La France et plusieurs autres États ont reconnu officiellement l’État palestinien ce 22 septembre, rejoignant les 147 États ayant reconnu son existence. Si cette reconnaissance est une avancée de la diplomatie française au Proche-Orient, elle n’aura aucun effet sur l’exécution du génocide en cours dans la bande de Gaza, et l’intensification de la colonisation en Cisjordanie occupée. Il est urgent que la France reconnaisse le génocide en cours dans la bande de Gaza et qu’elle prenne les mesures nécessaires pour y mettre un terme.
Elle doit notamment se mobiliser en faveur de l’instauration d’un embargo complet sur les armes et biens à double usage à destination d’Israël et exécuter les mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI).
Alors qu’une offensive majeure de l‘armée israélienne est lancée depuis quelques jours sur la ville de Gaza, une Commission d’enquête des Nations unies vient de conclure qu’Israël commet un crime de génocide dans la bande de Gaza.
La publication de ce rapport intervient alors que plusieurs organisations internationales de défense des droits humains (Amnesty International, Human Rights Watch, FIDH), israéliennes (B’Tselem, Physicians for Human Rights), et palestiniennes (Al Haq, The Palestinian Centre for Human Rights, et d’autres) ont qualifié la situation en cours dans la bande de Gaza de génocide, et que cette qualification juridique fait désormais l’objet d’une acceptation majoritaire de la part des juristes, historiens et experts internationaux des crimes de génocide.
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Si la reconnaissance de l’Etat palestinien est une étape importante pour la diplomatie française, elle n’arrêtera pas le génocide en cours dans la bande de Gaza, où les bombardements massifs et indiscriminés s'abattent quotidiennement sur des civils condamnés à la famine, la privation de soins médicaux, et l’errance d’un camp de tentes insalubre à un autre. Alors que les déclarations américaines et israéliennes sur une future Riviera laissent présager d’un plan d’expulsion massif et forcé des palestiniens de la bande de Gaza, constitutif d’un nouveau crime de guerre, il est temps que la France reconnaisse ce génocide et prenne des mesures urgentes et concrètes pour le stopper.
Anne Savinel-Barras, Présidente de Amnesty International France.
Le processus de reconnaissance de l’État de Palestine a commencé en 1988 lors de la Déclaration d'indépendance de la Palestine par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). 82 Etats avaient reconnu officiellement l’État palestinien dans les mois qui ont suivi.
Une vague de nouveaux pays a reconnu l’État de Palestine depuis les événements qui ont suivi le 7 octobre 2023. L’Espagne, l’Irlande, la Slovénie et la Norvège l’ont reconnu en mai 2024. A cette liste s’ajoutent d'autres pays comme la France, le Royaume-Uni, l’Australie et le Canada qui ont reconnu l’État palestinien en septembre 2025.
Aujourd’hui, 158 des 193 pays membres de l’ONU reconnaissent l’État de Palestine.
Dans nos divers rapports et documents, nous faisons référence à “l'État de Palestine” conformément à la reconnaissance par l'ONU en 2012 de la Palestine en tant qu'État observateur non-membre. L'Assemblée générale des Nations unies a donné des instructions pour que la dénomination « État de Palestine » soit adoptée dans tous les documents officiels.
De plus, les autorités palestiniennes désignent également Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est comme l'État de Palestine.
Notre travail consiste principalement à veiller à ce que les États et les autres acteurs respectent leurs obligations en matière de droits humains. En tant qu’organisation impartiale et apolitique, nous ne prenons pas position sur les questions relatives à la souveraineté d’un État, aux frontières ou aux différends territoriaux. C'est pourquoi nous ne prenons pas position sur la solution à un ou deux États dans le cas d’Israël et du territoire palestinien occupés. Notre seul combat est que toute solution politique soit fondée sur le respect des droits humains.
Ainsi, dans le cadre d’une solution politique, notre seule et unique préoccupation serait que celle-ci inclut la levée du blocus et la fin du génocide à Gaza, la garantie du démantèlement des colonies illégales, la fin de l'apartheid, la garantie de l'égalité des droits pour les Palestinien·nes et les Israélien·nes, le respect du droit au retour des Palestinien·nes et la défense des droits des victimes à la justice et aux réparations.
La reconnaissance d’un État palestinien par la France ne l’exonère en effet pas de ses obligations résultant de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948.
La France doit de toute urgence mobiliser ses partenaires au sein de l’Union européenne pour que des sanctions soient enfin prises contre Israël et ses dirigeants, que l’accord d’association de l’Union européenne avec Israël soit suspendu, et qu’un embargo total sur les armes soit adopté. Un cessez-le feu immédiat doit entrer en vigueur et le blocus illégal infligé aux populations civiles de la bande de Gaza doit être levé afin que l’aide humanitaire nécessaire puisse entrer. Les otages retenus à Gaza doivent être libérés immédiatement et sans conditions.
La France doit par ailleurs respecter ses engagements et soutenir l’action de la justice internationale, alors que la Cour Pénale Internationale (CPI) fait l’objet de sanctions américaines et que l’impunité généralisée entraîne chaque jour de nouvelles exactions contre les populations palestiniennes de la bande de Gaza et en Cisjordanie occupée.
Elle doit revenir sur sa décision de ne pas exécuter les mandats d’arrêts de la CPI pour tout officiel israélien poursuivi, si celui-ci se trouve sur le sol français, à commencer par le premier ministre Benyamin Nétanyahou. Elle doit également interdire tout survol de son territoire pour ces mêmes officiels.
La reconnaissance de l’Etat Palestinien n’empêchera pas les expulsions illégales et violentes des civils palestiniens qui ont actuellement lieu en Cisjordanie occupée, dans le cadre d’une colonisation ininterrompue depuis 1948. Elle ne stoppera pas non plus la relégation des palestiniens d’Israël au rang de sous-citoyen, au sein d’une société d’apartheid que nous dénonçons depuis 2022.
Anne Savinel-Barras.
Le témoignage de Rami Abou Jamous, journaliste à Gaza
Chaque jour, le journaliste gazaoui Rami Abou Jamous raconte sous forme de notes vocales ce qu’il se passe à Gaza. Il réagit sur cette reconnaissance trop tardive de l’État palestinien pour son peuple qui se meurt à Gaza sous les bombardements incessants de l’État Israélien.
“Malheureusement, cette reconnaissance d'un État palestinien, c'est comme quelqu'un qui est en train de reconnaître quelqu'un avant de s'éteindre. On te dit voilà, on te reconnaît. Maintenant, tu peux t'éteindre tranquillement, tu peux t'éteindre fier parce qu'à la fin, 70 ans après, on te reconnaît.”
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