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Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU © Mike Segar

Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU © Mike Segar

Liberté d'expression

Lettre ouverte aux États membres de l’ONU : inclure les femmes est primordial pour la paix

A l’occasion du 20ème anniversaire de la résolution historique 1325, nous lançons, avec 557 autres associations, un appel aux États membres de l’ONU pour que les femmes soient au cœur de tous les processus de paix et de sécurité.

Chères Ambassadrices, Chers Ambassadeurs,

Il y a 20 ans, les architectes de la Résolution 1325 ont à jamais marqué l’histoire, non seulement en révélant las enjeux violents et disproportionnés des conflits pour les femmes et les filles à travers le monde, mais aussi en reconnaissant l’importance de leur participation égale à toutes les dimensions de la paix et de la sécurité. Néanmoins, c’est en considérant ces principes fondateurs du programme sur les Femmes, la Paix et la Sécurité (FPS) que, bien qu’ayant évolué, ces mots reflètent un discours rhétorique et non la réalité vécue par 264 millions de femmes et filles vivant dans des situations de conflit dans le monde.

La participation égale des femmes a été une des revendications principales faites jusqu’à présent par plus de 138 femmes leaders de la société civile et originaires de 32 pays, dans leurs déclarations au Conseil de Sécurité de l’ONU. Vous avez entendu les récits de femmes dans la province du Nord-Kivu en République Démocratique du Congo qui, en revendiquant leur droit de participer aux processus de paix, ont été rejetées sous prétexte « qu’il n’existe que deux camps dans un conflit » et que les femmes n’en font pas partie ; de femmes afghanes appelant la communauté internationale à les soutenir et à promouvoir le maintien de leurs droits dans l’établissement d’un accord de paix ; ainsi que celui de femmes syriennes, yéménites et soudanaises, déclarant à l’unisson qu’un futur démocratique dans leurs pays respectifs n’est pas envisageable sans la participation égale des femmes. Les femmes de la société civile ont aussi revendiqué une plus grande inclusion et représentation de toutes les communautés, y compris celles les plus marginalisées — telles que de femmes issues de communautés ethniques à travers le Myanmar ; de femmes colombiennes afro-descendantes, indigènes, rurales et LGBTI ; et de femmes palestiniennes, qui connaissent la plus longue occupation de l’histoire.

Leur message collectif est net : les processus de paix officiels ont systématiquement échoué dans l’intégration des femmes et ont à ce titre reproduit les mêmes inégalités et discriminations qui sont à l’origine de conflits et de violences.

Ces 20 dernières années sont la preuve des causes et des enjeux de l’inégalité des genres et de l’exclusion des femmes. Soixante-dix-neuf pourcents des conflits armés ont eu lieu dans des contextes où la discrimination basée sur le genre est élevée et les investigations ne cessent de démontrer que l’inégalité des genres est à l’origine même des conflits. De plus, la conséquence de l’exclusion des femmes des processus de paix est visible dans les conflits à travers le monde : les huit accords de paix passés en République centrafricaine ces dernies années, ainsi que les neuf initiatives de paix adoptées en Libye au cours des cinq dernières années n’ont pas inclus les femmes de manière significative ; la situation dans ces deux pays continue de se détériorer. Cette exclusion a aussi été observée dans d’autres contextes, comme à Haïti, en Iraq et en Somalie, où les mêmes conclusions ont pu être tirées : des processus qui ne parviennent pas à inclure tous les membres de la société aboutissent à des accords qui ne reflètent pas leurs priorités et leurs droits, préparant le terrain pour d’autres conflits.

Les objectifs liés aux Femmes, à la Paix et à la Sécurité sont une paix durable et la sécurité pour tous ; la prévention de conflits et la garantie d’une paix durable sont pour cela les forces motrices de l’inclusion et de la participation entière, égale et significative des femmes, tout en prenant compte de leur diversité.

Une participation entière, égale et significative se traduit par une inclusion directe, réelle et formelle des femmes de populations diverses, afin qu’elles puissent influencer les résultats des négociations et d’autres processus et en garantir l’exécution. La participation sans capacité d’influencer les résultats n’est nul autre qu’une observation. Garantir une participation significative exige le démantèlement des inégalités de genres et les discriminations systémiques ; l’abord des obstacles à la participation, y compris les structures patriarcales, la violence sexuelle basée sur le genre, le manque d’accès aux soins, ainsi que le manque d’accès aux informations sur les espaces où les processus de paix ont lieu et à la communication au sein de ces espaces ; et la certitude que les femmes de populations diverses soient inclues.

Les femmes défenseures des droits humains, en particulier les femmes défenseures de droits environnementaux, les femmes activistes pour la paix et la société civile font face aujourd’hui à une répression grandissante dans le monde — l’assassinat de femmes activistes en Colombie a augmenté de 50 % en l’espace d’un an et la répression bien documentée et systématique de femmes mobilisées contre les parties au conflit comme au Yémen et en Libye subsistent encore en tant que cause principale et symptôme de la disparition d’espace civique dans ces contextes. Les menaces et les attaques contre les défenseures des droits humains et les activistes pour la paix sont inadmissibles et servent à dissuader leur participation et leur leadership, en particulier dans les contextes où les femmes font déjà face à des obstacles culturels, politiques et économiques, parmi d’autres, les empêchant d’être politiquement engagées. Il est pour cela nécessaire de reconnaitre et de protéger le rôle indépendant et intégral des femmes dans la promotion des droits humains et de la paix et la prévention de conflits.

À l’occasion du 20ème anniversaire de l’adoption de la Résolution 1325, nous unissons nos voix à celles de femmes leaders et activistes à travers le monde afin de réaffirmer le principe fondateur du programme sur les Femmes, la Paix et la Sécurité — rien au-dessous de la participation entière, égale et significative des femmes dans tous les processus de paix et de sécurité n’est acceptable.

Nous sommes en accord avec le Secrétaire Général, M. Guterres, que « l’inégalité que subissent les femmes devrait faire honte à chacune et à chacun d’entre nous » et nous saluons son engagement à « faire tout le possible pour assurer la représentation des femmes à tous les niveaux décisionnels aux Nations Unies, y compris dans les processus de paix. » Etant donné l’attention renouvelée donnée à la paix et à la sécurité, y compris le changement climatique et les crises sanitaires telles que la COVID-19, par la communauté internationale, il est impératif que la participation des femmes soit placée au coeur de tous les processus.

Nous exhortons tous les Etats membres, les Nations Unies et les dirigeant.e.s internationaux à s’engager politiquement et à apporter leur soutien en exigeant la participation immédiate et formelle des femmes dans tous les processus de paix au sein de l’ONU et de faire tout le nécessaire pour garantir leur participation entière, égale et significative au sein de ceux-ci.

La participation directe et formelle des femmes est réalisable à travers :

• La mise en avant, l’allocation de ressources et le soutien actif de la participation entière, égale et significative des femmes et des filles de populations diverses à tous les niveaux de la paix et de la sécurité, y compris la prévention de conflits, les processus de paix et l’exécution des accords de paix.

• Le fondement de toutes les politiques, stratégies et programmes de paix et sécurité dans le droit international relatif aux droits de l’homme et dans le droit humanitaire international, tout en garantissant la totalité des droits humains de la femme dans les zones de conflit et dans les situations humanitaires.

• La prévention des menaces et des violences envers les femmes leaders et défenseures de droits et de la paix qui entravent leur future participation dans les processus de paix et de sécurité, y compris en soutenant leur travail et leur rôle dans la promotion de la paix et des droits humains.

• La responsabilité de tous les acteurs, y compris l’ONU et d’autres organisations régionales concernées, pour la participation des femmes de populations diverses à tous les processus politiques et de paix, de la conception jusqu’à leur mise en oeuvre, en passant par le monitoring.

L’année 2020 a connu un nouvel élan de mobilisations sociales pour lutter contre le racisme et pour revendiquer de profondes réformes structurelles, afin d’aborder les nombreuses inégalités révélées par une pandémie sans précédent. Le monde est en train de changer et tous les acteurs internationaux, y compris le Conseil de Sécurité et les Nations Unies, se doivent de suivre ce changement — maintenant plus que jamais, l’exclusion dans toutes ses formes est inadmissible, surtout dans la construction de la paix.

Le chemin de la paix durable et de l’égalité des genres exige une transformation structurelle, le respect des droits humains, une responsabilité collective et individuelle et la participation significative et entière des communautés touchées par le conflit. En octobre 2000, avant l’adoption de la Résolution 1325, les mouvements féministes et les défenseures des droits de la femme à travers le monde revendiquaient la reconnaissance du travail effectué par les femmes activistes pour la paix et l’obtention du même droit de participer à tous les processus de paix, sachant que la représentation égale est nécessaire pour atteindre ces objectifs. Il y a 20 ans, le Conseil a pris une décision courageuse en adoptant la Résolution 1325.

Aujourd’hui, nous vous appelons à garantir la mise en oeuvre globale des objectifs que nous avons construits ensemble.

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