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Qatar 2022 

un an pour mettre fin à l’enfer des travailleurs migrants

Des ouvriers posent le gazon à l'intérieur du stade Lusail, lieu de la finale de la Coupe du monde du Qatar 2022, Lusail, Qatar, le 18 novembre 2021. Hamad I Mohammed/REUTERS

À un an de la Coupe du monde de football de 2022, le temps presse pour que le Qatar change le quotidien des travailleurs migrants exploités et maltraités.

L’horloge tourne, mais il n’est pas trop tard pour améliorer le quotidien de millions de travailleurs migrants au Qatar. Depuis 2010, des milliers de travailleurs migrants sont décédés sur les chantiers de la Coupe du monde. Et ils sont encore des milliers à vivre un véritable enfer.  

Si des changements juridiques ont été introduits depuis 2017 au Qatar, notre dernière analyse de la refonte du système de travail dans le pays (Reality Check) montre que, depuis un an, les progrès stagnent. Certaines réformes récentes ne sont toujours pas appliquées. Pire, d’anciennes pratiques abusives refont surface.  

L’enfer derrière les paillettes 

Ils ont tout quitté pour gagner leur vie et subvenir aux besoins de leur famille. Ils sont partis travailler sur les chantiers, mais aussi comme femme de ménage, chauffeur de taxi ou serveur dans les restaurants et hôtels au pays de la Coupe du Monde de football en 2022... En réalité, ils se retrouvent piégés dans l’enfer qatarien.  

« Nous avons suivi les cas de six personnes mortes au Qatar en raison de leurs conditions de travail, à chaque fois le certificat de décès parlait de cause naturelle ou de problème cardiaque »

Passeports confisqués, travail dans des conditions extrêmes sous 40 degrés et sans limite d’horaire, salaires dérisoires ou suspendus pendant des mois, obligation de continuer pour un employeur qu’ils veulent quitter… Des milliers de travailleurs migrants sont exploités, maltraités au Qatar. Pire, des milliers d’entre eux sont morts. Des décès prématurés et de grande ampleur constatée depuis 2010 et qui ont un lien évident avec les conditions de travail inhumaines auxquelles les travailleurs sont soumis. Pourtant, le Qatar continue de nier.  

A lire aussi : Notre tribune "Un peu de sport, énormément d'argent et des violations massives des droits humains"

« Nous avons suivi les cas de six personnes mortes au Qatar en raison de leurs conditions de travail, à chaque fois le certificat de décès parlait de cause naturelle ou de problème cardiaque » explique Lola Schulmann, notre chargée de plaidoyer sur cette question. Jamais les autorités qataries n'ont accepté d’enquêter sur leur mort, privant les familles de tout droit de recours. 

« Il y a un an, nous avions de l’espoir, les lois avaient été votées. Mais depuis, on voit que des entreprises font pression sur le gouvernement, car ces réformes ne leur permettent pas d’avoir une main-d’œuvre malléable » reprend-elle. De fait, la nouvelle réglementation ne prévoit toujours pas de périodes de repos obligatoires malgré les températures parfois insoutenables, des horaires illimités. Et les travailleurs migrants restent privés du droit de former des syndicats et d'y adhérer. 

Un travailleur met la touche finale au stade Al Bayt, l'un des sites de la Coupe du monde du Qatar 2022, le 17 novembre 2021. Crédit : Hamad I Mohammed/REUTERS

Promesses en papier 

Depuis 2017 pourtant, le Qatar a fait un certain nombre de réformes positives qui auraient dû améliorer le quotidien des travailleurs migrants. Le pays a par exemple adopté une loi réglementant les heures de travail des employés de maison, créé des tribunaux spéciaux pour faciliter l’accès des travailleurs à la justice et un fonds pour soutenir le paiement des salaires impayés, et instauré un salaire minimum.  

« Le changement est apparu sur le papier, mais pas sur le terrain. (…) La situation est encore épouvantable »

En août 2020, le Qatar avait même adopté deux lois qui devaient permettre aux travailleurs migrants de pouvoir quitter le pays et changer d'emploi sans l'autorisation de leur employeur (en supprimant l'obligation d'obtenir un permis de sortie et un certificat de non-objection, CNO, de la part de leur employeur). 

Problème : ces lois ne sont pas appliquées.

L'exploitation à grande échelle se poursuit 

« Le changement est apparu sur le papier, mais pas sur le terrain. (…) La situation est encore épouvantable » reproche Jacob*, travailleur migrant, au Qatar depuis plus de cinq ans.  

Un constat partagé par Aisha, employée dans le secteur de l'hôtellerie, qui a refusé de signer un nouveau contrat proposé par son employeur. Résultat : il lui a réclamé 6 000 QR (1 650 USD), soit plus de cinq fois son salaire mensuel, en échange de son autorisation pour qu’elle change d’employeur. Aisha a dénoncé ces abus et a porté plainte auprès du ministère du Développement administratif, du Travail et des Affaires sociales (MADLSA). En vain.  

Toute cette situation a eu un fort impact sur moi et ma famille dont je suis le principal soutien. (…) Parfois, j'ai l'impression de ne pas vouloir me réveiller le matin

Aisha, employée dans le secteur de l'hôtellerie au Qatar

Comme elle, de nombreux travailleurs migrants, et notamment les travailleuses domestiques, continuent d’être pris en otage par des employeurs peu scrupuleux. Commerce de CNO, vol de salaires, accusation de « fuite » pour faire annuler leur permis de séjour au Qatar… De nombreux travailleurs migrants n’ont pas d’autre choix que de rester dans leur emploi actuel, à la merci de leurs employeurs, ou de quitter le pays. 

Le salaire est très faible. Le travail est dur. Nous travaillons à l'extérieur dans ce climat difficile. Je disais au directeur général : "J'ai mon enfant, ma famille". Je recevais très peu, 900 QR (247 $ US). Et j'avais la possibilité de changer (de travail), mais ils ont refusé de me libérer.

Wilson, paysagiste pour une entreprise au Qatar pendant plus de trois ans

[Il y a] beaucoup de raisons pour lesquelles j'ai peur. J'ai peur que la police m'attrape. J'ai peur qu'ils me renvoient aux Philippines. J'ai vraiment besoin de subvenir aux besoins de ma famille, car je suis une mère célibataire de quatre enfants et je soutiens également mes parents. Honnêtement, je ne sais pas quoi faire.

Sara, employée de maison depuis deux ans et demi au Qatar

« L'apparente complaisance des autorités expose des milliers de travailleurs au risque d'être exploités par des employeurs sans scrupules », alerte Mark Dummett, notre directeur du programme Thématiques mondiales. « Et après la Coupe du monde, le sort des travailleurs migrants au Qatar sera encore plus incertain ». 

Droit au but 

Le Qatar est l'un des pays les plus riches du monde, mais son économie dépend des deux millions de travailleurs migrants qui y vivent. Chacun d'entre eux a le droit d'être traité équitablement au travail et d'obtenir justice et réparation lorsqu'il est victime d'abus.  

Au lieu de chercher à se donner bonne figure sur la scène internationale en affichant des réformes de façade peu ou pas appliquées, le Qatar doit prendre des engagements forts, en pénalisant les employeurs qui enfreignent les lois et en protégeant les droits des travailleurs. 

La FIFA, organisatrice de la Coupe du monde, a elle aussi un rôle à jouer. Elle est responsable de l’identification, la prévention, l'atténuation et la réparation des risques pour les droits humains liés au tournoi. Il est urgent qu’elle fasse entendre sa voix pour exiger du gouvernement du Qatar qu’il applique son programme de réformes du travail avant le match d'ouverture de la Coupe du monde. Avant qu’il ne soit trop tard. 

Agir

QATAR 2022 : LA FIFA DOIT METTRE FIN À L’EXPLOITATION DES TRAVAILLEURS MIGRANTS 

Ils sont des millions à avoir migré au Qatar pour travailler sur les chantiers de stades, de routes ou de métros, pour servir les joueurs et supporters dans des hôtels et restaurants. Mais derrière les paillettes de cet événement sportif, les travailleurs souffrent et risquent leur vie.

Demandez à la FIFA de mettre fin à l’exploitation de ces travailleurs au Qatar !