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URGENCE PROCHE ORIENT

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Edwy Plenel, fondateur du média d'investigation en ligne Mediapart, le 8 avril 2013 / ©Charles Platiau - REUTERS
Liberté d'expression

Projet Pegasus : le Maroc utilise le logiciel espion contre des journalistes français

Le Projet Pegasus fait des révélations fracassantes sur un système mondial d'espionnage de téléphones. Le Maroc est l’un des utilisateurs identifiés. Le consortium de journalistes qui a réalisé l'enquête, révèle que les services de renseignements marocains ont utilisé le logiciel espion Pegasus pour cibler notamment des journalistes français.

Comprendre le Projet Pegasus : ce projet est le fruit d'un travail conjoint entre un consortium de journalistes piloté par l'association Forbidden Stories et nos équipes d'Amnesty Tech. 17 médias internationaux ont pris part au projet. Les journalistes ont eu accès à une liste de plus de 50 000 numéros de téléphones, cibles potentielles du logiciel espion Pegasus. Nos équipes du Security Lab d'Amnesty International ont analysé certains de ces téléphones et ont pu confirmer qu'ils avaient bien été infiltrés par Pegasus.

Le Maroc est l’un des clients du logiciel Pegasus conçu par l'entreprise israélienne NSO Group. Il en fait un usage démesuré, qui viole les droits fondamentaux. D'après les données récoltées dans le cadre du Projet Pegasus, sur les 50 000 cibles potentielles du logiciel espion, le Maroc aurait, à lui seul, ciblé 10 000 numéros de téléphone.

Les recherches des journalistes confirment que le Maroc a utilisé Pegasus pour viser des journalistes et des responsables des grands médias du pays. Ces révélations sont encore plus fracassantes et inquiétantes car les services de renseignements marocains ont utilisé le logiciel pour cibler des journalistes au-delà de leurs frontières.

Contacté par le consortium de journalistes du Projet Pegasus, le Maroc nie en bloc.  

Lire aussi : Projet Pegasus révèle un système mondial d'espionnage de téléphones

Le téléphone d’Edwy Plenel infecté par Pegasus

Selon les enquêtes des médias comme Le Monde ou Franceinfo, une trentaine de journalistes français et patrons de presse ont été visés. Les services de renseignements du Maroc ont pu prendre le contrôle total de leur téléphone.

Parmi les journalistes ciblés, Edwy Plenel, fondateur du site d'investigation Mediapart. Son numéro figurait dans la liste des 10 000 personnes, cibles potentielles des autorités marocaines. Il a accepté que nos équipes d’Amnesty Lab procèdent à un examen de son téléphone portable. Après une analyse minutieuse, le constat est sans appel : le téléphone d'Edwy Plenel a bien été infecté par le logiciel israélien Pegasus pendant au moins trois mois, selon Franceinfo.

Comment et pourquoi un journaliste français a-t-il été ciblé par les autorités marocaines ?

Via le logiciel Pegasus, le Maroc a pu avoir accès à tout le contenu du téléphone d'Edwy Plenel. Suite à ces révélations, Mediapart a porté plainte.

Selon les révélations des médias partenaires, Edwy Plenel a été visé par le logiciel après avoir assisté à un festival culturel au Maroc. Il avait été invité par le journal indépendant Le Desk. Lors de cette rencontre, Edwy Plenel a pris la parole sur le mouvement du Hirak marocain et sur la répression des manifestations. Peu après cette rencontre, Pegasus s’est infiltré dans son téléphone.

Nos vérifications permettent d'établir que les dates de son déplacement au Maroc et l'intrusion du logiciel espion correspondent.

Lenaïg Bredoux, une autre journaliste de Mediapart a aussi été ciblée. Ses enquêtes portent surtout sur les questions de violences sexuelles. Parmi les victimes françaises d'espionnage, on trouve aussi les noms de Dominique Simonnot, ancienne journaliste au Canard Enchaîné, aujourd'hui contrôleuse générale des lieux de privation de liberté.

Les journalistes marocains visés sont en danger

Le Maroc est tristement célèbre pour la répression menée contre les journalistes indépendants et les dissidents. Nous avions déjà documenté, avec Citizen Lab, l'utilisation du logiciel espion Pegasus contre le journaliste Omar Radi, du média marocain LeDesk. Nous avons appris aujourd’hui, lundi 19 juillet, qu’il avait été condamné à six ans de prison à l’issue d’un procès entaché par des violations flagrantes des règles de procédure pour des accusations d’espionnage et de viol.

Condamner quelqu’un à six années en prison après une procédure aussi viciée, ce n’est pas de la justice. Les autorités marocaines doivent de toute urgence lui accorder un nouveau procès conforme aux normes internationales en la matière.

Amna Guellali, directrice régionale adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International. 

Le Projet Pegasus vient confirmer que les autorités continuent de surveiller des journalistes marocains. Le logiciel est utilisé de façon systématique contre des personnes qui critiquent le pouvoir.  

Des journalistes de médias indépendants marocains sont les premiers visés. Ils sont nombreux à être dans la liste des cibles potentielles de Pegasus. Parmi les numéros visés, celui de Taoufik Bouachrine, directeur du journal Akhbar Al-Yaoum ou Ali Amar, fondateur du Desk. On peut aussi citer Omar Brousky, ancien correspondant de l'AFP qui a écrit des livres critiques sur le pouvoir.

C’est vraisemblablement en raison de leurs activités journalistiques et militantes qu’ils ont été pris pour cible par les autorités marocaines.

Le Maroc, comme les autres autorités mises en cause par ces révélations, a recours à la surveillance numérique pour réprimer l’opposition et contrôler le discours public. Le nombre de journalistes identifiés comme cibles montre que Pegasus a été utilisé comme outil d’intimidation des médias critiques du pouvoir. Ces méthodes d'attaque silencieuse mettent en grave danger les personnes qui défendent les droits humains. Ces pratiques illégales d’espionnage et de harcèlement généralisé des militants et des journalistes, doivent cesser.

NSO Group doit bloquer l'accès de ses clients au logiciel dès lors qu'il existe des preuves crédibles d’utilisation abusives de son logiciel espion, comme celles que ces révélations fournissent. Nous demandons également la mise en place d'un moratoire sur la vente et le transfert d'équipements de surveillance jusqu'à ce qu'un cadre réglementaire approprié en matière de droits humains soit mis en œuvre.

Agir

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Le Projet Pegasus, ce travail d’enquête d'une grande ampleur, nous avons pu le mener grâce au soutien de nos membres, donateurs et donatrices. C’est par ce soutien que nous pouvons enquêter, alerter et agir en toute impartialité et indépendance.