaires, sans possibilité de s’abriter.

Des civils tués délibérément

Sur les vidéos analysées par le Laboratoire de preuves du programme Réaction aux crises d’Amnesty International, on peut également voir, le premier jour des attaques, des combattants palestiniens en train de tirer délibérément sur des personnes civiles et d’en prendre d'autres en otages, notamment autour de quartiers résidentiels israéliens proches de la bande de Gaza, le 7 octobre 2023.

Des vidéos filmées dans le kibboutz de Beeri et analysées par nos équipes montrent deux hommes en tenue militaire tirer à bout portant sur une voiture, tuant le chauffeur et deux passagers avant d’entrer dans la communauté. On voit ensuite deux hommes armés emmener les trois corps à bord d’un véhicule.

Sur des images filmées plus tard ce même jour, six hommes en tenue militaire emmènent quatre personnes civiles qui ont les mains liées dans le dos. Une autre vidéo filmée au même endroit montre les corps sans vie de ces personnes.

Des vidéos contenant des images tout aussi choquantes, filmées dans les kibboutz de Kfar Aza, de Reim et le long de la route 232, ont été vérifiées : on y voit des hommes armés tirer à bout portant sur des voitures et sur un civil caché dans un abri antibombes.

La terrible attaque du festival de musique Nova

Lors d’une attaque des plus horribles au festival de musique Nova, au moins 260 personnes ont été tuées, tandis que d’autres sont toujours portées disparues. On y dénombre au moins 260 morts.

L'attaque a débuté vers 7 heures ou 7h30 du matin, par un déluge de roquettes tirées depuis Gaza, suivi par une incursion de combattants et de groupes armés. Le Laboratoire de preuves du programme Réaction aux crises a pu vérifier le lieu et l’heure de 18 vidéos, principalement filmées par des survivant·es. L’une de ces vidéos au moins semble avoir été filmée par des membres des groupes armés impliqués.

Sept vidéos authentifiées montrent des hommes armés ouvrir le feu sur des personnes civiles, avec comme bruit de fond des tirs ininterrompus. Cinq vidéos montrent des personnes en train de tenter de fuir, en traversant un champ voisin ou en se cachant derrière des buissons. Dans une vidéo, un homme armé tire directement sur un civil étendu au sol. Dans une autre vidéo, des hommes armés ouvrent le feu sur des voitures qui tentent de fuir le site du festival. Cinq vidéos montrent des prises d’otages.

Nous nous sommes entretenus avec une victime âgée de 22 ans. Dès le début de l’agitation, ce jeune homme a couru vers une zone boisée où il a creusé un trou avec les mains, puis il s’est enterré au milieu des arbres, se servant de tout ce qu’il trouvait pour recouvrir son corps. Il y est resté six heures et pendant ce laps de temps, il a entendu des tirs incessants. À un moment, il a levé la tête, juste assez pour voir des combattants tirer dans le dos de personnes qui s’enfuyaient.

Il a raconté :

Puis, j’ai vu qu’ils jetaient du carburant partout pour brûler la zone, et j’ai entendu et senti le feu. J’ai alors réalisé que je n’avais pas le choix : soit je partais et je me faisais tirer dessus, soit j’étais brûlé dans cette cachette. Je n’arrive pas à dormir la nuit, et je ne peux pas rester seul. Chaque fois que je ferme les yeux, je revois toute l’horreur de la scène – des cadavres partout, des personnes coincées dans leur véhicule en flammes, l’odeur du sang. 

Un jeune homme de 22 ans présent au festival de musique Nova

Yaacov Argamani, dont la fille Noa a été prise en otage, a déclaré qu’il a commencé à s’inquiéter samedi matin, lorsqu’il a entendu les sirènes et qu’il n’a pas réussi à contacter Noa :

« J’ai senti que quelque chose n’allait pas. J’ai eu un mauvais pressentiment. Je ne saurais pas dire pourquoi, mais je suis un père, et vous savez les parents sentent parfois que quelque chose ne va pas, sans pouvoir l’expliquer. Alors j’ai essayé de la contacter, mais en vain. »

Yaacov a appelé les hôpitaux à la recherche de sa fille, mais elle ne s’y trouvait pas. Il a ensuite reçu un appel téléphonique de quelqu’un qui lui a dit avoir vu une vidéo de Noa emmenée sur une moto vers la bande de Gaza. Il a déclaré à Amnesty International : « Je ne pouvais pas y croire, je ne l’ai admis que plus tard, lorsque j’ai vu d’autres vidéos, où je la voyais sur une moto, son petit ami dans un autre véhicule à côté d’elle, emmenés dans la bande de Gaza. Je ne fais que penser à elle. »

Uri David, dont les filles Tair et Hodaya David sont toutes deux portées disparues, a déclaré lors d’une conférence de presse le 9 octobre :

« Cela fait 48 heures et de nombreuses familles ne savent rien. Rien du tout. J’étais au téléphone avec mes filles hier matin. Elles étaient allongées par terre... J’entendais des bruits de fond, on se serait cru dans un champ de tir, des cris en arabe tout autour. J’ai entendu tout ça et je leur ai dit de se mettre par terre et de s’allonger, face à face, et de se tenir la main. Ne respirez même pas. Retenez votre respiration. Ce n’était pas facile. »

J’étais au téléphone avec elles pendant une trentaine de minutes. Jusqu’à ce que j’entende quatre respirations, très essoufflées, puis– plus rien. Je demande au monde entier de regarder ce qui se passe. Nous devons récupérer nos enfants, dès que possible. 

Uri David, dont les filles Tair et Hodaya David sont toutes deux portées disparues

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Nous appelons à la libération de tous les otages

Outre les horribles exécutions sommaires de civils qui ont eu lieu à plusieurs endroits dans le sud d’Israël, environ 200 otages ont été emmenés à Gaza, dont des enfants et des étrangers, selon les responsables israéliens.

L’enlèvement de civils est interdit par le droit international et la prise d’otages constitue un crime de guerre.

Toutes les personnes civiles retenues en otage doivent être libérées immédiatement, sans condition et saines et sauves. Toutes les personnes retenues prisonnières doivent être traitées avec humanité, conformément au droit international et bénéficier de soins médicaux.

Tous les civils qui ont été kidnappés, notamment les enfants, doivent être libérés immédiatement. Ces crimes doivent faire l’objet d’investigations dans le cadre de l’enquête menée par la Cour pénale internationale (CPI) sur les crimes commis par toutes les parties au conflit actuel.

Alors que la riposte des forces israéliennes s’abat sur Gaza, Amnesty International insiste sur le fait qu’un bain de sang contre la population civile à Gaza et des sanctions collectives ne permettront pas de garantir la sécurité ni de rendre justice 

Agnès Callamard

Nos demandes

📌 Nous lançons un appel urgent à un cessez-le-feu immédiat de toutes les parties afin de mettre fin aux crimes de guerre, de protéger les civil.es et de faire en sorte que l’aide humanitaire puisse parvenir à Gaza. 

📌 Nous demandons aux autorités israéliennes, ainsi qu’aux groupes armés palestiniens, de respecter strictement le droit international humanitaire : en prenant les précautions nécessaires pour réduire au minimum les dommages causés aux populations civiles et aux biens à caractère civil, et en s’abstenant de lancer des attaques illégales et d’infliger des sanctions collectives aux populations civiles.

📌 La communauté internationale doit tout mettre en œuvre pour que les parties au conflit respectent le droit international humanitaire, assurent la protection de tous les civil·es et exiger la libération de tous les otages.  

📌 Nous exhortons tous les groupes armés palestiniens de Gaza à libérer tous les otages civils immédiatement et sans condition, et à ne plus procéder à des tirs de roquettes sans discernement sur Israël.

📌 Israël doit se conformer aux principes du droit international, notamment aux principes de proportionnalité et de distinction, et ne doit pas imposer de sanction collective, se livrer à des représailles, ni déplacer des populations.

📌 Nous appelons Israël à s’abstenir de mener des attaques illégales qui tuent ou blessent des civils et détruisent des habitations et des infrastructures de caractère civil.

📌 Nous appelons Israël à faciliter la mise en place de couloirs humanitaires pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza, et à laisser passer en toute sécurité les personnes blessées et les civils qui souhaitent fuir le conflit armé.

📌 Le gouvernement israélien doit par ailleurs s’abstenir d’inciter à la violence et d’alimenter les tensions en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est, et garantir la sécurité de tous les civils vivant sous son contrôle.

📌 Nous demandons une nouvelle fois à Israël de mettre fin au blocus illégal de Gaza, instauré depuis 16 ans, ainsi qu'à tous les autres aspects du système d'apartheid israélien imposé à tous les Palestiniens et Palestiniennes.  

📌 Nous appelons à ce que les responsables des crimes répondent de leurs actes devant les juridictions compétentes. 

Le rôle de la CPI

En 2021, la Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête sur la situation dans l’État de Palestine. Son mandat couvre des crimes de droit international commis par toutes les parties au conflit, comme elle vient de le confirmer, ainsi que le crime contre l’humanité d’apartheid dont sont victimes les Palestinien·nes. Amnesty International engage le procureur de la CPI à accélérer la progression de cette enquête et à inclure les crimes récents commis par toutes les parties.

Ces dernières attaques en Israël doivent être considérées dans le contexte plus large de la situation en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. Amnesty International réaffirme dans les termes les plus forts que rien ne saurait justifier des crimes de guerre.

Les injustices et les violations des droits humains qui comptent parmi les causes profondes de cette violence doivent être traitées de toute urgence. Les populations civiles continueront de payer un lourd tribut tant qu’Israël n’aura pas démantelé son système d’apartheid à l’encontre des Palestinien·nes, ce qui suppose de mettre un terme au blocus illégal de Gaza.

Lire aussi : Les Palestinien·nes sont victimes d'un apartheid

Le droit humanitaire s'applique-t-il ? Oui !

Le droit international humanitaire s’applique dans les situations de conflit armé et impose des obligations à toutes les parties impliquées, à savoir protéger les populations civiles et réduire la souffrance humaine pendant la guerre.

Les combats entre les forces israéliennes et le Hamas et les groupes armés palestiniens sont régis par les règles sur la conduite des hostilités applicables, dont le droit international humanitaire coutumier. L’interdiction des attaques directes contre les populations civiles, des meurtres, des prises d’otage et des attaques menées sans discernement est particulièrement pertinente.

Un principe cardinal du droit international humanitaire veut que les parties au conflit ne dirigent jamais leurs attaques contre des civils et prennent toutes les précautions possibles pour éviter de leur porter préjudice et de causer des dommages à des infrastructures civiles.

Les attaques aveugles, notamment celles qui emploient des moyens de combat qui ne peuvent pas être dirigés contre un objectif militaire précis, comme les roquettes tirées par les groupes armés palestiniens depuis Gaza, sont également prohibées. Tout comme la prise d’otages, définie comme la capture ou la détention d’une personne accompagnée de menaces de la tuer, de la blesser, ou de continuer à la détenir afin de contraindre une tierce partie à accomplir un acte quelconque ou à s’en abstenir en tant que condition de la libération ou de la sécurité de l’otage.

Les violations des règles citées ci-dessus constituent des crimes de guerre entraînant une responsabilité pénale individuelle, qui s’étend à ceux qui ont planifié, approuvé et ordonné ces actes illégaux.

Israël : la sixième opération militaire majeure depuis 2007

Israël impose depuis 2007 un blocus terrestre, maritime et aérien contre la bande de Gaza, sanctionnant ainsi l’ensemble de la population. Les combats qui se déroulent en ce moment constituent la sixième opération militaire majeure impliquant Israël et les groupes armés de la bande de Gaza depuis cette date.

En juin, Amnesty International a publié son enquête sur l’offensive de mai 2023 contre la bande de Gaza, concluant qu’Israël avait illégalement détruit, souvent sans aucune nécessité militaire, des habitations palestiniennes, ces destructions constituant une forme de sanction collective infligée à la population civile.

Dans son rapport de février 2022, Amnesty International démontrait que les forces israéliennes avaient commis des actes interdits par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et la Convention contre l’apartheid à Gaza (ainsi qu’en Cisjordanie et en Israël), dans le cadre d’une attaque généralisée et systémique contre la population civile, dans le but de maintenir le système d’oppression et de domination des Palestinien·ne·s, ce qui constitue le crime contre l’humanité d’apartheid.

Pour consulter les précédents rapports d’Amnesty International sur les violations et les crimes commis dans le contexte des combats entre Israël et les groupes armés palestiniens, veuillez cliquer ici.

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Signez notre pétition

Demandez à Emmanuel Macron d’appeler à un cessez-le-feu immédiat de toutes les parties afin de mettre fin aux crimes de guerre, de protéger les civil.es et de faire en sorte que l’aide humanitaire puisse parvenir à Gaza. 

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