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Enfants yézidis

l'horreur continue en Irak

Un garçon yezidi survivant dans le village de Sharia, à Dohuk, en Irak, le 20 avril 2019. © Adam Ferguson

Après avoir été enlevés, torturés, violés et forcés au combat par le groupe armé État islamique (EI), près de 2 000 enfants yézidis sont rentrés dans leur famille, en Irak. Beaucoup souffrent de graves troubles de santé mentale ou de handicaps physiques, de déscolarisation, et sont privés de leurs droits fondamentaux. D’autres enfants, nés des viols des combattants de l’EI, sont séparés de leur mère. 

Tous les enfants ont droit à la santé, à l'éducation, à une identité légale et à l'unité familiale sans discrimination. Les autorités irakiennes, avec l'aide de la communauté internationale, doivent garantir les droits des enfants yézidis survivants de l’EI.

« Ils m’ont obligé à me battre. Soit je le faisais, soit je mourais. Je n’avais pas d’autre choix » raconte Sahir*, recruté de force à l’âge de 15 ans. Comme lui, des centaines d’enfants yézidis ont été enlevés en Irak entre 2014 et 2017 par l’organisation État Islamique. Ils ont été affamés, torturés, violés ou forcés à se battre. La plupart ont subi une propagande intense, un endoctrinement et un entraînement militaire. Le but de l’EI était clair : effacer délibérément leur ancienne identité, leur langue et leur nom.  

Malheureusement, leur retour dans leur communauté n'a pas marqué la fin de leur supplice selon les conclusions de notre dernier rapport sur le sort des enfants yézidis rescapés de l’EI. Entre février et juillet 2020, grâce à votre soutien, nos chercheurs ont pu enquêter sur le terrain, rencontrer et interroger une centaine de personnes dont des enfants survivants, des mères d’enfants nés de viols et des psychothérapeutes. 

Leur constat est sans appel : la plupart des enfants survivants de l’EI qui ont regagné leur famille restent confrontés à d’importantes difficultés. Ils souffrent de nombreux problèmes de santé physique et mentale, liés au conflit, à leur captivité et aux violences dont ils ont été victimes ou témoins, et la réponse des autorités nationales reste insuffisante. 

[Une fois revenu de captivité], j’avais juste besoin de quelqu’un qui prenne soin de moi, qui me soutienne et me dise “je suis là pour toi”. C’est ce que j’ai recherché, et je ne l’ai jamais trouvé.

Sahir*, recruté de force par l’État islamique à l’âge de 15 ans

Vue du camp de Mamrashan, à Dohuk, en Irak, où vivent de nombreuses familles yézidies déplacées, le 21 avril 2019. © Adam Ferguson

De graves troubles de santé, physique et mentale

Les enfants survivants qui reviennent de captivité ont subi des traumatismes inimaginables. Beaucoup rentrent après avoir subi la famine, la torture, des violences sexuelles et armées. Ces expériences ont souvent un impact important sur leur santé.  

Si certaines maladies peuvent être traitées, d'autres enfants survivants ont des séquelles débilitantes, des blessures, des maladies ou des affections de longue durée. 

A 13 ans, Sami a été contraint de fréquenter un "institut" de l’EI en Syrie. Selon son cousin et son aide-soignant, il était régulièrement battu et soumis à d'autres formes de torture. Il a par exemple été jeté nu dans une tombe pendant 24h.   

Quand [Sami] est arrivé, il était très malade. Il ne pouvait pas utiliser ses jambes ou ses mains, et il était toujours faible. Nous l'avons emmené chez le médecin, et il avait une infection du foie.

Amani, 24 ans, à propos de son petit cousin Sami 

De nombreux enfants soldats, forcés à se battre par l’EI, sont revenus blessés voire amputés, des fragments d'éclats d'obus et des balles logés à l'intérieur de leur corps. 

Je gardais les lignes de front pendant quatre ou cinq mois. J'ai été blessé par une artillerie. Ma jambe droite a reçu un gros éclat d'obus, dans mon tendon. J'ai toujours ce morceau d'obus dans mon corps. 

Rayan, capturé à l’âge de 15 ans 

Des jeunes filles yézidies qui ont survécu à la captivité rencontrent elles aussi des problèmes de santé particuliers en raison des viols ou des autres violences sexuelles qu'elles ont subies de la part des combattants de l'EI. Selon une femme médecin interrogée, presque toutes les filles âgées de 9 à 17 ans qu’elle a prises en charge avaient été soumises à des violences sexuelles. Elles souffrent aujourd'hui d'infections sexuellement transmissibles et de menstruations irrégulières, mais aussi de fistules traumatiques ou de difficultés à avoir un enfant. 

J’étais une enfant lorsqu’ils m’ont mariée. Ils m’ont fait souffrir. Je veux que mon avenir soit meilleur et je veux que l’EI rende des comptes pour tout le mal qu’ils m’ont fait.

Randa*, 14 ans, qui a passé cinq ans en captivité sous le contrôle de l’EI

Le Dr Kizilhan avec des enfants yézidis survivants © Adam Ferguson

 Au-delà des traumatismes physiques, presque toutes les personnes qui accompagnent les enfants yézidis survivants de l’EI ont déclaré que leur santé mentale avait été affectée par leur captivité. Certains ne parlent plus. Beaucoup souffrent du syndrome de stress post traumatique (hyper excitabilité, associabilité, tendances suicidaires, énurésie, reviviscence, etc.) risquant de les hanter toute leur vie.

Au début, je rêvais qu'il me revienne. Puis, quand il est revenu, je n'ai pas pu prendre un seul repas normal avec lui, pas un moment normal... Ça ne peut pas être pire que ça. 

Arzan, au sujet de son fils de 14 ans 

Privés d’éducation et isolés  

Pendant leurs années de captivité, les enfants yézidis ont également été privés d’école. Après des années d’absence, la plupart n’y ont toujours pas accès et ne bénéficient pas des programmes disponibles pour un apprentissage accéléré. Soit parce qu’ils ignorent leur existence, soit parce qu’ils sont découragés par la lourdeur administrative. Les experts interrogés par nos chercheurs sont pourtant unanimes : la scolarisation est essentielle pour aider les enfants victimes à surmonter leur traumatisme. 

Après être retournée à l’école, les choses sont devenues plus normales et je me suis sentie mieux. L’école est indispensable pour avoir un avenir. 

Nahla*, 16 ans

Autre problème, de nombreux enfants yézidis sont rentrés en parlant arabe, et non plus kurde. Privés de la langue parlée par leur famille et leur communauté, ils ont du mal à être réintégrés. Bien souvent, ils souffrent d’isolement car leur entourage a du mal à accepter ce qu’ils ont vécu durant leur captivité. 

Un garçon yezidi dans un camp de personnes déplacées à Dohuk, en Irak, le 7 août 2014. © Adam Ferguson

Des enfants arrachés à leur mère 

En raison des politiques de viols systématiques et d'esclavage sexuel menées par l’EI, les femmes yézidies ont donné naissance à des centaines d'enfants pendant leur captivité. De nombreux facteurs culturels et juridiques conduisent à ce que ces enfants soient exclus de la communauté yézidie, obligeant les mères à se séparer d’eux ou à rester dans les camps de déplacés ou aux mains de l'EI pour ne pas avoir à abandonner leurs enfants. Plusieurs femmes que nous avons interrogées ont déclaré avoir subi des pressions, des contraintes ou même avoir été dupées pour abandonner leurs enfants. 

Je veux dire [à notre communauté] et à chacun et chacune dans le monde, s’il vous plaît acceptez-nous, et acceptez nos enfants… Je ne voulais pas avoir un bébé de ces individus. J’ai eu un fils contrainte et forcée. Je ne demanderai jamais à être réunie avec son père, mais j’ai besoin de retrouver mon fils.

Janan*, 22 ans

Ces femmes ont été réduites en esclavage, torturées et soumises à des violences sexuelles. Elles ne devraient pas subir d’autres sanctions. Quant à leurs enfants, ils ont le droit de vivre avec leur mère dans des conditions dignes. 

Seuls, pour se reconstruire 

Systématiquement soumis à l’horreur de la vie sous le contrôle de l’EI, les enfants yézidis survivants sont aujourd’hui trop souvent livrés à eux-mêmes pour se reconstruire. Sur les 14 anciens enfants soldats que nous avons interrogés, plus de la moitié n'ont reçu à leur retour aucune forme de soutien, que ce soit sur le plan psychologique, sanitaire ou financier. 

Pour aller plus loin : Conflits armés : l’ONU doit garantir la protection des enfants !

Les services psychosociaux et les programmes actuellement offerts aux enfants survivants yézidis ne répondent pas aux droits de ces enfants et à leurs besoins. Les services et les programmes existants et destinés aux victimes de violences sexuelles négligent largement les filles. Et les anciens enfants soldats blessés ne reçoivent pas les soins nécessaires et risquent de garder les séquelles de leurs blessures pour le reste de leur vie. 

 

À l’approche du sixième anniversaire de l’offensive de l’EI contre les Yézidis, les autorités irakiennes et la communauté internationale doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour garantir des réparations pleines et entières pour les violations des droits de ces enfants et leur offrir tout le soutien auquel ils ont droit. 

Leur santé physique et mentale doit être une priorité dans les années à venir, afin qu’ils puissent réintégrer pleinement leurs familles et la société. Pour reconstruire leurs vies et contribuer à l’avenir de la communauté yézidie.  

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