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Des policiers évacuent les participants de la free-party organisée dans un champ à Redon, le 19 juin 2021, France / © Loic Venance - AFP

Des policiers évacuent les participants de la free-party organisée dans un champ à Redon, le 19 juin 2021, France / © Loic Venance - AFP

Liberté d'expression

France : des violences policières lors d’une free-party à Redon 

Les 18 et 19 juin 2021, une opération violente de maintien de l’ordre a été menée lors d’une free-party à Redon. Bilan humain : un jeune homme a eu la main arrachée, des gendarmes et des dizaines de participants ont été blessés. Enquête.

12 mars 2022

Classement sans suite

Le procureur de la République de Rennes a classé « sans suite » la plainte du jeune homme de 22 ans qui avait eu la main arrachée lors d’affrontements avec les forces de l’ordre pendant le Teknival de Redon.

Une main arrachée pour avoir voulu danser : c’est ce qui s’est passé en France, à Redon, dans la nuit du 18 au 19 juin 2021 lors d'une free-party.

Pendant sept heures d'affilée, les forces de l'ordre ont lancé des grenades sur des jeunes, dans des conditions extrêmement dangereuses, en pleine nuit, sans visibilité. Face à la gravité de ces faits, nous avons mené une enquête cet été pour analyser l’intervention des forces de l’ordre lors de cette free-party à Redon, appelée Teknival par les organisateurs, qui avait été interdite par la Préfecture.

Notre nouveau rapport intitulé « Redon : free-party de la répression » analyse l’usage abusif et illégal de la force exercée par la gendarmerie au moment de son intervention.

Dossier : Violences policières en France

Nous publions cette enquête alors que le président de la République, Emmanuel Macron, clôture cette semaine les consultations du « Beauvau de la sécurité » qui visaient à «moderniser la politique publique de sécurité au bénéfice des policiers, des gendarmes et de l'ensemble des Français. » Notre enquête montre bien une dérive du maintien de l’ordre lors des opérations des 18 et 19 juin à l'occasion du Tecknival de Redon.

Il est inacceptable que des opérations de maintien de l’ordre, a fortiori pour disperser un simple rassemblement festif, conduisent, à des blessures allant jusqu’à la mutilation. 

 Cécile Coudriou, présidente d’Amnesty International France.  

Méthodes de l'enquête. C'est Anne-Sophie Simpere, notre chargée de plaidoyer au programme Libertés qui a conduit cette enquête. Elle a mené des entretiens avec 12 personnes présentes sur place, a analysé plusieurs vidéos et a eu accès à 20 témoignages écrits fournis par des collectifs. Nous avons complété notre enquête par la consultation de sources médiatiques, de documents administratifs, de communiqués de presse, de déclarations de la Préfecture et par le compte rendu de l’association Techno+ relatant le déroulé des faits.

L’opération de police était-elle nécessaire et proportionnée ? Est-ce que lancer des grenades en continu a permis de maintenir l’ordre ? La force a-t-elle été le dernier recours ? Pour répondre à ces questions nous avons mené notre enquête en nous basant sur différentes vidéo prises pendant l’intervention de la gendarmerie, ainsi que sur une trentaine de vidéos postées sur les réseaux sociaux.

Selon les informations que nous avons analysées dans le cadre de notre enquête il apparaît que l’usage de la force lors des opérations de maintien de l’ordre à Redon, n’était ni nécessaire, ni proportionné au regard du droit international.

Retour sur une nuit de violences

Le 18 juin 2021, une free-party avait été annoncée à Redon en hommage à Steve Caniço, mort en 2019 après être tombé dans la Loire au cours d’une intervention violente de la police.

Intervention des forces de l'ordre en pleine nuit pendant la free-party organisée à Redon, le 18 juin 2021 / © Techno+

Les forces de l’ordre ont lancé en pleine nuit et pendant plus de sept heures des grenades lacrymogènes et assourdissantes sur la foule. 

Dans la soirée du 18 juin, des centaines de voitures ont convergé vers le lieu de rassemblement pour participer à cet événement festif. 1 500 jeunes étaient présents selon les autorités.

C’est à partir de 23h30 que 300 à 400 gendarmes, nombre fournit par les autorités, ont fait usage de la force en lançant des gaz lacrymogènes alors que, selon les informations que nous avons recueillies, aucune violence n’avait eu lieu parmi les participants.

Lire aussi : Gaz lacrymogènes, analyse d'un usage abusif à travers le monde

Les forces de l’ordre n’ont pas utilisé de mégaphone ou autres moyens pour communiquer avec les personnes présentes lors du Teknival. L’opération s’est déroulée en pleine nuit, dans un champ peu éclairé. Certains participants présents ont répliqué en envoyant des projectiles.

Vers 2h30 du matin, un jeune homme de 22 ans a eu la main arrachée après une explosion. Il a été évacué par d’autres participants, après que des gendarmes ont été prévenus. Cependant, ils n’ont pas fait venir les secours sur le site.

Qu’est-ce qui lui serait arrivé s’il avait perdu connaissance dans le champ et si on ne l’avait pas trouvé ? 

Katia, 31 ans, présente au Teknival

Sept heures de tirs, en pleine nuit, dans un champ, au milieu d’une foule. Les tirs se sont poursuivis jusqu’à 6h30 du matin. Le lendemain, en fin d’après-midi, les forces de l’ordre sont de nouveau intervenues de manière très violente, et ont détruit le matériel de sonorisation.

Sur ces deux jours, l’utilisation de ces armes a conduit à des dizaines de blessures : plaies, fractures, brûlures, mais aussi des crises de panique et de détresse respiratoire.

Des policiers évacuent les participants de la free-party organisée dans un champ à Redon, le 19 juin 2021, France / © Loic Venance - AFP

Dérive du maintien de l’ordre

Fallait-il risquer de mutiler des jeunes pour empêcher une fête ? Fallait-il lancer des grenades en continu pour maintenir l’ordre ? Notre enquête répond clairement à ces questions : l’opération du maintien de l’ordre à Redon n’était ni proportionnée, ni nécessaire.

Lire aussi : Nouveau schéma du maintien de l'ordre, une occasion manquée

En plus du jeune homme qui a eu la main arrachée, d’autres personnes ont été gravement blessées : une jeune fille a eu la joue trouée et plusieurs dents cassées par un éclat de grenade, alors qu’elle dormait. Un organisateur a eu des côtes cassées après avoir reçu un coup de matraque dans le dos.

Au-delà des blessures physiques, des témoignages font état de l’impact psychologique de l’opération de maintien de l’ordre sur les participants : difficultés à dormir, stress et traumatisme d’avoir vu une personne la main arrachée.

Quasiment toute notre équipe de volontaires a été mise en arrêt maladie après, à cause des impacts psychologiques . 

Ombline, 29 ans, infirmière et Présidente de Techno+

Onze gendarmes ont également été blessés, sans que nous ayons eu d'information sur la nature et l'origine de ces blessures.

Que l’interdiction du rassemblement ait été légitime ou non, les conditions du recours à la force posent de graves problèmes quant au respect des droits humains.

Inquiétude : Redon n’est pas un cas isolé  

Ce qui est particulièrement inquiétant, c’est que Redon n’est pas un cas isolé. Nous alertons sur les dérives du maintien de l’ordre depuis des années et notamment depuis le décès de Steve Caniço auquel ce Teknival entendait justement rendre hommage. Depuis plusieurs années, nous alertons aussi sur les mutilations et sur les graves blessures observées lors de manifestations.

Ce contexte de répétition des incidents appelle des réponses urgentes de la part des autorités françaises. De nouvelles stratégies sont nécessaires : elles doivent s’orienter vers des stratégies de dialogue et de désescalade pour éviter le recours à la force, assorties des formations et ressources pour les mettre en œuvre.

Les forces de l‘ordre doivent respecter les droits humains et les principes de base des Nations unies sur le recours à la force, afin de garantir la sécurité des personnes ! Il en va de leur légitimité : la confiance que leur accorde la population risque d’être altérée quand la force est utilisée de manière excessive, illégale ou abusive.  

Cécile Coudriou, présidente d’Amnesty International France 

Les forces de l’ordre ont besoin qu’on leur donne les moyens de respecter les droits humains. Les violences policières comme celles documentées à Redon ne peuvent pas devenir une norme. Des réformes structurelles, au-delà des annonces, doivent être engagées. 

Nos demandes 

S’assurer qu’une information judiciaire soit ouverte rapidement pour faire toute la lumière sur l’intervention des forces de l’ordre et les blessures infligées aux participants à l’événement, en particulier dans le cas de la personne ayant eu la main arrachée.      

Interdire l’usage des grenades de désencerclement et des grenades lacrymogènes assourdissantes dans le cadre du maintien de l’ordre  

Engager des réformes structurelles du maintien de l’ordre afin de mettre en place des stratégies de dialogue et de désescalade.  

Donner des instructions claires aux autorités locales et aux forces de l’ordre sur les conditions d’usage de la force et les risques encourus en cas d’usage illégal de la force.  

S’assurer que les autorités locales et les forces de l’ordre sont formées aux procédures et techniques de médiation, négociation et communication afin d’avoir la capacité de résoudre des situations de crise sans recourir à la force.  

Créer un organe indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes déposées contre les agents de la force publique.  

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Enquête sur des violences policières : soutenez-nous

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