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Conflits armés et protection des civils

Prison de Saidnaya : ils témoignent

Omar al-Shogre, un ancien détenu de Saidnaya avant et après sa détention © D.R.

La prison militaire de Saidnaya est un abattoir humain en Syrie. Nous nous sommes entretenus avec 31 hommes qui avaient été détenus dans cette prison,, ainsi qu’avec des anciens gardiens et responsables, juges et médecins..

Jusqu'à 13 000 personnes ont été exécutées à Saidnaya entre septembre 2011 et décembre 2015 , au cours d'horribles pendaisons de masse.

Le personnel administratif et l’absence de justice

Les détenus victimes d'exécutions extrajudiciaires à Saidnaya font d'abord l'objet d'un « procès » devant un tribunal militaire opérationnel.

Un ancien juge du tribunal militaire décrit la procédure :

[Le tribunal militaire opérationnel] n'est pas du tout obligé de se conformer au système juridique syrien. Il opère en dehors des règles... Les détenus y passent très peu de temps, une ou deux minutes seulement, avant d'être emmenés. Le juge demande le nom du prisonnier et s'il a commis le crime concerné. Qu'il réponde oui ou non, il sera déclaré coupable...

Ancien juge du tribunal militaire

Un ancien employé de la prison de Saidnaya a affirmé :

Si l'aveu est lourd, vous êtes envoyés au tribunal opérationnel... Dans tous les cas, sans exception, l'aveu a été extorqué sous la torture. Bien entendu, ils torturent les détenus de façon à ce qu'ils avouent des crimes plus graves.

Ancien employé de la prison

Des faux procès attestés

« Ziyad », un expert informatique de Homs qui a été « jugé » par le tribunal militaire opérationnel, nous a confié :

Bien sûr, [le procès] n'était pas équitable du tout. La justice et l'équité étaient absentes de la procédure. Vous avez les yeux bandés et vous êtes menotté, donc vous ne savez pas qui est le juge ni ce que vous avez signé. Évidemment que ce n'est pas de la justice.

« Ziyad », un expert informatique de Homs

« Nader », un homme d'affaire de Damas, a confirmé ces dires :

Je suis resté une minute devant le juge et un garde de la police militaire... Je suis entré avec 45 autres détenus, et en une heure tout le monde était passé devant le juge. Ils ne vous disent pas quelles charges sont retenues contre vous. Vous n'avez pas le droit à un avocat ou à un appel téléphonique. Vous n'avez pas de droits. »

Nader, un homme d’affaire de Damas

Gardien de prison ou victimes, les mêmes témoignages

À Saidnaya, les gardiens vont chercher les détenus qui sont condamnés à mort dans leur cellule au cours de l'après-midi et leur disent qu'ils vont être transférés vers l'une des prisons civiles de Syrie. Au lieu de cela, ils sont amenés dans une cellule au sous-sol du bâtiment, où ils sont détenus jusqu'au milieu de la nuit et violemment passés à tabac.

Lire aussi : L'horrible prison de Saidnaya

Un gardien de prison décrit le processus de rassemblement des détenus :

On aligne les détenus et ils se déplacent en position de « train »... On les rassemble tous de cette manière pour les emmener dans une salle en bas... Ils n'ont pas le droit de s'asseoir. C'est là qu'on commencer à leur crier dessus... On commence à les rouer de coups... On sait déjà qu’ils vont mourir de toute façon, donc on peut leur faire ce que l'on veut.

Un gardien de prison à Saidnaya

Les prisonniers ont expliqué qu'ils entendaient les cris des condamnés à mort passés à tabac.

De 10h du matin à midi, ou de 11h à 13h, on entendait des cris et des hurlements qui venaient d'en bas... C'est très significatif. Si vous ne faites pas de bruit, vous serez moins tabassé à Saidnaya. Mais ces gens hurlaient comme s'ils étaient devenus fous... Ce n'était pas un son normal, ce n'était pas un cri ordinaire. On aurait dit qu'ils les écorchaient vifs.

Nader, un ancien prisonnier

Des pendaisons de masse

Les détenus apprennent seulement à la toute dernière minute qu'ils vont être exécutés. Quand ils pénètrent dans la salle d'exécution, les détenus ont encore les yeux bandés. On leur dit d'exprimer leurs derniers souhaits et on leur fait apposer leur empreinte sur une déclaration qui atteste leur mort.

Certains étaient silencieux après avoir apposé leur empreinte, d'autres s'évanouissaient sur place. Mais ils ne savaient pas quand ça allait arriver ni comment : pendaison, peloton d'exécution, ou autre.

Un ancien officiel de la police

Après cela, pour les pendaisons, les détenus sont conduits sur les estrades, les yeux encore bandés.

Ils les laissent [se balancer] là pendant 10 à 15 minutes. Certains ne meurent pas parce qu'ils sont trop légers. Surtout les jeunes, car leur poids ne suffit pas pour les tuer. Des assistants les détachent alors et leur brisent la nuque.

Un ancien juge du tribunal militaire

Des morts chaque jour

D'après d'anciens détenus de Saidnaya, de nouvelles morts survenaient dans la cellule ou l'aile où ils se trouvaient chaque semaine, voire chaque jour. Ces morts étaient dues aux maladies, à la soif, à la malnutrition et aux blessures infligées au cours des passages à tabac et des actes de torture.

Pendant cette période [de février à juin 2014], il y avait une mort par jour dans ma cellule. On enveloppait le corps dans une couverture et on le plaçait à côté de la porte. Le matin, le garde venait. Le shawish [le prisonnier responsable de la cellule] devait dire « prêt, monsieur ». Le garde demandait toujours : « Vous avez une carcasse ? » Et le shawish répétait simplement « prêt, monsieur ». Et ils emmenaient le corps.

« Kareem », un ancien détenu,

Les noms ont été modifiés afin de protéger leur identité.

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