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Un enfant dans des ruines de Mossoul © Amnesty International

Un enfant dans des ruines de Mossoul © Amnesty International

Conflits armés et protection des civils

Mossoul : les civils pris au piège

Des centaines de civils ont été tués par des frappes aériennes alors qu'ils se trouvaient chez eux ou dans des lieux où ils s'étaient abrités, après que le gouvernement irakien leur avait recommandé de ne pas partir durant l'offensive menée pour reprendre la ville de Mossoul

Des victimes et des témoins habitant l'est de Mossoul ont expliqué qu’ils n'ont pas tenté de fuir face à la progression des combats, car les autorités en Irak leur avaient donné à plusieurs reprises pour instructions de rester chez eux. Au lieu d'évacuer les civils des zones reconquises afin de réduire le risque qu'ils ne soient blessés lors des attaques, les forces irakiennes les ont exposés à un grand danger en les encourageant à rester chez eux et en établissant des positions militaires à côté.

Des ordres du gouvernement irakien

Les autorités irakiennes ont conseillé à maintes reprises aux civils de rester chez eux et non de fuir la zone, et les forces de la coalition auraient donc dû savoir que ces frappes risquaient de se traduire par un nombre important de victimes civiles. Or, le droit international humanitaire interdit les attaques disproportionnées et les attaques menées sans discrimination, qui peuvent constituer des crimes de guerre.

Selon les instructions, les habitants qui n'avaient rien à voir avec Daesh [EI, en arabe] devaient rester chez eux... Nous les avons entendues à la radio... Des dépliants ont été largués par avion.

Waad Ahmad al Tai, un habitant du quartier d'al Zahra dans l'est de Mossoul

En outre, il était extrêmement difficile pour les habitants de Mossoul de fuir la ville à l'approche des combats, car l'EI punissait systématiquement, allant jusqu'à tuer, ceux qui étaient pris en train d'essayer de partir.

Nous dormions lorsque la maison s'est littéralement effondrée sur nous. C'est un miracle qu'aucun d'entre nous n'ait été tué.

Hind Amir Ahmad, jeune femme de 23 ans qui a perdu 11 membres de sa famille

Lors d'une autre frappe aérienne, 16 personnes sont mortes dans trois maisons adjacentes dans le quartier d'Hay al Mazaraa, à l'est de Mossoul, le 6 janvier 2017. Des victimes et des voisins ont déclaré que d'après ce qu'ils savaient, aucun combattant de l'EI n'était présent dans la maison ni aux abords. Parmi les victimes figuraient les trois enfants et la mère de Shaima Qadhem, qui avait été arrêtée et tuée par l'EI l'année précédente.

Cette famille a été prise pour cible par tous les belligérants. L’an dernier, Daesh a arrêté et exécuté la mère des enfants, et aujourd’hui ce sont eux qui ont péri dans un bombardement de la coalition.

Ahmad, un proche de la famille

Des familles entières tuées par des frappes de la coalition américaine

Le nombre choquant de victimes civiles, mortes lors des frappes aériennes de la coalition dirigée par les États-Unis ou lors des combats au sol opposant l'armée irakienne aux combattants de l'EI ces derniers mois, soulève de graves questions quant à la légalité de ces attaques. Il y a quelques jours, le 17 mars, jusqu'à 150 personnes auraient été tuées par une frappe aérienne de la coalition dans le quartier de Jadida, à l'ouest de Mossoul. Il s’agit de l'une des plus meurtrières depuis des années, ce qui a conduit la coalition à annoncer qu'elle avait ouvert une enquête.

Les éléments de preuve recueillis sur le terrain dans l'est de Mossoul pointent du doigt une politique de frappes aériennes menées par la coalition que dirige les États-Unis, qui ont détruit des maisons abritant des familles entières. Le nombre élevé de victimes civiles laisse à penser que les forces de la coalition menant l'offensive à Mossoul n'ont pas pris les précautions nécessaires pour épargner les civils, en violation flagrante du droit international humanitaire.

Mossoul - Irak

Des familles entières sont visées par les tirs de la coalition © Reuters

L'EI utilise des civils comme boucliers humains

Dans la plupart des cas sur lesquels nous avons enquêté où les frappes de la coalition ont fait des victimes civiles, les habitants qui ont survécu et des voisins ont déclaré que des combattants de l'EI étaient présents à l'intérieur ou aux abords des maisons ciblées .

L'EI utilise sans scrupules des civils comme boucliers humains. C'est une violation grave des lois de la guerre. Dans une zone d'habitation à forte concentration de civils, les risques pour la population sont énormes.

Les Daeshi [personnes affiliées à l'EI] étaient partout et nous ne pouvions absolument rien y faire. Si tu les défiais, ils te tuaient.

Mohammed, un habitant du quartier d'Hay al Dhubbat à l'est de Mossoul

Cependant, le fait que l'EI se serve de civils comme boucliers humains ne dégage pas les forces irakiennes et les forces de la coalition de l'obligation d'éviter de lancer des attaques disproportionnées.

Lire notre dossier : la reprise de Mossoul

Les mortiers de l’EI et des forces irakiennes

Les habitants confient que des civils ont été tués et blessés par des tirs de mortiers effectués sans discrimination, par les combattants de l'EI et les forces irakiennes, dans des zones fortement peuplées.

Des obus et des balles des deux camps volaient au-dessus de nos têtes... Des voisins ont été tués par des tirs de mortiers alors qu'ils se trouvaient à l'extérieur, et parfois à l'intérieur de leur habitation.

Ali, un habitant du quartier d'Hay al Salam à l'est de Mossoul,

D’après certains habitants, les forces irakiennes ont utilisé majoritairement des mortiers de 60 et 82 mm et, plus rarement, des mortiers de 120 mm, tandis que les combattants de l'EI utilisaient surtout des mortiers de 120 mm.

À Hay al Shuhada, à l'ouest de Mossoul, deux obus de mortiers se sont abattus près d'une maison où Garha Nawaf Sallal, 38 ans, s'était abritée avec sa famille. Sa petite-fille de sept ans a reçu des éclats d'obus à la tête, et les autres membres de la famille ont été blessés.

Les mortiers ne peuvent pas être dirigés avec précision sur une cible militaire. Ils sont destinés à être utilisés sur un champ de bataille et ne doivent jamais être employés dans des quartiers à forte population civile comme c’est le cas ici.

Une zone d’ombre

Dans certains cas, l'EI contrôlait les zones au moment des tirs de mortiers, ce qui laisse supposer qu'ils ont été tirés par les forces irakiennes cherchant à atteindre des combattants de l'EI dans le secteur. Il est également possible, bien que moins probable, qu'ils aient été tirés par des combattants de l'EI cherchant à cibler les forces irakiennes dans d'autres zones, mais qu'ils aient atterri moins loin que prévu du fait d’un dysfonctionnement. Selon des voisins et des témoins, des combattants de l'EI se trouvaient dans le voisinage, mais aucun à l’intérieur ni aux abords des maisons spécifiques au moment des frappes.

Dans les zones qu’elles ont reconquises, les forces irakiennes ont également installé des positions militaires dans des zones d'habitation, mettant en danger les civils. Isra Ali, 29 ans, a déclaré que sa fille de 18 mois, Razan, a été tuée par un obus de mortier qui a atterri dans la cour de son domicile, dans le quartier d’Hay al Josaq, à l'ouest de Mossoul. Elle pense qu'un poste de la police fédérale situé en face de chez elle était la cible visée.

D'autres familles ont déclaré que leurs proches et voisins ont été tués et blessés par des attentats à la voiture piégée et des tirs de mortiers visant les forces irakiennes dans les quartiers résidentiels récemment repris. Ramy, dont le fils de 10 ans a été tué par un obus de mortier, a déclaré qu'il s’est senti soulagé lorsque les soldats irakiens sont arrivés dans sa rue. Rawda, femme âgée de l'est de Mossoul, nous a fait visiter l'appartement de sa fille, au dernier étage, qui a été utilisé comme position de sniper tout d'abord par les combattants de l'EI, puis par les forces irakiennes. Le bâtiment a été fortement endommagé.

Aujourd'hui, tout est en ruines. Ma fille n'a nulle part où retourner et notre propre maison est très endommagée.

Rawda

Toutes les parties au conflit doivent s'abstenir d'utiliser des mortiers et d'autres armes explosives à large rayon d'impact dans les quartiers à forte concentration de civils de Mossoul. La population civile est en première ligne de la bataille visant à reprendre la ville, tous les camps affichant une indifférence glaçante vis-à-vis de la souffrance causée aux habitants.