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Des policiers et gendarmes évacuent un camp à Stalingrad à Paris où des dizaines de demandeurs d'asile majoritairement afghans étaient installés / © Anna Margueritat Hans Lucas via AFP

Des policiers et gendarmes évacuent un camp à Stalingrad à Paris où des dizaines de demandeurs d'asile majoritairement afghans étaient installés / © Anna Margueritat Hans Lucas via AFP

Personnes réfugiées et migrantes

Comment la France viole le principe de non-refoulement

Elles sont d’origine iraniennes, syriennes, tchétchènes et elles sont réfugiées en France. De retour dans leur pays, ces personnes risquent le pire. Pourtant, la France procède à des expulsions et à des tentatives d’expulsions vers des pays à haut risque. Ce faisant, la France viole l’un des piliers du droit d’asile : le principe de non-refoulement.

22.03.2024

En décembre 2023, la France a procédé l'expulsion d'un Soudanais vers son pays d'origine via l'Egypte alors que le Soudan est en proie à un confit armé sanglant depuis près d'un an. Nous avons d'ailleurs recensé plusieurs violations qui constituent des crimes de guerre.

Malgré cela, les autorités françaises ont aussi continué d'enfermer en vue de leur expulsion des demandeurs d'asile soudanais, dont six ont été placés en centre de détention administrative (CRA) en octobre 2023 et janvier 2024. Plusieurs laissez-passer consulaires ont été délivrés en vue de permettre leur expulsion vers le Soudan via Le Caire.

Les droits fondamentaux - notamment le droit à la vie et le droit de ne pas subir de traitements inhumains et dégradants – sont mis en danger pour satisfaire l’objectif d’une augmentation des expulsions.

Nous demandons aux autorités françaises une cohérence entre le constat partagé de la gravité du conflit au Soudan, et leurs pratiques en matière d’asile, d’enfermement et d’expulsion, en protégeant sans exception tous les demandeur.se.s d’asile soudanais·e·s en France. Il est urgent que la France remette les droits fondamentaux au cœur des politiques migratoires et se conforme aux obligations qu’impose le droit international.

On ne peut pas renvoyer une personne dans un pays où elle risque sa vie, la torture ou les mauvais traitements : c’est le principe de non-refoulement, un principe général en droit international, énoncé à l’article 33 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

Lire aussi : Loi « asile et immigration », le recul historique de la France

Ces dernières années, la France a tenté d’expulser plusieurs personnes illégalement, violant, en toute connaissance de cause, les règles internationales et européennes sur le principe de non-refoulement. En novembre 2023, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a même outrepassé une interdiction d’expulsion prononcée par la Cour européenne des droits de l’homme.

Voici plusieurs cas d’expulsions ou de tentatives d’expulsions illégales des autorités françaises que nous avons documentés. 👇

Expulsions vers la Russie

Les expulsions de réfugiés vers la Russie sont illégales en droit international, en raison du principe de non-refoulement.  

La France tente de renvoyer des Caucasiens du Nord, notamment des personnes tchétchènes, vers la Russie.

Dans notre rapport intitulé « Le point de non-retour », publié en janvier 2023, nous estimons à 60 le nombre de personnes qui risquent d'être expulsées. Nous connaissons la situation dans la région : ces personnes sont menacées si elles retournent en Russie. Un homme refoulé par la France en Russie a subi des actes de torture et est décédé en détention en 2022.  

Le risque d’expulsion depuis la France vers la Russie a considérablement augmenté après l’attentat d’Arras, le 13 octobre 2023, lorsqu’un homme originaire du Caucase du Nord a poignardé un enseignant. « Cet attentat atroce, ce crime abominable, ne doit pas servir de prétexte pour envoyer des personnes, à qui on n'a rien reproché de façon factuelle, à la mort ou à la torture. » déclare Jean-Claude Samouiller, président d’Amnesty International France.

Notre rapport complet sur le renvoi des pays européens de personnes du Caucase du Nord vers la Russie

Les États européens qui expulsent illégalement

La France n’est pas le seul pays à expulser illégalement des Nord-Caucasiens vers la Russie . Notre rapport pointe aussi du doigt la Croatie, l’Allemagne, la Pologne et la Roumanie. Les autorités de ces pays, en tentant d’expulser vers la Russie des personnes qui risquent d’y être torturées, violent le principe de non-refoulement. Nils Muiznieks, le directeur du bureau Europe d’Amnesty International déclare : « Il est scandaleux de constater que plusieurs États européens, alors qu’ils affirment avoir gelé toute coopération judiciaire avec la Russie à la suite de son invasion massive de l’Ukraine, menacent de renvoyer des personnes ayant fui les persécutions dans le Caucase du Nord à l’endroit même où ces atteintes ont été commises. »

Expulsions vers l’Iran  

Les expulsions de réfugiés vers l'Iran sont illégales en droit international, en raison du principe de non-refoulement.

Les Iranien·nes qui cherchent refuge hors d'Iran sont considéré·es par les autorités de leur pays avec beaucoup de suspicion. Les risques qu'elles encourent en cas de refoulement vers l’Iran sont considérables.

Malgré les risques encourus et la situation déplorable des droits humains en Iran, la France a tenté plusieurs fois d’expulser des personnes exilées iraniennes.  

Le 23 avril 2023, une Iranienne s’est vu notifier une obligation de quitter le territoire par la préfecture de l’Aude et a été enfermée au centre de rétention administrative (CRA) de Toulouse pour être expulsée vers l’Iran, en dépit des risques de persécution en cas de retour vers son pays d’origine. Elle a finalement été libérée pour raisons de santé. 

Alors que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, déclarait le 25 janvier 2023 devant le Sénat : « Je puis vous assurer que nous n’expulserons personne vers l’Iran », l’administration française continue de notifier des décisions d’expulsion vers l’Iran, mettant en danger la vie de ces personnes ainsi que celle de leurs familles.

Expulsions vers la Syrie

Les expulsions de réfugiés vers la Syrie sont illégales en droit international, en raison du principe de non-refoulement.  

La Syrie n’est pas un pays sûr. Les personnes réfugiées qui y retournent s’exposent au risque de graves violations des droits humains : viols, tortures, disparitions. C’est ce que nous avons documenté dans un rapport publié en 2021 et qui, pour la première fois, faisait état de ce qu’il se passe pour les personnes réfugiées de retour en Syrie après des années d’exil.

Et pourtant, des préfectures françaises ont tenté d’expulser deux personnes vers la Syrie en octobre 2022. Une décision qui viole, là encore, le principe de non-refoulement. Notre rapport montre que les personnes réfugiées qui retournent en Syrie risquent d’être persécutées simplement parce qu’elles ont cherché refuge à l’étranger. En menaçant de renvoyer des personnes en Syrie, la France livre des laissez-passer vers la mort. Nous ne pouvons l’accepter.

Ces expulsions et tentatives répétées marquent des atteintes flagrantes et frontales à l’État de droit. Dans un contexte français marqué par une politique migratoire axée sur la fermeté, notre mobilisation est des plus essentielles : pour ramener la France à ses engagements et pour ramener les droits humains au cœur des décisions politiques.